Vendredi 17 septembre 1858
Lettre d’André Marie Constant Duméril (Vieux-Thann) à son fils Auguste Duméril (Paris)
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Vieux-Thann Vendredi 17 7bre 1858
Mon Cher ami, ta lettre, que j'ai reçue hier soir, change comme tu l'as dû prévoir par celle que j'avais adressée à Constant[1], toute la décision que j'avais prise d'aller te rejoindre à Luxeuil dimanche ; d'y passer deux ou trois jours ; de t'accompagner à Plombières[2] – je reviens donc à reprendre mon premier arrêté de voyage. malheureusement mon retour ne peut s'exécuter aussi agréablement que mon arrivée par Strasbourg. Que je prenne la même route ou celle de Mulhouse, qui est réellement plus courte, il faut absolument me décider à voyager la nuit. j'ai donc fixé mon retour à Paris pour Dimanche où je serai rendu à la maison vers six heures et demie du matin. Les départs de Thann ne s'arrangent pas pour les heures avec celles de Mulhouse pour paris. je suis obligé, comme tu le verras en consultant le tableau des chemins de fer, d'attendre ou de perdre trois heures à Mulhouse et je quitterai demain Thann vers midi.
mais en voilà bien long sur ce sujet. j'ai été tellement occupé par les excursions faites tous les jours à quelques lieues de Thann, que je n'ai pas eu beaucoup de moments tout à fait libres. j'ai commencé pourtant à écrire, par intervalles, un mémento des choses et des lieux que j'ai eu occasion de voir. mais on est trop long quand on veut tout dire et qu'on est pressé. jusqu'ici je n'ai pu arriver qu'au lundi 13 – encore ai-je oublié beaucoup de faits que j'aurais dû mentionner. Si je le puis, après cette lettre, je ferai en sorte de faire arriver ce souvenir jusqu'au moment de mon départ, mais je vois que je serai forcé d'abréger les récits, mais tel qu'il est, au moins dans les premières pages il pourra t'intéresser et te donner d'avance des notions assez curieuses sur le grand nombre de localités et d'usines que j'ai été assez heureux pour pouvoir les visiter en détails.
Malgré les dérangements et les frais auxquels ton projet de voyage à Luxeuil Pouvaient t'entraîner, j'ai vu avec plaisir que tu y avais renoncé. je n'étais pas convaincu de l'efficacité de cette curation et je craignais que tu ne sois vu bien naturellement entraîné dans l'essai de ce moyen par les assertions de M. Allier[3] qui est par état, et surtout parce qu'il a vu son efficacité dans quelques cas analogues ; mais ces affections hystériques sont des morphées et la plupart guérissent par des moyens si variés auxquels on attribue toujours une admirable efficacité. je suis donc fort content que tu y aies renoncé, de tous les moyens dont on t'a parlé je préférerais l'action de l'électricité surtout appliquée localement et au moment même où l'inertie se manifeste dans quelque région dont on puisse subitement la détourner. je connais et j'estime beaucoup Briquet – probablement tu l'auras vu quand je serai arrivé.
Caroline[4] est véritablement très bien fort gaie, très entrain et lutinante. Ses petits moments de malaises cessent rapidement lorsqu'elle peut s'étendre sur un canapé. Hier pendant une excursion que j'ai été faire à trois lieues d'ici avec le nouveau ménage de Madame Zaepffel[5] pour voir une de ses amies qui est allé s'installer dans un grand village nommé Wattwiller[6] j'ai visité l'établissement des eaux prétendues minérales dans lesquelles M. Chevallier qui en a fait l'analyse a trouvé une petite quantité d'arsenic. j'ai appris à mon retour que pendant ce repos forcé auquel elle s'était livrée, elle s'était endormie bien complètement et avait joui d'un excellent sommeil pendant deux heures.
dans cette même journée elle avait été dans le cas de recevoir en visite une Dame Koechlin[7] de Mulhouse qui est la mère de Madame Friedel[8]. cette Dame qui aurait désiré me voir et qui était bien aise de faire la connaissance de Caroline était accompagnée de sa belle-sœur Madame Dollfus[9] du Havre qui désirait aussi pouvoir y porter de bonnes nouvelles de visu à nos parents et surtout à Isabelle Latham à laquelle elle avait promis d'en rapporter.
je ne te dis rien de la famille sur laquelle nos lettres d'hier et de la veille vous ont tenu fort au courant. Caroline et son mari s'occupent beaucoup en ce moment des petits arrangements nécessaires pour Héberger convenablement la famille Desnoyers. C'est pour Caroline un espoir d'une nouvelle jouissance que celle de recevoir ses amies en maîtresse de maison. il semble que cela est son rôle depuis longtemps tant elle se met à l'aise. ces jours-ci déjà elle l'avait très bien rempli auprès de Madame Paradis[10] et de M. Roman père[11] qui étaient venus exprès de Wesserling pour me rendre la visite dont j'ai pu les remercier le lendemain même jour où nous avons dîné chez M. Sacc.
adieu. je vais me remettre à retrouver quelques détails sur le mémento dont je t'ai parlé au commencement. je présume que par ton arrivée définitive – Constant sera retourné rue des Lions[12] ; mais que je dînerai avec la famille Dimanche et que je pourrai répondre à toutes les questions intéressées de Félicité[13] à laquelle une autre félicité est préparée quel que soit son sexe. mes amitiés pour tous mes enfants et pour Madame Duméril[14] – Ton père bien heureux lui-même
Notes
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril, fils aîné d’André Marie Constant.
- ↑ Luxeuil et Plombières, ville fréquentée par Napoléon III, sont des stations thermales des Vosges. Auguste devait y conduire sa fille Adèle qui souffre de paralysie nerveuse.
- ↑ Possiblement Louis Allier, qui a présenté sa thèse de médecine en 1828.
- ↑ Caroline Duméril, petite fille d’André Marie Constant Duméril, épouse de Charles Mertzdorff.
- ↑ Emilie Mertzdorff, qui vient d’épouser Edgar Zaepffel.
- ↑ En 1850, sur avis de l'Académie Nationale de Médecine, un arrêté ministériel reconnaît les vertus thérapeutiques des eaux de Wattwiller.
- ↑ Salomé Koechlin, épouse d’Emile Koechlin.
- ↑ Emilie Koechlin, épouse de Charles Friedel.
- ↑ Plutôt sœur que belle-sœur : Ursule Koechlin, épouse d’Auguste Dollfus.
- ↑ Marie Aimée Roman, épouse de Jacques Henry Paradis.
- ↑ Aimé Philippe Roman, industriel, maire de Wesserling.
- ↑ Le 15 avril 1857 Louis Daniel Constant Duméril et sa famille ont quitté la rue de la Femme sans tête à l'Ile St-Louis, pour habiter au 9 rue des Lions-Saint-Paul (voir : adresses des Duméril).
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant et mère de Caroline, qui est enceinte.
- ↑ Alexandrine Cumont, veuve d’Auguste Duméril l’aîné.
Pour citer cette page
« Vendredi 17 septembre 1858. Lettre d’André Marie Constant Duméril (Vieux-Thann) à son fils Auguste Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_17_septembre_1858&oldid=59232 (accédée le 5 décembre 2024).
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