Ecole de santé de Paris, Faculté de médecine de Paris, Société de l’École de médecine

De Une correspondance familiale

L'École de santé de Paris sous la Révolution

La Législative supprime l’ancienne faculté de médecine qui délivrait des diplômes d’une validité douteuse (18 août 1792), mais le concours de 1793 pour recruter des officiers de santé révèle, selon Fourcroy, « les dangers du charlatanisme ». Sous son impulsion, et après de longues discussions trois écoles de santé sont finalement créées par la Convention. Le décret du 14 frimaire an III (4 décembre 1794) crée les Écoles de santé de Paris, Strasbourg et Montpellier. Elles accueillent des « élèves de la Patrie » et doivent former les futurs chirurgiens des armées de la République. le nouvel enseignement médical repose sur quatre principes : la fusion de la médecine et de la chirurgie ; la création d'un enseignement clinique pratique dans les hôpitaux ; la sélection par concours des étudiants et des professeurs ; l’obtention d’un diplôme de docteur (en médecine ou en chirurgie) à valeur universelle.

Les élèves qui se présentent (comme André Marie Constant Duméril) remplissent les conditions définies par Fourcroy : « Une bonne conduite, des mœurs pures, l'amour de la république et la haine des tyrans, une éducation assez soignée pour qu'on soit assuré que les élèves posséderont les premiers éléments des sciences exactes, et surtout la culture de quelques-unes de celles qui servent de préliminaires à l'art de guérir, telles que la physique, l'histoire naturelle, la chimie ou l'anatomie ». Prévue pour former 300 étudiants, l’École de santé de Paris en accueille plus de mille dès la rentrée 1797.

Les cours commencent en janvier 1795 ; ils ont lieu dans les bâtiments du couvent des Cordeliers où siégeait l’Académie royale de Chirurgie (l’Ecole, puis la Faculté de médecine s’étendent peu à peu à partir de cette implantation). Les élèves prêtent le serment révolutionnaire et reçoivent un traitement. Tous suivent des cours d'anatomie, de chimie et d'histoire naturelle. Ceux du premier niveau s'exercent aux bandages et appareils. La seconde année ils suivent des cours théoriques et pratiques de médecine opératoire, de pathologie externe et interne et d'accouchement. La troisième année enfin ils poursuivent ces cours, étudient l’histoire de la médecine et se rendent dans les différents hôpitaux de Paris. L'École de Santé est dotée de douze chaires (voir le paragraphe ci-dessous : « Les professeurs de l’École de santé de Paris ») ; André Marie Constant Duméril cite les noms des titulaires et des adjoints (lettre du 3 février 1795 – 15 pluviôse an III) – mais bientôt les chaires se partagent équitablement entre titulaires et adjoints. Michel Augustin Thouret est nommé directeur.

Les années suivantes apportent quelques modifications. Dès l'an V, l'École forme des médecins qui serviront dans les hôpitaux ou dans la société et non plus seulement dans l’armée ou la marine. La loi du 14 frimaire an VIII, signée par Lucien Bonaparte, ministre de l'Intérieur, donne à l'École de santé de Paris un rôle central. Les professions médicales sont réglementées (décret du 10 mars 1803 – 19 ventôse an XI) : on distingue les docteurs formés dans les écoles de médecine et les officiers de santé, à la formation plus légère, qui exercent dans les campagnes où sévissent des charlatans (qui profitent de la liberté d’exercice des professions proclamée par la Constituante). Les officiers de santé doivent passer un examen en trois épreuves (anatomie, éléments de médecine, connaissances de base en pharmacie et chirurgie) devant un jury composé de deux médecins et d’un professeur de médecine. André Marie Constant Duméril, nommé professeur d’anatomie en 1801, accomplit en province ces tournées de jurys de médecine (mentionnées dans les lettres entre 1811 et 1819). En mars 1803 Fourcroy réorganise également les études de pharmacie et la profession de pharmacien.

L'École de santé devient l’École de médecine en 1798.

L'enseignement clinique, qui caractérise l’École de santé, se fait d’abord dans trois hospices particuliers. Devant l’afflux des étudiants, chacune des cliniques interne et externe est doublée. C'est ainsi que, jusqu'en 1824, la clinique interne a son siège à l'hospice de l'Unité (La Charité) et la clinique externe à l'hospice de l'Humanité (Hôtel-Dieu). De plus, trois cliniques nouvelles sont instituées, pour l'inoculation, le traitement des maladies syphilitiques et la pratique des accouchements.

Les professeurs de l’École de santé de Paris en 1795

Dans une lettre du 3 février 1795 (15 pluviôse an III) Duméril donne la liste des professeurs suivante :

Sciences………………………………..Professeurs………….Adjoints
Physique Médicinale ou Hygiène…..Hallé………………..Pinel
Anatomie et Physiologie...…………...Chaussier (Dijon)....Dubois
Pathologie externe………………….Doublet……………..Bourdier*
Matière médicale et Botanique…Peyrilhe……………..Richard
Chimie…………………………………...Fourcroy*…………...Deyeux
Chirurgie opératoire………………..Sabatier……………..Boyer
Accouchement……………………...Alphonse Leroy……..Baudelocque
Médecine légale………………...…..Lassus……………...Mahon*
Clinique interne à la charité……..Corvisart…………..Leclerc*
Clinique externe à l'Hôtel-Dieu….Desault*………..Manoury (mort)
Clinique externe à l’école………....Pelletan…………..Lallement
Conservateur………………………Thillaye.*
Bibliothécaire……………………….Sue L'aîné
Directeur…………………………...Thouret*

Bientôt certains professeurs se font remplacer (comme Fourcroy par Deyeux), d’autres sont nommés, les affectations varient (Sue enseigne l’histoire de la médecine et, après Cabanis, la médecine légale). Parmi les nouveaux enseignants, on peut citer André Marie Constant Duméril (nommé professeur d’anatomie en 1801), Jussieu et Richard (histoire naturelle médicale), Desgenettes (hygiène, en 1799), Richerand et Percy (pathologie externe), Leroux (clinique interne), etc. (voir ci-dessous la liste des professeurs en 1813)

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La Faculté de médecine de Paris

L'École de médecine est érigée en faculté par décret du 17 mars 1808 et retrouve peu après son titre de l'Ancien Régime. André Marie Constant Duméril se plaint de ce passage à l’université qui les « a beaucoup ravalés » (lettre du 28 janvier 1809).

La faculté dispose de nombreux locaux : pavillons et amphithéâtres de dissection, salle des collections anatomiques, salle d’instruments de chirurgie, musée pour les pièces en cire, laboratoire et amphithéâtre de chimie, bibliothèque, jardin botanique.

La nomination des professeurs par concours est instituée (1810). En 1811 Fourcroy est remplacé par Vauquelin et la chaire d’accouchement, libérée par la mort de Baudelocque, donne lieu à un concours public : Maygrier se distingue, mais Désormeaux domine . En 1812, le décès de Sabatier libère la chaire de médecine opératoire ; les péripéties du concours passionnent tout paris, depuis le dépôt de la première liste de 7 candidats, les retards de présentation des dossiers, les retraits, les 4 candidats restants (Dupuytren, Marjolin, Roux, Tartra), les démissions dans le jury présidé par Jussieu (Duméril est désigné pour consolider ce jury) et les épreuves publiques ; finalement, Dupuytren est choisi (février 1812). Dupuytren abandonne alors son poste de chef des travaux anatomiques qui, à son tour, est mis au concours. Un nouveau jury est constitué sous la présidence de Leroux, assisté de Chaussier, Duméril, Lallement et Dupuytren et des suppléants Thillaye et Richerand (8 mai 1812). Le concours s'ouvre le lundi 11 mai 1812. Restent quatre concurrents : Chauvot de Beauchène, Béclard, Hippolyte Cloquet et Rullier. à l’issue de la lecture publique des mémoires, le 7 juillet, Béclard est reçu par le jury.

Le personnel de la Faculté de médecine en 1813

[d’après « Structure et fonctionnement de la Faculté de médecine de Paris en 1813 », Pierre Huard et M.J. Imbault-Huart, Revue d’histoire des sciences, 1975]

Les professeurs :
Anatomie et Physiologie : Chaussier, Duméril
Chimie médicale et pharmacie : Deyeux, Vauquelin
Physique médicale et hygiène : Hallé, Desgenettes
Pathologie externe : Percy, Richerand
Pathologie interne : Pinel, Bourdier.
Histoire naturelle médicale, botanique : Richard, Jussieu
Médecine opératoire : Lallement, Dupuytren
Clinique externe : Pelletan,  Boyer.
Clinique interne : Corvisart, Leroux
Clinique de perfectionnement : Dubois, Petit-Radel
Accouchements : Leroy, Desormeaux
Médecine légale : Sue.
Démonstrations des drogues usuelles et des instruments de chirurgie : Thillaye

Sont également employés par la faculté :
un bibliothécaire : Moreau, et un sous-bibliothécaire, Husson ;
un aide-conservateur : Thillaye fils ;
un modeleur en cire : Pinson, et un aide-modeleur, Cloquet jeune ;
un peintre-dessinateur : Lemonnier ;
un chef de travaux de chimie : Barruel, assisté de Nysten ;
un chef de travaux anatomiques : Béclard, assisté de Beauchêne ;
des prosecteurs : Magendie, Cloquet, Baron ;
des aides : Breschet, Rochon, Moulinié, Richard
un chef de bureau : Descot, assisté de son fils
un expéditionnaire : Etienne
un jardinier : Marthe ;
3 portiers, 3 garçons de salle, 3 hommes de service.

Les professeurs et employés sont salariés par le ministère de l’Intérieur.
En 1812, 1 300 élèves sont inscrits en première année ; 1 000 en seconde ; 700 en troisième ; 300 en quatrième ; en 1813, le nombre des inscrits est inférieur.

La Restauration supprime le concours public, laissant à l’arbitraire du roi le soin de désigner les professeurs.
Le 21 novembre 1822, devant l’hostilité aux Bourbons trop affichée par certains enseignants, Louis XVIII destitue de leur charge de professeur Chaussier, Desgenettes, Deyeux, Antoine Dubois, Jussieu, Lallement, Leroux, Moreau de la Sarthe, Pelletan, Pinel et Vauquelin. Les professeurs sont mis à la retraite, les contestataires éliminés et la Faculté de médecine de Paris est fermée.
Quatre mois plus tard, en mars 1823, la Faculté ouvre à nouveau ses portes. Son nouveau Conseil décide que, désormais, les agrégés et les professeurs seront nommés sur concours et non cooptés. Le premier concours s’ouvre le 20 novembre 1823.
Orfila, doyen de la Faculté de médecine de Paris de 1831 à 1848, réforme l'enseignement médical, rend obligatoire le baccalauréat ès sciences pour l'accession au titre de docteur en médecine, fait supprimer le titre d'officier de Santé, rend plus difficile l'accès à l'agrégation et au professorat, astreint les étrangers aux mêmes examens que les Français.

La Société d’Instruction médicale

Cette société d’étudiants est fondée le 29 mai 1801 (9 prairial an IX) et placée sous l’autorité du doyen Leroux. Elle illustre les nouveaux rapports qui s’instaurent alors entre maîtres et élèves, chacun pouvant rapporter aux autres les observations faites auprès des malades. Ces observations, qui touchent essentiellement à la clinique interne, sont rédigées de façon rigoureuse selon un questionnaire type. Corvisart fonde un prix d’encouragement en faveur de ses membres

La Société de l’École de médecine

L'École de médecine, qui est chargée non seulement d'enseigner, mais « de s'occuper de tout ce qui peut concourir à l'amélioration de l'Art de guérir », doit s'étoffer au-delà de son conseil des professeurs. La Société de l’École de médecine est établie par décret du ministre de l'Intérieur en 1800. Sous la direction de Thouret se réunissent les 40 associés (les 24 professeurs de la Faculté et des membres des anciennes institutions médicales) et 16 adjoints (jeunes médecins et chirurgiens). Avec les associés, tous ceux qui comptent en médecine se trouvent liés à l'École : en 1800, Bichat, Chaptal, Cuvier, Le Preux et Vauquelin ; en 1809, Bourdois de la Motte et Husson. Appartenir à la Société de l’École de médecine est une preuve de notoriété pour ses membres.

La Société de l’École de médecine rassemble et publie les observations collectées par les médecins des départements. Outre cette activité scientifique, la Faculté de médecine, par l’intermédiaire de la Société, donne son avis sur des dizaines de questions touchant à la santé publique (eaux minérales, médicaments, etc.). La Société est consultée en particulier sur les « remèdes secrets », pour établir la distinction entre parfumeurs et pharmaciens et pour lutter contre les charlatans qui proposent des préparations supposées bénéfiques. Le ministre de l’Intérieur demande aux fabricants de « remèdes », onguents et parfums curatifs d’en déposer la composition, qui est étudiée par des commissions, dont André Marie Constant Duméril fait parfois partie (lettre du 1er octobre 1810). La Société recueille également des données sur les causes de décès et élabore des statistiques pour Paris et la province. Elle publie des bulletins, mais elle est critiquée pour ne pas poursuivi la publication des Mémoires des deux anciennes compagnies, la Société royale de médecine et l’Académie de chirurgie.

La Société de l’École de médecine est dissoute en 1821, peu après de la création de l'Académie royale de Médecine (décembre 1820).

La Société de médecine de Paris

Elle se pose en concurrent de la Société de l’École de médecine. Fondée en 1796, elle est très active et publie un copieux journal, rédigé par Sédillot (1757-1840).


Pour citer cette page

« Ecole de santé de Paris, Faculté de médecine de Paris, Société de l’École de médecine », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), URI: https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Ecole_de_sant%C3%A9_de_Paris,_Facult%C3%A9_de_m%C3%A9decine_de_Paris,_Soci%C3%A9t%C3%A9_de_l%E2%80%99%C3%89cole_de_m%C3%A9decine&oldid=31263 (accédée le 10 octobre 2024).

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