Dimanche 30 mai 1869 (B)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay)
Ma petite Nie chérie
Je viens de rentrer après avoir Passé un rude Dimanche ! Contons. Hier journée épouvantable de pluie & d'orage. Comme dit j'avais envoyé une dépêche à Morschwiller pour annoncer mon arrivée & demander voiture.
Ce matin, beau soleil, je voulais me lever de bonne heure ! 5 h me paraissait heure indue, je me rendors & ne me réveille qu'à 7 ½ h. J'ai juste le temps, au lieu de travailler encore un peu avant mon départ, de déjeuner, voir le courrier & me mettre en voiture. Léon[1] m'attendait à Lutterbach. L'on a été très content de me revoir, surtout avec les lettres de mes petites filles[2].
La première chose que l'on m'a dit c'est que tu avais écrit, ainsi que founi. La journée s'est assez bien passée rien d'ennuyeux, mais rien de gai. Pas mal affaires élections, Tachard etc.
Ce dernier rentré depuis hier devait ce jour subir une ovation monstre, nous avons entendu le canon. Mais heureusement qu'à Midi la pluie est venue très à propos & en abondance rafraîchir cet élan patriotique. Nous n'avons pas bougé de la < > ne savons donc pas ce qui s'est passé.
Rentré à 6 h j'ai trouvé Vogt, grosse pluie qui m'a arrêté chez l'Oncle[3] qui a été levé quelques heures mais je l'ai trouvé couché ; il ne souffre pas trop dans son lit, mais debout beaucoup & ne peut se tenir sur les jambes. Son appétit revient. Hier il s'est fait ventouser. Sa femme n'est pas plus mal.
En rentrant je savais trouver les pompiers, qui avaient une sortie soûlographique ; mais comme il pleuvait à torrents, & que tout était préparé l'on a demandé leur salle : ce que mon oncle a accordé.
A peine dans mon bureau dépouillant le courrier que les officiers de venir. & forcé d'aller trinquer avec ces Messieurs, jusqu'à la nuit tombante. près d'une heure.
Il était 9 h lorsque je sortais de mon souper & me voici très à mon <aise> en robe de chambre à t'écrire dans notre chambre à coucher devant une tasse de thé. Ce dernier est du luxe car je suis rentré sans mal de tête.
En rentrant nous avons rencontré la famille Stoecklin, Galland Georges[4] revenant d'Uffholtz très en gaîté.
Bulffer venant à Thann accompagné de son jeune <chêne[5]> parisien qui rentre de Suisse & vient chez nous dès demain.
Mercredi dernier M. Keller a passé ici mais ne m'ayant pas trouvé il n'a fait qu'une visite au Curé[6]. L'on m'assure qu'à Mulhouse l'on commence à regretter le vote Tachard & fait circuler une pétition de regrets adressée à M. Dollfus[7]. Ce dernier n'a pas donné sa démission de Maire ; mais l'on s'y attend & le craint.
à Wesserling, champagne, banquet, feu d'artifice, tout était prêt pour le grand jour de Lundi, tellement l'on croyait à une victoire ; mais aussi quelle défaite ! depuis l'on ne voit plus ces Messieurs[8]. l'ancien député s'est retiré dans son castel d'Ollwiller.
De Paris les Duméril[9] ont de bonnes nouvelles. M. Félix[10] n'a pas voté, mais l'abbé Bonhomme[11] l'engage de déposer son vote pour M. Jules Favre ce qu'il fera. l'on n'a que peu d'espoir de le voir sortir ce sera Rochefort[12].
L'on dit que le gouvernement se console facilement de tous ses échecs, par le contentement qu'il éprouve de ne pas revoir M. Thiers à la tribune ; c'est le seul qui pouvait avoir quelque influence sur le Centre. trop !
Mais je bavarde beaucoup trop & ne te donne pas beaucoup de nouvelles intéressantes. Comme il a fait beau Victoire[13] m'assure que la fête Dieu a été très brillante. L'Abbé s'est surpassé en fait de chapelle etc. Je lui avais refusé les garçons de l'école pendant les heures de classe. Ce qui m'a valu une longue conférence avec M. le Curé & l'abbé. L'on a cédé & pour avoir les garçons après les classes il paie 10 centimes par tête pour 3 h de travail. Cela suffit & au moins ces Messieurs respecteront un peu plus l'école. Il en sera de même des filles qui ne gratteront plus les os pendant les heures de classe.
Grandes lamentations des cultivateurs, l'on demande du beau temps. La vigne est belle, mais il est grand temps <que> la pluie cesse.
Je ne te parle pas du nouveau fermier Ménager. tout ce que Maman[14] qui s'y entend & toi ma grande maîtresse ferez sera bien comme tu le sais. Je ratifie des deux mains.
Il ne me reste que cette petite place pour embrasser tous mes petits & grands trésors sans lesquels il est difficile de vivre & te dire un bonsoir pour tous.
tout à toi ton Charles.
Dimanche soir 10 ½ h
Notes
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Marie et Emilie (Founi) Mertzdorff.
- ↑ Georges Heuchel, époux d’Elisabeth Schirmer.
- ↑ Probablement Georges Léon Heuchel.
- ↑ Probablement un peintre pratiquant l’imitation chêne.
- ↑ François Xavier Hun, curé de Vieux-Thann.
- ↑ Jean Dollfus, maire de Mulhouse, vient d’être battu aux élections législatives par son neveu Albert Tachard.
- ↑ Aimé Gros, d’une famille de manufacturiers de Wesserling, candidat officiel aux élections législatives, vient d’être battu par Emile Keller.
- ↑ Eugénie et Auguste Duméril, de Paris, sœur et frère de Félicité et Louis Daniel Constant Duméril de Morschwiller.
- ↑ Probablement Félix Soleil, époux d’Adèle Duméril.
- ↑ L’abbé Jules Bonhomme.
- ↑ Henri Rochefort.
- ↑ Victoire, domestique chez les Mertzdorff.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 30 mai 1869 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_30_mai_1869_(B)&oldid=51781 (accédée le 22 décembre 2024).
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