Paris : les hôpitaux (première moitié du XIXe siècle)

De Une correspondance familiale

La Révolution amène des changements dans le système hospitalier, qui se poursuivent au cours du XIXe siècle et que la carrière d’André Marie Constant Duméril, élève dès 1795 de l’Ecole de santé puis exerçant à l’hôpital et auprès d’une clientèle privée, suit et accompagne.

Les soins

Sous Louis XIV, l'Etat crée l'Hôpital Général, où sont enfermés vagabonds, pauvres, vieillards, femmes de mauvaise vie, dans le but de contrôler la population et de garantir la sécurité publique. L’hôpital est pensé comme un lieu d’accueil plutôt que comme un centre de soins. À la fin du XVIIIe siècle l’Hôpital général comprend 7 établissements, dont des bâtiments dans Paris (la Pitié) et hors les murs : la Salpêtrière (destinée à l'hébergement des femmes) et l'hospice de Bicêtre (pour les hommes). On compte par ailleurs de nombreux petits établissements de soins et d’hébergement.

Au début du XIXe siècle, l’hôpital devient un lieu où se prodiguent des soins aux malades, en même temps que se construisent de nouveaux savoirs médicaux. Et le courant philanthropique impose le principe de l’assistance collective aux démunis. En 1792 les congrégations religieuses sont supprimées dans les hôpitaux (mais religieuses et religieux continuent provisoirement leur service). Les hôpitaux occupent les établissements religieux désaffectés (1793) : ainsi l’Hospice de l’Est s’installe à l’abbaye Saint-Antoine ; l’hospice de la Maternité à Port-Royal et l’hôpital militaire au Val-de-Grâce. Les hôpitaux et les hospices deviennent des établissements publics communaux (1796) ; chacun est géré par une commission de 5 membres nommés. Une certaine rationalisation est introduite : les malades sont séparés des miséreux et certains hôpitaux sont affectés à des catégories spéciales de malades (aliénés, vénériens, scorbutiques, enfants trouvés, femmes en couches, vieillards indigents). Les Hospices civils de Paris sont institués par le Consulat : en soulageant « l’humanité souffrante », victime de la misère, du froid, de la malnutrition, des épidémies (à une époque où seul un français sur deux dépasse sa vingtième année), ils doivent prévenir les désordres sociaux. Le Conseil général des Hospices, créé en 1801, réunit sous une même administration les hôpitaux, les hospices, les bureaux de bienfaisance et les secours à domicile. Le Conseil est composé d’une douzaine de notables nommés par le ministre de l’Intérieur ; il se réunit sous la présidence du préfet de la Seine (Frochot à l’origine). Les médecins sont consultés. L’Assistance publique de Paris remplace ce Conseil en 1849.

Dans une approche plus philosophique que curative, on distingue souvent, au XVIIIe siècle, cinq secteurs fondamentaux de la médecine : l’anatomie, la pathologie, la sémiologie, l’hygiène et la thérapeutique. Au début du XIXe siècle s’impose une approche différente, anatomo-clinique, à laquelle concourent les progrès du diagnostic, l’essor des spécialités médicales, la place nouvelle de la chirurgie et de la chimie, la diffusion des expérimentations, les études statistiques, etc. Quelques lettres (en particulier celles autour de Bretonneau ou Guersant), en sont le reflet.

L’enseignement

Les hospices parisiens jouent également un rôle important dans l’enseignement de la médecine : pour les élèves, aux cours traditionnels s’ajoute l’apprentissage pratique auprès des malades. Dans chaque établissement des praticiens hospitaliers sont responsables à la fois du soin et de la formation. L’équipe médicale mobilise médecins, élèves médecins, sages-femmes et pharmaciens. Les internes (corps d’élèves médecins créé en 1802) sont recrutés pour 4 ans par concours ; logés, nourris, modestement indemnisés, ils assurent la permanence des soins de nuit. Certains étudiants de la faculté de Paris pouvaient, depuis le début du XVIIIe siècle, faire un stage d’observation à l’Hôtel-Dieu. Une formation pratique, plus active (avec palpation, percussion, auscultation), devient obligatoire pour tous les étudiants. Sur les 12 chaires d’enseignement de l’Ecole de santé, 3 sont implantées dans les hôpitaux pour la formation clinique. La fonction de chef de clinique, attribuée à d’anciens internes, est instituée auprès des professeurs pour les seconder dans leur enseignement. L’agrégation universitaire est créée en 1825. Un amphithéâtre d’anatomie, pour les démonstrations et dissections, est ouvert dans le quartier Saint-Marcel (1833). A Paris, vers 1830, 5 000 étudiants en médecine se forment auprès de 20 000 malades.

Les hôpitaux civils de Paris en 1805

[D’après le Mémoire sur les hôpitaux civils de Paris, de Nicolas Marie Clavareau (1757-1816), architecte des hôpitaux, 1805 – ouvrage numérisé par la BNF]

Les hôpitaux et les hospices civils, écrit Clavareau, sont « propres à offrir des secours aux malades, aux indigents, aux vieillards, aux orphelins recevant instruction, enfin à renfermer les malfaiteurs qui, par de mauvaises mœurs, ou une conduite coupable, sont dans le cas d’une réclusion momentanée ou à perpétuité. »

Dans les « hôpitaux de malades », il cite :
- L’Hôtel-Dieu, place Notre-Dame (membre du conseil : Thouret)
- Saint-Louis, faubourg du Temple (membre du conseil : Mourgue)
- La Charité, rue des Saints Pères (membre du conseil : Parmentier) et la clinique interne près la Charité (membre du conseil : Thouret)
- Les Vénériens, au faubourg Saint Jacques (membre du conseil : Jules Paul Benjamin Delessert)
- L’Hôpital Saint Antoine, faubourg Saint Antoine (membre du conseil : Fieffé)
- L’Hôpital Baujon, faubourg Saint Honoré (membre du conseil : Camus)
- L’Hôpital Cochin, faubourg Saint Jacques (membre du conseil : Duquesnoy)
- L’Hôpital Necker, rue de Séve (sic) (membre du conseil : Delessert)
- Les Enfans malades, rue de Séve (membre du conseil : Pastoret)
- La Maison de santé, faubourg Saint-Laurent (membre du conseil : Mourgue)
- La Maison de la Vaccine, rue du Battoir (membre du conseil : Thouret)

Pour les « hospices d’indigents », Clavareau cite :
- L’Hôpital général, boulevard de l’Hôpital (membre du conseil : Richard d’Aubigny)
- Bicêtre, chemin de Ville-Juif (membre du conseil : Bigot de Prémeneu)
- La Pitié, rue Saint Victor (membre du conseil : Duquesnoy)
- La Maternité, rue d’Enfer (membre du conseil : Camus)
- L’Accouchement, ci-devant Port-Royal, rue de la Bourbe (membre du conseil : Camus)
- Les Hommes incurables, ci-devant Recollets, faubourg Saint Laurent (membre du conseil : Pastoret)
- Les Femmes incurables, rue de Séve (membre du conseil : Mourgue)
- L’Hospice Mont-Rouge, chemin de Mont-Rouge (membre du conseil : Camus)
- Les Orphelines, rue du faubourg Saint Antoine (membre du conseil : Fieffé)
- Les Petites Maisons, ou Hospice des Ménages, rue de la Chaise (membre du conseil : Parmentier)

Hôpitaux mentionnés dans les lettres de la famille Duméril:

[Voir le plan de Paris en 1818]

La Maison de santé où exerce André Marie Constant Duméril à partir de 1813.

L’Hôtel-Dieu

L’Hôtel-Dieu est le plus ancien hôpital de la capitale et, jusqu'à la Renaissance, le seul hôpital de Paris. Il est reconstruit après l’incendie de 1772. Ses 13 dortoirs pour hommes et ses 12 dortoirs pour femmes peuvent alors recevoir plus de 3 000personnes (8 000 en période d’épidémie). L’Hôtel-Dieu est appelé Grand hospice de l’humanité sous la Révolution. Les cours de clinique de l’Ecole de santé se donnent à l’Hôtel-Dieu sous la direction de Desault. Pelletan lui succède, Bichat y exerce la chirurgie. La volonté d’une meilleure gestion, impulsée à partir de 1801 par le Conseil général des hôpitaux et hospices civils de Paris, conduit à la création de nouveaux services. Antoine Thillaye y exerce comme pharmacien avant 1806. L’Hôtel-Dieu prône la pratique de la vaccination.

L’hôpital de la Charité

L’hôpital de la Charité, fondé au début du XVIIe siècle, est réservé aux hommes sous l’Ancien Régime ; il accueille aussi des femmes sous la Révolution et prend provisoirement le nom d’Unité. Les cours de clinique interne de l’Ecole de santé  se donnent à la Charité dans le local de l’église désaffecté de longue date. L’architecte Clavareau y construit un amphithéâtre, une salle de pathologie, des infirmeries pour 40 lits, des salles de bains, « une salle de douches ascendantes et descendantes », « les moyens pour administrer les bains de vapeur », une cuisine et une pharmacie. Les cours se donnent sous la direction de Corvisart (1795). Boyer, Cruveilhier, Dupuytren, Leroux, Velpeau, etc. y enseignent la clinique médicale. Les blessés de 1830 et les malades du choléra en 1832 sont soignés à la Charité.

L’Hôpital des Enfants malades

Succédant à diverses institutions (consacrées en particulier aux orphelins), un hôpital spécial où sont réunis tous les enfants malades de moins de 15 ans ouvre en 1802, rue de Sèvres. Cet établissement reçoit, en 1805, 300 pensionnaires âgés de moins de 12 ans (dont 100 petites filles). Les enfants de moins de 6 ans sont mis à part, les garçons et les filles séparés ; les enfants sont répartis dans de grandes salles de 30 à 40 lits. On isole aussi les malades contagieux de ceux atteins de maladies chroniques ou aigues. Le personnel médical de l'hôpital comprend : 2 médecins (dont Guersant), 1 chirurgien, 1 pharmacien et 8 élèves. L'établissement est administré par 1 agent de surveillance, 1 économe et 1 contrôleur ; il est desservi par 6 surveillantes, 33 infirmières, 7 lingères, 2 portiers, 1 cuisinier, 1 garçon de bureau, 1 jardinier et 9 hommes de service. Au fil des ans, on s’efforce d’accroître la salubrité des locaux et d’ouvrir de nouvelles salles.

L'Hospice des Enfants-Assistés

Auguste Duméril signale en 1830 qu’il va visiter l’hospice des Enfants Trouvés avec son cousin. L'hospice des Enfants Assistés, dénomination qui désigne par euphémisme les Enfants Trouvés, est issu de l’établissement fondé par Vincent de Paul, plusieurs fois transféré, établi en 1802 dans les bâtiments de l'Oratoire, rue d'Enfer. Il n'a pas alors de mission hospitalière au sens strict du terme : il est chargé d'accueillir les enfants en attente de placement nourricier. Les nourrices destinées aux enfants secourus y occupent quatre cent cinquante-sept lits et quatre-vingt-cinq berceaux. Une lithographie de Marlet (1771-1847) représente la crèche en 1814.

La Salpêtrière

En 1800, André Marie Constant Duméril signale qu’il va « à l’hôpital de la Salpêtrière étudier la médecine au lit des malades ».

Sous l’Ancien régime, la Salpêtrière est le premier et le plus grand des établissements de l'hôpital général : à la fin du XVIIIe siècle, l’hospice abrite dix mille personnes et la prison compte plus de trois cents détenues. Avec la création du Conseil général des Hospices, la Salpêtrière se médicalise et se spécialise : elle se consacre aux femmes aliénées et âgées. Pinel, secondé par le surveillant Jean-Baptiste Pussin, commence à humaniser le traitement des malades, reprenant là les principes expérimentés à Bicêtre.

[D’après, en particulier, Pierre Vallery-Radot, Deux siècles d’histoire hospitalière (Paris, 1602-1836), éditions Paul Dupont, 1947 ; Robert Vial, Histoire de l’enseignement des hôpitaux de Paris, l’Harmattan, 1999 ; Histoire de la pensée médicale en Occident -3- Du romantisme à la science moderne, sous la direction de Mirko D. Grmek, Seuil, 1999]


Pour citer cette page

« Paris : les hôpitaux (première moitié du XIXe siècle) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), URI: https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Paris_:_les_h%C3%B4pitaux_(premi%C3%A8re_moiti%C3%A9_du_XIXe_si%C3%A8cle)&oldid=43203 (accédée le 13 novembre 2024).

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