1841-1843 - Journal intime d’Auguste Duméril pendant ses fiançailles (1ère partie : 1841)

De Une correspondance familiale

[A cause de contraintes techniques ce document doit être présenté en deux parties. Le texte du Journal des années 1842-1843 se trouve à la suite]

 Le livre de la vie est un livre suprême,
Que l’on peut ouvrir ou fermer à son choix :
On voudrait l’arrêter à la page où l’on aime,
Et la page où l’on meurt est déjà sous les doigts.
Lamartine[1]

Journal de Monsieur Auguste Duméril, Membre de l'Institut

1er Volume


Souvenirs rétrospectifs. Détails confidentiels légués dans ma 87e année
à mes bons petits enfants Pierre et Marie-Louise Soleil, en septembre 1906.

Vve Auguste Duméril.



Fiançailles. Mardi 2 Novembre 1841.

Ce journal, que je commence aujourd’hui, est une sorte d’engagement tacite pris à Lille[2], où un autre, je le pense, aura été commencé également ces jours-ci, ou le sera prochainement.

J’ai cherché à faire comprendre tout l’intérêt que peut offrir plus tard un semblable mémorial, j’ai été compris, et je tiens beaucoup à faire, de mon côté, ce qui sera bien certainement fait à Lille.

Je borne là mes réflexions préliminaires, sauf à les développer un autre jour, si l’occasion s’en présente. Je n’ai ce soir que le temps de noter à la hâte mon retour dans ma famille[3], ce matin même après une absence de 23 jours, de laquelle je rapporte le bien doux souvenir, dont il sera certainement question bien souvent dans ces feuilles. J’éprouve un grand bonheur à me retrouver au milieu de tous ces bons parents, mais j’en éprouverai un bien vif aussi à me reporter souvent, par la pensée, aux six jours que j’ai passés à Lille.

Joseph Fabre[4], envoyé à Briançon, en revenant du camp de Châlons-sur-Marne, a dîné aujourd’hui avec nous chez Félicité[5] ; j’ai été fort heureux de le voir, car c’est un bien digne et excellent ami, que j’affectionne beaucoup. On m’a fait une infinité de questions sur mon voyage, mais c’est toujours de mon séjour à Lille que j’étais tenté de parler, car c’est là que se reporte à chaque instant ma pensée, depuis le jour où j’ai quitté cette ville. Il est bien important cependant que j’évite tout ce qui pourrait faire supposer qu’il y a en moi une préoccupation ; mais ce doux nom d’Eugénie me plaît tant à prononcer, qu’il revient sur mes lèvres à chaque instant, et comme malgré moi. C’est pour moi, une très grande satisfaction de savoir, et c’est de ma mère que je le tiens, et Constant et Félicité ont appris avec plaisir quels sentiments a fortifiés dans mon cœur mon séjour dans la rue du Plat.

Mercredi 3 Novembre 1841.

J’ai eu le plaisir de recevoir une fort aimable et gracieuse lettre d’Adine[6], en réponse à une, que je lui avais écrite de Lille, et dans laquelle j’avais cherché à mettre aussi quelque amabilité. J’aime à croire qu’elle commence à avoir de l’amitié pour moi ; je serais bien heureux si les circonstances viennent plus tard corroborer ces sentiments. L’affection que je porte à Auguste[7] m’excite tout naturellement à aimer celle qui est devenue sa femme, et d’après tout ce que j’ai vu d’elle, il me semble qu’elle est parfaitement digne d’être aimée. Quoi qu’il en soit, si j’en ai le temps, je chercherai un de ces jours, à coucher clairement mes idées sur ce journal, relativement aux mariages entre gens qui ne s’étaient jamais vus avant les trois mois qui précèdent le jour où se dit le terrible Oui.

Je désire d’autant plus m’expliquer à cet égard, que je crois qu’Eugénie partage ma manière de voir, et que c’est une des choses qui me porte à croire à un sentiment particulier de sa part ; tout, du reste, dans le mariage d’Auguste, semble faire présager le bonheur : mon blâme ne se porterait donc que d’une manière générale sur ces sortes d’unions.

J’ai écrit à mon oncle Montfleury[8] pour le remercier de l’excellent accueil que j’ai reçu de lui et de ma bonne tante. J’ai écrit avant-hier d’Amiens à mon oncle Auguste[9], dans le même but, mais cette lettre m’a semblé plus difficile à faire, parce que je voulais, tout en restant dans les généralités, laisser derrière un voile que j’aurais désiré ne rendre transparent que pour Eugénie, certaines pensées : en d’autres termes, j’aurais voulu, tout en m’adressant à mon oncle, causer, en quelque sorte, avec elle seule, au moyen d’un langage qui n’aurait été à double entente que pour elle, mais je n’ai pas bien réussi, peut-être même ai-je fait une maladresse, qui aura pu être remarquée par mon oncle : après avoir terminé ma lettre, dans le courant de laquelle j’envoyais mes amitiés à ma cousine et à Eléonore de St Omer[10], j’ai mis un post-scriptum : «  Je renouvelle mes compliments affectueux à Eugénie. » Cette mention, toute spéciale, n’est-elle pas un peu inconsidérée, car enfin, toute idée de mariage doit être si loin, quant à présent du moins, que je dois éviter avec soin tout ce qui pourrait paraître trop évidemment dirigé vers ce but, et tout ce qui pourrait faire supposer de vifs sentiments. Pour être de bonne foi, car il vaut autant ne pas faire de journal si l’on n’y met pas sa pensée tout entière, je suis bien aise de penser, quoique j’aie peut-être eu tort, en cette circonstance, qu’elle aura vu cette petite phrase avec plaisir : c’est une petite mention, toute particulière, à laquelle elle n’aura sans doute pas été indifférente.

Vendredi 5 Novembre 1841.

Félicité a reçu hier une lettre d’Eugénie, qui dit que mon oncle[11] a reçu celle que je lui ai adressée d’Amiens, et que Mlle Emilie Cumont[12] étant déjà partie, quand elle est parvenue, elle lui transmettra, la première fois qu’elle écrira à sa cousine, les quelques paroles gracieuses dont je chargeais mon oncle pour cette jeune personne, dont j’ai été fort aise de faire la connaissance, et par qui je tenais beaucoup à être jugé aussi favorablement que possible, car liée comme elle l’est avec Eugénie, j’ai peine à me persuader que mon nom ne viendra pas, de temps à autre, dans leurs conversations ou dans leur correspondance, qui est très suivie, et certainement très expansive. La facilité de l’expansion est un des caractères des lettres d’Eugénie, à ce que Félicité a dit à maman : aussi, dois-je avouer que je serais assez curieux de connaître cette lettre d’hier ; comment se fait-il que Félicité ait été si laconique, cette fois-ci, elle, qui donne de temps en temps à lire les lettres de sa sœur, ou qui, au moins, en parle avec détails. Je trouve une preuve de l’expansion que met ma cousine dans sa correspondance, dans ce fait, qu’elle a dit devant moi, à Mlle Emilie, qu’elle serait bien fâchée que d’autres qu’elle vinssent à lire les lettres qu’elle lui adresse.

Que la maison de la rue du Plat doit être, mais surtout doit paraître triste à Eugénie, maintenant que ses deux amies sont parties ; puisse-t-elle trouver quelque distraction dans la rédaction de son journal !

J’ai fait partir aujourd’hui une lettre pour mon oncle Désarbret[13], pour lui parler du plaisir que j’ai éprouvé à le revoir et le remercier, ainsi que M. et Mme Bellard[14], de l’accueil que j’ai reçu chez eux. Je continuerai à écrire, de temps à autre, car il paraît que mes lettres lui font un certain plaisir.

Je suis tout à fait rentré dans mon travail du laboratoire, et je suis en parfaits rapports avec lui, comme avant mon voyage. J’ai revu aujourd’hui les premiers matériaux rassemblés par moi pour ma thèse[15], et je vais, la semaine prochaine, me mettre tout à fait à ce travail. Je note ici, mais sans y attacher autrement d’importance, que, depuis mon retour, je m’observe beaucoup sur mon caractère, c’est-à-dire, sur la facilité avec laquelle je mets de la vivacité aux choses : j’ai là une réforme à faire, parce que mes rapports avec ma mère n’en seront que plus agréables, et que je tiens beaucoup à cela.

Je sais qu’Eugénie a su imprimer à son caractère d’heureuses modifications, comment n’essaierais-je pas, de mon côté, d’arriver à un semblable résultat.

Dimanche 7 Novembre 1841.

J’ai passé hier, samedi, une soirée fort agréable : j’ai dîné avec Joseph Fabre, et nous avons été ensuite au théâtre du Palais-Royal. Nous avons beaucoup causé de choses sérieuses, de sa position, qui n’est pas gaie, et de la mienne, qui me préoccupe tant, à cause de l’incertitude où je suis, relativement à ce que je dois faire pour mon avenir, hésitant entre les études scientifiques, proprement dites, et la chirurgie, mais je n’ai pas le loisir de m’étendre sur ce sujet, d’autant que je tiens à consigner quelques points d’une conversation que je viens d’avoir avec maman. Elle m’a raconté que, Constant[16] étant venu la voir dans la journée, leur conversation était tombée sur moi, et sur ce qui m’intéresse tant, depuis mon départ de Lille. Interrogé par maman, sur la question de savoir s’il croît qu’Eugénie partage les sentiments que j’éprouve pour elle, il n’a pas répondu positivement, mais il a laissé entendre qu’il ne serait pas étonné qu’elle m’ait distingué. Il est resté dans les termes vagues ; mais comme il a dit, il n’y a pas longtemps, à maman, après la réception des lettres que j’ai écrites en voyage, après avoir quitté Lille, qu’Eugénie était très expansive dans sa correspondance, j’aime à penser qu’elle a parlé de moi, dans la lettre que j’ai mentionnée le 5 Mai. Ce n’est qu’une supposition de ma part. Constant pense que mon oncle Auguste et ma tante ont pour moi beaucoup d’attachement, et il ne pense pas qu’il pût y avoir opposition formelle de leur part, à un mariage, si je demandais la main de ma cousine. Est-ce bien certain pour ma tante ? Toujours est-il que ce sont là des paroles qui doivent me rendre bien heureux.

Vendredi 12 Novembre 1841.

Dimanche dernier, mon père, Mlle Vasseur[17], Alfred[18] et moi, nous sommes allés au Louvre. Cette visite au musée m’a beaucoup intéressé, et j’ai fait la réflexion, en m’y promenant, et en y admirant les richesses qui y sont accumulées, que ce serait un grand bonheur pour moi de faire connaître un jour à Eugénie, si jamais elle devient ma femme, toutes ces belles choses, qu’elle ne connaît pas, et qu’elle saurait si bien apprécier, non pas qu’elle s’y connaisse en peinture, mais l’espèce d’ignorance à cet égard, que j’ai remarquée en elle, le jour où nous visitâmes le musée de Lille, tient au défaut d’habitude de voir de la peinture. Moi, par exemple, qui n’y connais que  très peu de choses, c’est en voyant un peu les tableaux, et en ayant quelquefois causé avec Auguste, que j’ai appris le peu que je sais. Un défaut qu’il faut éviter avec grand soin, quand on parle peinture, c’est de se poser comme un connaisseur et de parler de manière ou de genre de tel ou tel peintre comme très reconnaissable : on court souvent le risque de se faire moquer de soi.

Lundi je suis allé faire visite à Mme Ditandy[19], dont le petit Edgar était souffrant. Cette pauvre femme, extrêmement fatiguée parce qu’elle ne peut pas trouver de servante, était aussi fort peu à son aise. Il est bien à craindre qu’elle ne soit loin d’être heureuse avec son mari, qui vient de se donner le ridicule de laisser pousser ses moustaches.

Je suis allé également chez Mme Louis Say[20], Mme Horace[21] et Mme Comte[22]. J’ai vu la belle Pauline, froide statue, qui a bien de la peine à trouver son Pygmalion.

Mercredi, j’ai dîné avec Joseph Fabre, et nous avons été le soir aux Variétés, où nous nous sommes amusés, mais moins qu’au Palais-Royal. Cette soirée passée en compagnie de ce brave et excellent Joseph m’a été très agréable. Aime-t-il Eugénie ? Pense-t-il qu’elle pourrait bien devenir sa femme ? je l’ignore, mais je me persuade que, s’il a eu ces idées, il cherche à les éloigner, jugeant que, de mon côté, je me suis laissé prendre à cette charmante cousine, dont les yeux sont des plus délicieusement expressifs que j’aie jamais vus. S’il est un peu amoureux, ce pauvre ami, je le plains, car je sens bien, à présent, que quand le cœur a parlé, il doit être bien dur de secouer cette douce chaîne, et le caractère de mon ami est trop loyal, pour que je n’aie pas la persuasion qu’il me laisserait le champ libre, du moment que je lui déclarerais quels sont mes sentiments. M. Hermel[23], que nous avons vu dimanche, et qui paraît aussi trouver la demoiselle à son goût, a-t-il quelquefois pensé sérieusement qu’il pourrait demander et obtenir sa main ? C’est encore dans les choses possibles, mais ce serait, je crois, un mariage non faisable ; en supposant (ce que je ne crois pas) réciprocité d’attachement, en raison de sa carrière, qui l’oblige à une vie errante.

J’ai écris mercredi à Octavie Raoul[24] pour la remercier de son accueil très amical, mais comme j’avais oublié de la charger de remerciements pour Mme Duval[25], pour des fleurs et des feuilles de vigne en papier, qu’elle avait envoyées à maman, j’ai adressé directement à celle-ci quelques lignes, le lendemain.

Hier jeudi, nous avons eu M. et Mme Soubeiran[26] : cette dernière est vraiment une personne assez bizarre, par son habitude de toujours parler de ses enfants : elle perd, pour le physique, et n’est plus bien, c’est cependant encore une assez belle femme. Nous avions aussi Mme Rainbeaux[27] à qui, dit-on, son mari fait des traits en Belgique, et a compromis plusieurs dames, ce qui pourrait peut-être expliquer, outre le traitement qu’elle subit, à ce que nous croyons, pour ses yeux, pourquoi elle vit habituellement à Paris ; cependant quand M. Rainbeaux vient la voir, elle paraît fort contente.

Jeudi 18 Novembre 1841.

Samedi dernier, Alfred Pochet étant sorti, à cause de la fête de M. Defauconpret[28], je l’ai mené à Franconi[29], voir une pièce à grand spectacle et assez intéressante, qui est le récit en actions de la vie de Murat.

Dimanche, la journée a été marquée par un évènement qu’on n’osait pas espérer : Mlle Vasseur s’est décidée à ne pas partir encore pour Lille. Restera-t-elle encore longtemps, c’est ce qu’on ignore, parce qu’elle a grand désir de revoir ses frères, mais enfin, il est toujours fort heureux que Félicité, qui est si contente de l’avoir auprès d’elle, puisse la garder encore. Je regrette un peu qu’elle ne soit pas partie, à cause d’Eugénie, pour qui elle est une bien bonne amie, autant que l’amitié peut exister entre deux personnes d’âge si différent[30]. Si, comme j’en suis convaincu, Félicité a laissé connaître à son amie mes sentiments, relativement à sa sœur, à son retour, elle aurait été peut-être pour celle-ci une confidente, et j’aime à croire, que Mlle Eléonore aurait cherché à m’être plutôt utile que nuisible, auprès de ma chère cousine, dont Félicité a encore reçu une lettre ces jours-ci, sans qu’elle nous ait été communiquée, cela me donne à réfléchir : que je serais heureux de savoir que cette lettre parle de moi ! Mardi j’ai déjeuné chez M. Fabre[31] avec Joseph, Jules Lecreux, M. Vaillant, professeur au Val de Grâce, et M. Judas, secrétaire du conseil de santé. Ce déjeuner, auquel M. Fabre a assisté sans y prendre part, a été agréable. Ce pauvre Joseph est parti à midi pour Briançon. Nous avons appris aujourd’hui par M. Valenciennes, une nouvelle qui nous a fait très grand plaisir, c’est que M. de Tarlé va être nommé sous-intendant de 1ère classe : il en résultera pour lui une augmentation de traitement, et, par la suite, une retraite plus considérable. Il pourra être placé dans un chef-lieu de division militaire, et peut-être cela l’amènera-t-il, un jour ou l’autre, à Paris. Ce serait pour nous tous un bien grand bonheur de les voir fixés dans la même ville que nous. C’est M.Gottis[32], le beau-père de M. Valenciennes, qui est chef du bureau, d’où relèvent les sous-intendants : c’est lui, sans doute, qui a fait le travail, et son gendre aura été bien aise de pouvoir être, auprès de mes parents, le messager de cette bonne nouvelle, car il sent bien qu’il a beaucoup à faire pour racheter la conduite singulière qu’il a tenue à l’égard de mon père, à l’époque de la naissance des petits serpents, relativement aux expériences qu’il a faites sur la température de la mère et des oeufs.

Nous avons eu ce soir, M. et Mme Souëf[33]. Ce sont des gens aimables et que je suis fort aise que nous ayons eu occasion de connaître. Mme Souëf est bien notée dans mon esprit, parce qu’à l’époque du mariage d’Auguste, et après la soirée un peu nombreuse, donnée à la maison, elle a su dire quelque chose d’agréable à maman sur Eugénie, qu’elle avait trouvée tout à fait bien.

Mme Latham[34] est fort heureusement accouchée, dans la nuit de dimanche à lundi. L’accouchement a été aussi heureux que possible et a amené une petite fille : ç’a été un grand bonheur pour Elise, qui désirait beaucoup un enfant de sexe féminin. Nous avons su depuis qu’elle va aussi bien que le permet son état de nouvelle accouchée.

Samedi 20 Novembre 1841.

Mme Delaroche[35], Henri et Emilie ont dû arriver ce soir à Paris. J’avoue qu’il y a un an, bien qu’Emilie ne soit toujours pour moi qu’une jeune fille, et que je ne comprenne pas bien comment elle a pu faire naître des sentiments autres que ceux de l’amitié, j’avoue franchement, dis-je, qu’il y a un an, j’aurais été un peu plus préoccupé de cette arrivée, car alors je ne savais pas aussi positivement qu’à présent, combien ma tante tenait au mariage de sa fille avec Georges Mandrat qui, tout repoussé qu’il a été, pourrait bien ne pas renoncer complètement à la main de ma cousine, surtout si ma tante continue à lui montrer, par les invitations fréquentes qu’elle lui fait, qu’elle lui est attachée. Aussi, tout en n’ayant que de la bonne amitié pour elle, j’aurais eu à la pensée que peut-être il entrait dans les idées de ses parents que je devinsse un jour son mari, et cela aurait pu influer sur ma manière d’être et de la juger. Mais maintenant, je dois bien me dire qu’elle ne sera pas pour moi, et puis, d’ailleurs, elle me serait destinée, qu’il y aurait toujours cette difficulté, que mon cœur n’a pas parlé pour elle, et qu’il a parlé ailleurs. Je voudrais, pour beaucoup, qu’Eugénie, qui, j’en suis bien persuadé, a cru, mais ne croit plus, j’espère, que j’aimais ma cousine, fût à Paris, pendant ce voyage de ma tante Delaroche : elle verrait bien qu’elle n’a rien à craindre de ce côté. Pendant que j’étais à Lille, elle a lancé un mot d’interrogation sur Emilie, pour voir ce que je dirais, et je crois, tout en étant resté dans des termes extrêmement vagues, avoir su lui montrer que je n’étais pas pris par là.

Mardi 30 Novembre 1841.

Dimanche 21, lendemain du jour de son arrivée à Paris, ma tante Delaroche est venue avec Henri et Emilie, dîner à la maison : j’avais été dans la journée à l’hôtel, avec Alfred Pochet. J’ai retrouvé Emilie tout à fait ce que je l’avais vue au mois de Juillet dernier, c’est-à-dire, une jolie personne, dont la physionomie a un grand charme, à cause de sa grande douceur, et de son air extrêmement sensé : elle a d’ailleurs souvent une expression de finesse. Mais à côté de cela, il y a beaucoup de calme, dans cette physionomie, infiniment moins cependant que chez Pauline. Le soir, elle a chanté quelques romances, et nous avons tous trouvé qu’elle les chante très bien, c’est-à-dire, qu’elle a une bonne méthode, que sa voix est parfaitement juste, et d’un timbre agréable, mais qu’elle ne met pas assez d’expression à son chant ; cela pourra venir plus tard, sans doute. Naturellement, on a été amené, dès le soir-même, après le départ de ma tante, à comparer cette manière de chanter à celle d’Eugénie, qui y met tant d’âme, sans être tout à fait aussi bonne musicienne peut-être : celle-ci ferait pleurer ceux qui l’écoutent, quand elle chante certaines romances, et je ne crois pas qu’Emilie pût arriver à ce résultat-là.

Jeudi, maman a réuni à nos parents du Havre les Horace Say et Alfred[36], de sorte que nous étions 14 à table. Ce dîner, qui avait préoccupé maman, à l’avance, a assez bien réussi, cependant Horace, qui avait un peu mal au pied, par suite d’un ongle rentré dans les chairs, dans lequel on avait placé, le matin, de la charpie, petite opération assez douloureuse, n’était pas tout à fait aussi entrain qu’à l’ordinaire. Il est venu le soir M. et Mme Chazal[37] et Mme Louis Say avec Laure et Gustave[38], dont le caractère devenu très bizarre doit donner quelques inquiétudes : il est fort à craindre qu’il ne devienne plus tard comme son père. On ne conçoit pas, en effet, comme ayant vu tout lui réussir à souhait, jusqu’à présent, puisqu’il possède déjà une belle fortune, il ait été pris tout-à-coup de craintes assez vives sur la tournure que pourraient prendre les affaires, par la suite, pour le retirer complètement de la maison de commerce. Une de ses idées fixes est que la raffinerie, qui est construite sur les ponts, à Nantes, pourrait s’écrouler. Il va vivre maintenant à Paris, avec sa mère, qui va sans doute tâcher de le marier. Emilie était tout à fait à son avantage : elle a chanté deux ou trois romances. Je ne puis toujours voir en elle qu’une toute jeune fille, et je ne comprends pas comment, jusqu’à présent, elle a pu faire naître des sentiments d’amour, si toutefois c’est de l’amour qu’a eu et qu’a encore pour elle Georges Mandrat.

Ma tante est toujours la même : agitée, préoccupée de ce qu’elle fera, et, au milieu de tout cela, fort amusante par ses récits et ses critiques. Vendredi nous avons été à l’Odéon avec Mlle Vasseur : nous avons eu un joli spectacle ; mais il y avait si peu de monde, qu’il est bien à craindre que ce théâtre ne puisse continuer à marcher, s’il ne trouve quelque moyen d’attirer la foule. J’ai reçu une lettre de mon oncle Auguste : c’est une très aimable réponse à la lettre que je lui ai écrite d’Amiens : du reste, comme cela se comprend, pas un mot qui puisse faire allusion à ce qui m’occupe tant : il ne peut pas d’ailleurs en être autrement. Je ne sais pas, en vérité, si mon oncle a jamais abordé l’idée que je pourrais peut-être bien lui demander Eugénie. Samedi, Félicité a reçu de cette dernière une longue lettre, toujours relativement au contenu de ces lettres, le même laconisme, adopté à mon égard, depuis mon retour de Lille. M. Hermel est venu le soir chez Félicité, où nous avions tous été.

Dimanche je suis allé avec Alfred voir ma tante ; je suis sorti avec Henri ; nous nous sommes promenés ensemble ; nous avons été aux Tuileries. J’ai grand plaisir à me trouver avec lui et je crois qu’il est bien aise qu’il y ait ces occasions d’être quelques moments avec moi ; mais quoique nous soyons très bons amis, il n’y a pas entre nous cette intimité complète qui existait entre Auguste et moi, avant son mariage. Cela tient un peu à la différence d’âge, mais surtout, je crois, à ce que nous étant quittés tout jeunes, nous ne nous sommes pas trouvés vivre ensemble, à l’époque pendant laquelle Auguste et moi, au contraire, nous étions souvent l’un avec l’autre.

Mercredi 8 Décembre 1841.

Jeudi dernier, 2 Décembre, nous avons eu assez de monde le soir : Mme et Mlle Cordier, jeune personne à physionomie très fine et assez agréable, M. et Mme Perrodon[39], le premier assez froid, et étant assez difficile à recevoir, parce qu’il faut le faire causer : c’est un homme très sensé, et je crois fort capable, dont la conversation est intéressante. Sa femme, qui était fort bien mise, et avait très bonne mine, paraît fort heureuse. Elle a donc bien fait d’attendre autant pour se marier, puisqu’elle a trouvé ce qui lui convenait. Il est venu aussi M. et Mme Dunoyer et la famille Brémontier, avec laquelle les rapports sont fort agréables. Mlle Pauline[40] est une jeune personne qui a l’air très distingué, et qui, sans être jolie, a une fort agréable physionomie : mais c’est un tout autre genre qu’Adine.

J’ai eu grand plaisir à faire la connaissance d’une manière bien plus intime de cette nouvelle cousine, qui, à part un peu de tendance à la bouderie, peut-être, me paraît avoir un charmant caractère, et j’ai la conviction qu’Auguste sera parfaitement heureux. Eugénie qui a, sans s’en rendre compte, un peu de jalousie de n’avoir plus son frère tout à fait pour elle, c’est-à-dire, sentant qu’il ne pourra plus y avoir tout à fait entre elle et lui cette intimité qui existait avant le mariage, se demande quelquefois si Auguste a eu raison de faire ce mariage. C’est que, comme moi, elle trouve bien bizarre qu’un lien comme celui-là vienne tout-à-coup à unir, pour le reste de la vie, deux êtres qui, quelques semaines avant, ne se connaissaient pas. Ne peut-on pas regarder, en quelque sorte, alors, le mariage comme une loterie, où le numéro que l’on prend a des chances égales pour être bon, comme pour être mauvais, et encore est-ce pour lui que la chance fatale doit être à craindre, puisque le nombre des numéros gagnants est si faible en comparaison de celui des numéros perdants. Les caractères ne sont pas bien connus, de part et d’autre ; on ne s’est jamais vus que dans des circonstances où le caractère n’a pas pu se montrer tel qu’il est. Je sais bien que si l’on ne s’épousait que lorsqu’on se connaît depuis longtemps, beaucoup de gens renonceraient forcément au mariage ; mais peut-être aussi y aurait-il moins de ménages malheureux. En supposant que je me marie d’ici à un an, ne connaîtrais-je pas infiniment mieux le caractère d’Eugénie, d’Emilie[41] ou de Pauline Comte[42], par exemple, que j’ai si souvent vues, dont j’ai eu si souvent occasion d’entendre parler, que je ne pourrais jamais, d’ici à un an, parvenir à bien connaître et à bien apprécier une demoiselle dont, à partir de ce moment, j’aurais occasion de faire la connaissance. Il peut se faire cependant que je sois obligé de faire un de ces mariages-là, car qui me dit qu’on voudrait bien me donner Eugénie ; mais il me semble que cela me coûterait beaucoup. Puis cette famille toute nouvelle, dans laquelle on entre, quelle est-elle ? Quels sont ses goûts, quelles sont ses manières de voir et de juger les choses ? Tout ceci est dit complètement en dehors du mariage d’Auguste, dont le tact parfait a été, je le crois, et je l’espère de tout mon cœur, un guide parfaitement sûr, dans toute cette affaire matrimoniale. Mais c’est là le résumé, rapidement tracé, des conversations que j’ai eues à ce sujet avec Eugénie, et qui m’ont été fort précieuses, puisqu’elles me permettent de supposer qu’une connaissance ancienne, entre elle et moi, pourrait m’être favorable. Samedi, nous avons été aux Italiens avec Mme Delaroche, dans la loge de Mme Hottinguer[43], maman et moi. Nous avons eu un Opéra bouffe amusant : le Turc en Italie[44]. Aujourd’hui nous avons été, avec elle, à l’Opéra-Comique, dans une loge louée par elle à notre intention. Nous avons eu un très joli spectacle : le Pré aux Clercs[45] et la jeunesse de Charles-Quint[46]. Cette soirée m’a rappelé celle, très agréable, que j’ai passée, à ce théâtre, ce printemps, avec mon oncle et Eugénie, et où nous avons entendu la Dame Blanche[47]. J’ai revu avec plaisir les fauteuils où nous étions assis, au deuxième rang de la galerie, du côté gauche, ma cousine étant entre son père et moi. Les souvenirs agréables de l’époque du mariage d’Auguste me reviennent souvent. Hier, par exemple, chez Félicité, où nous dînions avec Mme Delaroche et Emilie, la musique faite le soir par Mlle Pauline Brémontier m’a remis en mémoire celle qu’elle fit, soit à la maison, soit chez Félicité, à cette époque, et quoique certainement nous ayons eu grand plaisir à entendre chanter Emilie, je me prenais à regretter de ne point entendre à résonner le salon des sons de cette voix expressive que j’aime tant, et cette absence, et toutes les idées qui s’y rattachent, me rendaient un peu triste.

Samedi 11 Décembre 1841.

Cette semaine aura été marquée pour moi par bien de la mondanité, car outre les soirées passées au spectacle, samedi et mercredi dernier, j’y vais encore ce soir, car nous avons la loge de M. de Gisors à l’Odéon, et je suis allé hier à la Porte St Martin. Demarquay, jeune homme, fort intéressant et auquel mon père s’est intéressé, à propos du concours de l’internat, à la suite duquel il va être nommé, m’a proposé, dans une visite qu’il nous a faite le matin, de me conduire à la Porte St Martin, et comme la proposition avait été très gracieusement faite, je n’ai pas cru devoir refuser. Nous avons vu un drame assez intéressant : « Jeannic le Breton » d’Alexandre Dumas[48], sous un pseudonyme, et dans lequel Bocage[49] déploie certainement un grand talent : tant qu’il reste simple, il est parfait ; malheureusement il outre quelquefois un peu. Un jeune acteur du nom de Clarence[50] a joué avec beaucoup d’intelligence ; s’il travaille, et on dit qu’il le fait, il ira loin, j’en suis certain. Une grande et belle jeune personne, qui n’est pas précisément jolie, a assez bien joué. Cette demoiselle Klotz est certainement un exemple de cette sorte de séduction que peut exercer une femme de théâtre, qui se montre avec tous ses avantages physiques, et dans des toilettes qui, en laissant voir tout ce qui peut décemment se montrer, agissent sur l’imagination. Connaissez-la mieux, voyez-la hors du théâtre, peut-être perdra-t-elle beaucoup de ses charmes, dont la plupart peuvent bien avoir été vus qu’à travers le prisme de la rampe, lequel prisme a perdu bien des jeunes gens, dont la raison n’a pas eu assez d’empire pour leur montrer qu’il faut se défier des actrices comme de sirènes : ceci soit dit sans prétention à la sagesse parfaite, quoique la régularité de ma conduite me donne peut-être quelque droit de parler ainsi, régularité que je dois plus aux circonstances de ma vie, qu’à ma raison seule, qui n’aurait pas toujours suffi pour m’écarter des écueils. Ici finissent les réflexions dignes d’un discours d’Académicien, le jour de la distribution des prix de vertu.

Pour en revenir à un sujet bien plus intéressant, je dois noter que M. Soyer-Vasseur de Lille, qui est à Paris dans ce moment, à cause de l’état d’aliénation mentale de sa femme, est venu voir mon père ce matin : nous nous sommes trouvés-là, maman et moi, pendant cette visite. Il a parlé de mon oncle Auguste[51] de Lille, qu’il trouva un peu vieilli, et sur lequel il pense que le séjour à Lille, depuis quelques années, a agi d’une manière fâcheuse. Il rapporte ce mauvais effet, à l’époque où mon oncle a vendu sa maison de la rue des Arts, et où il se serait décidé à venir habiter Paris, si ma tante, après avoir paru consentir à ce changement de résidence, n’avait tout-à-coup changé d’idée, regrettant beaucoup de quitter sa famille, et craignant extrêmement de se trouver dans la même ville qu’Olympe[52], qui, par des témoignages affectés et ridicules, d’attachement pour mon oncle, a fait naître, on a peine à se l’expliquer, un sentiment très vif de jalousie, dans l’esprit de ma tante. Il en résulte que toute espèce de relation est devenue impossible entre ces deux dames, et que la perspective de leur séjour simultané à Paris, a bouleversé ma tante, ce qui est bien triste pour nous. Il eût été si agréable d’avoir près de nos deux familles celle de mon oncle. C’est surtout à présent, que je connais bien Eugénie, que je me prends souvent à regretter bien vivement que ce projet de translation de résidence n’ait pas été exécuté. Combien je serais heureux de vivre dans la même ville que ma chère cousine. Je n’ai plus d’espoir que dans Auguste[53], dont le rappel à Paris attirerait peut-être bien sa famille. Mais si mon oncle n’a jamais songé à moi pour sa fille, la crainte qu’il pourrait avoir peut-être de ne la marier que difficilement dans cette grande ville, où il vivrait assez retiré, ne serait-elle pas suffisante, pour l’empêcher de prendre une aussi importante décision qui, à son âge, comme le disait avec raison M. Soyer, pourrait lui coûter bien plus à présent qu’elle ne lui aurait coûté il y a quelques années. Dieu seul connaît l’avenir.

Jeudi 16 Décembre 1841.

Dimanche soir je suis allé chez M. Ricord[54] où il y avait musique et danse. C’est Bibron qui m’avait fait inviter par un frère Ricord[55], qui a été longtemps voyageur du muséum. Cette soirée, à laquelle j’étais curieux d’assister, à cause des artistes que je m’attendais à y rencontrer, a été assez amusante. Il y a eu du chant, par Alexis Dupont[56], Inchindi[57] et Macker et par deux demoiselles qui ne sont pas au théâtre. Il y avait Perrot et sa femme Carlotta Grisi[58], comme invités, et Levassor[59], qui a chanté une chansonnette et a tiré une loterie à lots plaisants. Il y avait très peu de jeunes femmes, parce qu’en raison de la spécialité de M. Ricord, on pense qu’on peut s’attendre à voir chez lui des figures d’artistes : les maris préfèrent aller seuls dans la maison. En somme, c’était joli. Je pense aller un peu dans le monde cet hiver, et, à ce propos, je dois noter qu’il y a quelques jours, maman m’a dit : « Si Eugénie a envie que tu songes un peu à elle, elle ne serait pas très contente de connaître ta mondanité. » Qu’elle se rassure, cette chère cousine, ce n’est pas au bal, que je pourrais rencontrer quelque jeune personne qui me préoccupât sérieusement l’esprit : on peut être un peu charmé par une jolie figure, ou une jolie taille, mais une fois rentré du bal, ces apparitions ne vous restent que comme un souvenir auquel on n’attache pas d’importance, car on ne sait pas si on reverra plus tard cette personne qui aura frappé par quelque qualité extérieure. Certes, je pourrais dans un hiver voir bien des jeunes personnes dépassant Eugénie sous le rapport de la beauté, mais en trouverais-je jamais qui aient une aussi charmante physionomie, d’aussi beaux yeux, si expressifs, sur toute la personne de laquelle enfin soit répandu ce charme, qui fait d’Eugénie une personne toute à part.

Mardi, je suis allé voir M. Double pour l’engager à s’occuper encore de Joseph. La journée avait été assez pénible. Nous avons encore répété sur des chiens vivants de cruelles expériences : heureusement que je supporte assez bien cela : c’est plutôt encore par souvenir que je me préoccupe de la cruauté qu’il y a à opérer ainsi des animaux vivants. Au moment même de l’expérience, la préoccupation qu’elle nécessite et l’intérêt qu’on y met, détournent l’attention d’une manière favorable.

Mercredi nous avons dîné en famille chez Félicité. J’ai reçu une lettre de Joseph, qui me donne beaucoup de détails sur cette singulière ville, dont la position, à 1 300 mètres au-dessus du niveau de la mer, la rend très pittoresque. Je suis allé aujourd’hui chez M. Fabre, lui lire cette lettre, et m’informer de sa santé, qui est bonne, à part la faiblesse des jambes. Nous avons eu ce soir Mme Rainbeaux, M. Lélut et les trois fils Say[60].

Mardi 28 Décembre 1841.

Lundi 20. Mlle Eléonore a quitté Paris. La nouvelle reçue par elle du mauvais état de santé de sa sœur[61], l’a décidée à se rendre à Amiens, alors qu’elle venait de prendre la résolution de passer l’hiver à Paris, auprès de Félicité, à qui elle était si utile, et comme très agréable compagnie, et comme aide, dans les soins à donner à Léon[62]. Malheureusement ce n’est pas à Lille qu’elle va : je le regrette pour Eugénie avec qui elle aurait peut-être quelquefois parlé de moi, car elle a été, j’en suis certain, mise au courant de ma correspondance de voyage, dans laquelle je n’avais pu résister au désir de faire connaître à maman l’impression que j’avais reçue de ma charmante cousine, pendant mon séjour à Lille. Ce qui me persuade qu’elle connaît mon secret, c’est l’insistance fort aimable, du reste, que je lui ai vue mettre, à bien des reprises, à faire l’éloge d’Eugénie ou à amener son nom dans la conversation. Il est fort possible qu’elle ne retourne point à Lille, mais qu’elle se fixe à Amiens, auprès de sa sœur, chez laquelle elle serait plus agréablement placée que chez Monsieur Théophile[63], dont la maison est très sérieuse.

Ce lundi-là nous avons été, maman et moi, faire quelques visites, chez Mme A. Duponchel, gracieuse femme d’un mari[64] un peu bizarre, mais instruit, surtout en autre chose qu’en médecine, et se faisant une très agréable occupation de travaux entrepris pour des dictionnaires et encyclopédie. Nous avons été chez Mme Souëf, aimable dame, faisant beaucoup de frais pour les autres. La conversation est tombée sur la correspondance que j’entretiens avec des cousines ; et comme on parlait de l’amabilité de ces cousines, elle me dit : « Mais à Lille, vous en avez une fort aimable » et le ton qu’elle mit à cela ne l’était pas moins : je convins du fait, mais fis observer, en plaisantant, qu’à cette cousine-là, je n’écrivais pas. Hélas non, je n’ai pas de correspondance établie : si nous étions fiancés, et qu’il dût s’écouler un certain temps entre l’époque des fiançailles et celle du mariage, j’estimerais comme un bien grand bonheur la possibilité de m’entretenir avec elle par lettres, comme firent Constant et Félicité. Il me semble que ce doit être une délicieuse chose, qu’un semblable échange de lettres, entre gens qui s’aiment et qui ont la permission de se le dire. Mais je me berce peut-être d’un espoir chimérique, en supposant possible un jour ce qui n’arrivera peut-être jamais. Pour terminer nos visites, maman et moi, nous sommes allés chez Mme Brémontier[65], que nous n’avons pas vue, puisqu’elle dînait de bonne heure, ayant du monde le soir. De là, nous avons été chez Mme Martin. J’ai causé presque tout le temps avec Noémie[66] et Alexandre. Cette jeune personne est vraiment fort bien, mais c’est moralement surtout, qu’elle est digne d’éloges, car à part de très jolis yeux, son ensemble n’est pas précisément celui d’une jolie femme : elle est un peu trop petite et un peu trop grasse. Sa sœur est infiniment mieux physiquement, mais il paraît que son caractère n’a pas tout à fait le même charme que celui de Noémie. Il m’est venu à l’esprit que Joseph, quoique catholique, pourrait peut-être bien trouver en elle une femme qui le rendrait certainement fort heureux, mais en raison de cette différence de religion, voudrait-on de lui, et lui trouverait-on assez de fortune ? Mme Martin a dit à maman que nous étions tous bons, dans la famille, et qu’elle était bien persuadée qu’un mari serait heureux avec ... Est-ce à dire qu’elle voudrait de moi pour gendre ? Je n’en sais rien, mais je suis assez flatté qu’elle ait dit cela de moi. J’aurais voulu qu’Eugénie entendît cette conversation.

Jeudi 23. Nous avons eu ce soir Mme Rainbeaux, Mme Dunoyer[67] et Alphonse, Constant et Louis Say, M. et Mme Soubeiran. Cette dernière, avec ses cheveux frisés au lieu d’être nattés était tout à fait à son avantage. J’ai beaucoup causé avec elle, et j’ai appris que Monsieur Valdruche[68], qui est mort récemment, était une espèce d’imbécile, qui n’a jamais rendu sa femme très heureuse, ce qui explique un peu, sans l’excuser, comment une femme, qui paraissait aussi distinguée, a pu tromper son mari. La fatuité de Daru[69], qui, à ce qu’on dit, parlait d’elle comme de sa maîtresse, à qui voulait l’entendre, a peut-être exagéré la cause, et Mme Valdruche était peut-être bien moins coupable qu’on le pensait.

Vendredi 24. J’ai dîné aujourd’hui chez Demarquay avec Rosier[70], l’auteur dramatique, un de ses amis intimes, M. de Ressac, homme de beaucoup d’esprit. Il y avait entr’autre, à ce petit dîner, qui était fort bon, l’ami de Demarquay avec lequel il loge, un maître de pension, puis un M. Parte, avocat. J’ai été enchanté de l’esprit de Rosier, où il y a beaucoup de gaîté et, en même temps, beaucoup de justesse. La conversation a été fort animée, et assez amusante. Après dîner, nous avons été chez Charles Didier, qui est un homme d’esprit, à ce qu’il paraît, et qui, dit-on, écrit très bien. J’ai été fort bien reçu, par le mari et par la femme[71], qui est une jolie personne. J’y retournerai d’autres fois.

Samedi 25. Alfred est sorti de bonne heure, à cause de Noël ; nous avons été à la raffinerie, qui est vraiment bien belle, maintenant qu’il y a de nouveaux bâtiments. On a payé, pendant que nous étions là, la semaine des ouvriers, qui ne sont pas tout à fait 100 : la somme a été de 1 842 F. Le soir, je suis allé à une très nombreuse et fort jolie soirée chez M. Lebobe[72], où j’ai entendu Ponchard[73], qui a chanté deux romances d’une manière délicieuse. Poultier[74], dont la voix est très jolie, mais que je croyais plus extraordinaire : il a chanté très bien l’admirable duo de Guillaume Tell : « O Mathilde, toi qui m’es chère » (ou quelque chose comme cela) avec Mlle Nathalie Fitzjames[75], qui, d’agréable danseuse qu’elle était s’est faite chanteuse : elle n’a pas un organe agréable, mais elle chante fort bien. Nous avons eu aussi un chanteur des Italiens Mirate[76], dont la voix est fort belle : le fils Lebobe a chanté assez bien un duo avec Mlle Fitzjames ; mais il a eu tort de chanter à la fin de la soirée, il aurait dû chanter le premier, ç’aurait été plus convenable et plus avantageux pour lui. Le fils aîné de M. Isambert avait chanté dans le commencement de la soirée, mais il s’est remis maladroitement au piano, quand on était fatigué, et que déjà l’on avait levé le siège, pour remplacer la musique par la danse : il en est résulté qu’on ne l’a pas écouté. Je suis resté assez tard, parce qu’on ne s’est mis à danser qu’après minuit, mais je n’ai pas dansé. Il y avait là une bien charmante petite dame Mme Dubois, avec laquelle j’avais dansé, l’année dernière, un grand galop, auquel elle s’était livrée avec ardeur, cela m’avait beaucoup amusé : si j’avais dansé, c’est avec elle que j’aurais dansé, mais je ne l’ai point invitée. Je n’étais pas très entrain, ce soir-là, je ne sais trop ce qui m’avait pris : j’ai cependant joui du coup d’œil de cette danse. Cette soirée a tout à fait bien réussi.

Aujourd’hui mardi, j’ai assisté à une séance publique, très intéressante de l’Académie des sciences : M. Arago[77] a parfaitement lu une notice très bien faîte sur Condorcet. C’était bien pensé et bien dit.

Pour la suite, à partir du 2 janvier 1842, voir la seconde partie du journal.

Notes

  1. Le texte publié dans les Œuvres poétiques de Lamartine (édition présentée par Marius François Guyard, Gallimard, Pléiade, 1963, p. 546) est un peu différent : « Le livre de la vie est le livre suprême / Qu’on ne peut ni fermer ni rouvrir à son choix, / Le passage attachant ne s’y lit pas deux fois ; / Mais le feuillet fatal se tourne de lui-même : / On voudrait revenir à la page où l’on aime, / Et la page où l’on meurt est déjà sous nos doigts ! ». Il s’agit de « vers sur un album » dont on n’a pu retrouver le destinataire, tracés au début des années 1830.
  2. Eugénie Duméril, née en 1819, cousine d’Auguste, vit chez ses parents (Auguste Duméril l’aîné et Alexandrine Cumont) à Lille, rue du Plat.
  3. Auguste Duméril, né en 1812, vit chez ses parents (André Marie Constant Duméril et Alphonsine Delaroche) à Paris.
  4. Joseph Auguste Fabre.
  5. Félicité Duméril, sœur d’Eugénie et épouse de Louis Daniel Constant Duméril, frère d’Auguste.
  6. Alexandrine Brémontier dite Adine, vient d’épouser Charles Auguste Duméril, frère d’Eugénie ; ils habitent à Arras.
  7. Charles Auguste Duméril.
  8. Florimond Duméril (l’aîné) dit Montfleury, frère d’André Marie Constant Duméril, époux de Catherine Schuermans.
  9. Auguste Duméril (l’aîné).
  10. Eléonore Duméril fille de Florimond l’aîné.
  11. Auguste Duméril (l’aîné), frère d’André Marie Constant Duméril.
  12. Emilie Cumont (1819-1880), fille de Jean Charles Cumont et Jeannette Declercq. Ils habitent à Alost en région flamande (Belgique).
  13. Joseph Marie Fidèle Duméril, dit Désarbret, frère d’André Marie Constant Duméril, avoué à Amiens.
  14. Probablement les cousins Florentin Bellard et son épouse Pélagie Vuatiné.
  15. Thèse soutenue le 22 mars 1842. Le texte remanié de la thèse de doctorat d’Auguste Duméril paraît en 1846 : L'évolution du fœtus (imp. de Fain et Thunot, 164 p.).
  16. Louis Daniel Constant Duméril, frère d’Auguste.
  17. Eléonore, fille d’Angélique Cumont et de Léonard Vasseur.
  18. Alfred Pochet, fils de Mathilde Delaroche et Louis François Pochet.
  19. Olympe Duméril, fille de Florimond (l’aîné), marié en secondes noces à Jacques Christophe Ditandy ; son fils Edgar est né en 1839.
  20. Constance Maressal, veuve de Louis Say.
  21. Anne Cheuvreux, épouse d’Horace Say.
  22. Adrienne Say, épouse de Charles Comte ; Pauline est leur fille (née en 1818).
  23. René Eugène Hermel.
  24. Octavie Say, épouse de Charles Edmond Raoul Duval, dit Raoul-Duval.
  25. Flore Maressal, épouse d’Augustin Duval, belle-mère d’Octavie Say.
  26. Eugène Soubeiran et sa femme ; parmi leurs enfants, Jean Léon.
  27. Cécilia Sévelle, épouse d’Emile Rainbeaux.
  28. Auguste Jean Baptiste Defauconpret (1767-1843) est né en à Lille ; notaire à Paris ; à Londres traducteur de nombreux écrivains, dont Walter Scott, James Fenimore Cooper, Dickens ; écrivain lui-même, mort à Fontainebleau. Son fils Charles Auguste (1797-1865) collabore aux traductions de son père et traduit de l'espagnol en français ; il est directeur de 1829 à 1864 du Collège Rollin (« Ecole Sainte-Barbe » avant 1830).
  29. Cirque olympique fondé par la famille Franconi.
  30. Eléonore Vasseur a 34 ans et Eugénie Duméril 22 ans.
  31. Jean François Fabre, le père de Joseph Auguste.
  32. Jean Baptiste Gottis.
  33. Charles Marin Souëf et son épouse Olive Victoire Julliard.
  34. Pauline Elise Delaroche, épouse de Charles Latham ; elle vient d’accoucher de la petite Isabelle.
  35. Cécile Delessert, tante d’Auguste Duméril, épouse de Michel Delaroche ; Henri et Emilie sont ses deux enfants encore célibataires. Ils habitent au Havre.
  36. Alfred Say, le jeune frère d’Horace.
  37. Probablement Antoine Chazal, professeur d’iconographie au Jardin des Plantes, et son épouse.
  38. Gustave et Laure Say, deux des enfants de Constance Maressal, veuve de Louis Say.
  39. Zoé Dumont de Sainte-Croix (1806-1849), épouse du général Emile Perrodon (1794-1872).
  40. Pauline Brémontier, sœur d’Adine, se marie en 1843.
  41. Emilie Delaroche (1823-1894) se marie en 1843.
  42. Pauline (1818-1888), fille d’Adrienne Say et de Charles Comte, se marie en 1843.
  43. Caroline Delessert, épouse de Jean Henri Hottinguer.
  44. Le Turc en Italie (Il turco in Italia) est un opéra en deux actes de Rossini, livret de Romani, créé à la Scala à Milan en 1814.
  45. Le Pré aux clercs, opéra-comique en 3 actes, paroles d’Eugène de Planard, musique de Ferdinand Hérold, créé à l’Opéra-Comique en 1832.
  46. La Jeunesse de Charles-Quint, opéra-comique en 2 actes, par Mélesville Duveyrier, musique d’Alexandre Montfort, créé à l’Opéra-Comique le 1er décembre 1841.
  47. La Dame blanche, opéra-comique, musique de François Adrien Boieldieu, livret d'Eugène Scribe d'après deux romans de Walter Scott, créé à l'Opéra-Comique en 1825.
  48. Jeannic le Breton, ou Le gérant responsable, drame en prose en 5 actes, signé par le seul Eugène Bourgeois parce que le principal auteur, Alexandre Dumas père (1802-1870), désirant entrer à l’Académie, ne voulait pas apparaître lié à une œuvre mineure. Jeannic est créé au Théâtre de la Porte Saint Martin le 27 novembre 1841.
  49. Pierre François Tousez, dit Bocage (1797-1863), comédien et directeur de théâtre.
  50. Clarence est remarqué par Théophile Gautier en juin 1841 dans Les Deux Serruriers de Félix Pyat : « un jeune homme inconnu, du nom de Clarence, a joué supérieurement le rôle de Georges. Une tête expressive, une diction chaleureuse et profondément sentie, telles sont les qualités de cet acteur inconnu hier. » (dans son Histoire de l’art dramatique en France depuis vingt cinq ans).
  51. Auguste Duméril (l’aîné), frère d’André Marie Constant.
  52. Olympe Duméril, épouse de Jacques Christophe Ditandy.
  53. Charles Auguste Duméril, fils d’Auguste Duméril l’aîné.
  54. Philippe Ricord, médecin spécialiste des maladies vénériennes.
  55. Alexandre Ricord.
  56. Alexis Dupont (1796-1874), ténor, une des célébrités de l’Opéra-Comique depuis les années 1820.
  57. Jean François Hennekindt, dit Inchindi, né à Bruges en 1798, fait ses débuts de ténor à Paris en 1823. Après un séjour en Italie, il est engagé en 1832 au Théâtre des Italiens.
  58. Carlotta Grisi (1819-1899), ballerine « romantique » italienne, rencontre le danseur Jules Perrot à Naples. Elle devient son élève, sa partenaire (1836), puis sa femme. Elle fait ses débuts à Paris en 1840.
  59. Pierre Thomas Levassor (1808-1870) est un acteur comique qui chante des chansons ou des opérettes.
  60. Gustave, Achille et Constant, les trois fils aînés de Louis Say.
  61. Probablement Angélique Vasseur, épouse de Joseph Gosselin.
  62. Léon Duméril, le fils de Félicité et Louis Daniel Constant, né en 1840.
  63. Probablement Théophile (Charles) Vasseur.
  64. Auguste Duponchel.
  65. Alexandrine Colombe Tarbé de Vauclairs épouse de Georges Bertin Brémontier.
  66. Probablement Noémie Martin (1820-1915), sœur de Jules et Adèle qui épousent des enfants de Florimond Duméril l’aîné ; elle se marie en 1844 avec Frédéric Dollfuss (1803-1856).
  67. Clarisse Ghiselain, épouse de Charles Dunoyer, et son fils Alphonse.
  68. André Valdruche, époux d'Eugénie Thunot.
  69. Le copiste a écrit « d’Arut » ; il s’agit possiblement d’un membre de la famille Daru, qui compte plusieurs hommes politiques.
  70. Joseph Bernard Rosier (1804-1880), auteur prolifique de drames et de comédies : Le Mari de ma femme (1830), Charles IX (1834), Claire ou la préférence d'une mère (1837), Maria Padilla, chronique espagnole (1837), L'Amour (1839), La Mansarde du crime (1840), L'Inconsolable, ou les Deux déménagements (1841), etc…
  71. Aglaé Hanonnet, épouse de Charles Didier.
  72. Probablement Auguste Stanislas Lebobe.
  73. Charles Ponchard, ténor, né en 1788, est entré comme professeur de chant à l’Opéra de Paris sous la protection de Boieldieu.
  74. Placide Alexandre Guillaume Poultier (1814-1887), apprenti tonnelier à Rouen, fait ses débuts de chanteur ténor. Il est engagé à l’Opéra de Paris en mai 1840 et suit des cours de chant avec Ponchard. Le 4 octobre, il débute dans Guillaume Tell de Rossini (créé en 1829) ; il poursuit dans La Juive de Halévy et La Muette de Portici de Auber, où l’air du Sommeil lui vaut un succès durable.
  75. Nathalie Fitzjames (née en 1819) est devenue cantatrice après avoir débuté dans la danse à l’instar de sa sœur aînée Louise (née en 1809).
  76. Raffaele Mirate, ténor.
  77. François Arago (1786-1853) est un astronome, physicien et homme politique, remarquable orateur et pédagogue. La notice à la lecture de laquelle assiste Auguste le 28 décembre 1841 est publiée en 1849 : Biographie de Jean-Antoine Caritat de Condorcet. Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences...

Notice bibliographique

D’après le livre de copies : 1er volume, Journal de Monsieur Auguste Duméril, Membre de l’Institut, p. 1-39

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Pour citer cette page

« 1841-1843 - Journal intime d’Auguste Duméril pendant ses fiançailles (1ère partie : 1841) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), URI: https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=1841-1843_-_Journal_intime_d%E2%80%99Auguste_Dum%C3%A9ril_pendant_ses_fian%C3%A7ailles_(1%C3%A8re_partie_:_1841)&oldid=59554 (accédée le 19 avril 2024).

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