Samedi 31 juillet 1858
Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son oncle Auguste Duméril (Paris)
31 Juillet 1858
Mon cher Oncle
Il y a déjà quelques jours que je voulais me donner le plaisir de venir causer avec toi, mais j'ai toujours une si volumineuse correspondance à mettre à jour que je suis toujours en retard pour les lettres que je voudrais le plus écrire, d'ailleurs, je te sais au courant de ma vie et vice-versa, j'ai des détails sur toi et sur Trouville ; je sais que ces dames[1] se trouvent bien de la mer mais que pourtant la pauvre Adèle est encore ennuyée par ses engourdissements ; maman[2] m'a dit qu'elle s'est exercée à écrire de la main gauche ; c'est un tour de force dont je voudrais bien voir un exemple, dis-le lui, je te prie, en lui écrivant, et quoiqu'elle me doive une réponse depuis un mois, embrasse-la bien de ma part et assure-la que la Crol de Vieux-Thann l'aime tout autant que la Crol de Paris.
Quand pourras-tu prendre ton vol pour Trouville, toi, mon cher oncle, la commission ne vous laissera-t-elle donc pas de vacances[3]. Tu dois pourtant avoir besoin de liberté et de grand air. Quant à nous, nous allons entreprendre notre voyage dont, au reste, nous nous serions fort bien passés tous deux car nous sommes si bien installés ici, qu'il est ennuyeux de s'en aller et d'un autre côté, Charles craint fort qu'en son absence les ouvriers ne se relâchent dans leur travail ou ne fassent quelques bêtises. Tout cela sera encore bien long, le menuisier de Mulhouse, qui est venu prendre ses mesures cette semaine, a tant à faire qu'il lui faudra 2 mois, Août et Septembre pour nous terminer ; il est vrai qu'il fera tout, boiseries, portes et fenêtres et notre salle à manger étant en chêne demandera un assez long travail. Nous partons, Mardi ou Mercredi, nous irons coucher à Bâle et il nous faudra encore 12 heures de route pour arriver à Wildbad[4], c'est tu le vois un assez long voyage ; je me réjouis de voir le Rhin et de sortir de France, pour la première fois de ma vie. Demain, nous comptons faire nos visites à Wesserling, Charles a rencontré Mme Paradis[5], au chemin de fer, Mercredi dernier, nous sommes bien aises d'avoir reculé nos visites jusqu'à l'arrivée de cette aimable dame qui nous introduira sans doute dans la famille. Nous irons aussi chez M. Sacc mais nous savons indirectement que Mme[6] est aux eaux car dans ce pays-ci tout le monde va aux eaux, c'est la fashion. J'espère bien avoir le plaisir de voir le bon M. Kestner[7] avant mon départ, je serai bien heureuse de causer avec quelqu'un qui vient de vous voir tous ; j'aurai bien des détails aussi sur le Havre[8]. Quel affreux malheur que cette mort de Mme Vatblé[9] ; comme les événements arrivent sans qu'on y soit préparé et combien un coup semblable doit briser à jamais la vie d'un homme, il est bien heureux encore que M. et Mme Vatblé[10] soient retournés, il n'y a qu'eux qui puissent apporter un peu de douceur et de consolation à une si grande douleur. Ici, au contraire, il y a bien du bonheur dans la maison car Charles et moi sommes heureux comme on l'est au bout de six semaines de mariage, lorsqu'on s'aime et qu'on se comprend et nous avons auprès de nous un autre couple qui voit aussi la vie sous de brillantes couleurs. M. Zaepffel, mon futur beau-frère[11] vient passer quelques jours ici toutes les semaines et je t'assure qu'à nous quatre nous sommes bien cocasses, maman[12] se moque un peu de nous et s'amuse bien.
Si j'ai bien compris Léon[13], vous allez tous demain à Montmorency[14], en ce cas, veux-tu être assez aimable pour être l'interprète de mes amitiés bien vives ; je sais d'avance avec quelle grâce et quelle amabilité tu t'acquitteras de cette commission.
Adieu, mon cher oncle, voilà comme toujours le courrier qui me presse horriblement ; à la hâte, je t'envoie l'expression de mes sentiments les plus affectueux et te prie d'en distribuer une portion autour de toi.
Ta nièce bien attachée
Caroline Mertzdorff
Charles me charge pour toi de ses meilleures amitiés.
J'ai reçu hier une bonne et aimable lettre de ma tante Adine[15], elle se dispose à aller au bord de la mer avec ses enfants, ils vont tous bien.
Notes
- ↑ L’épouse et la fille d’Auguste, Eugénie et Adèle Duméril, en vacances à Trouville.
- ↑ Félicité Duméril.
- ↑ Auguste Duméril partira pour Trouville le 8 août.
- ↑ Wildbad est une ville d’eau en Bade-Wurtemberg (Allemagne).
- ↑ Marie Aimée Roman, épouse de Jacques Henry Paradis.
- ↑ Salomé Charlotte Bischoff, épouse de Frédéric Sacc.
- ↑ Charles Kestner (1803-1870).
- ↑ Au Havre résident les familles Delaroche, Pochet, Latham, etc.
- ↑ Probablement Charlotte Magdeleine Mérope Gonnier Mondésir, épouse de Jules Parfait Vatblé.
- ↑ Le 1er Juin 1858, Aristide Théophile Vatblé et son épouse Charlotte Ferrand, après un séjour de près de trois années en France, sont retournés aux Etats-Unis, à Louisville (Kentucky).
- ↑ Le 7 septembre 1858, Edgar Zaepffel épousera Emilie Mertzdorff, sœur de Charles.
- ↑ Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff.
- ↑ Léon Duméril, frère de Caroline.
- ↑ A Montmorency, séjourne la famille Desnoyers. Eugénie et Aglaé Desnoyers sont des amies intimes de Caroline.
- ↑ Alexandrine Brémontier, dite Adine, est l’épouse de Charles Auguste Duméril. Ils ont 3 enfants : Clotilde (née en 1842), Paul (né en 1845) et Georges (né en 1846).
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Samedi 31 juillet 1858. Lettre de Caroline Duméril, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son oncle Auguste Duméril (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_31_juillet_1858&oldid=59233 (accédée le 21 novembre 2024).
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