Dimanche 30 mai 1869 (A)

De Une correspondance familiale


Lettre d’Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


Launay Dimanche 30 Mai

Mon cher Charles,

ce n'est donc pas encore demain que nous aurons le plaisir de t'embrasser ; pas même d'espoir pour Mardi matin ; tu parles de la fin du mois, tu voudras donc rester jusqu'au soir à faire tes comptes, et à bien te convaincre que le mois a été mauvais, et que le prochain le sera encore plus. Mais j'espère qu'oncle Georges[1] va continuer à mieux aller et que tu pourras nous venir Mercredi matin te consoler un peu de tous tes ennuis et de ton isolement. Notre vie ici ne t'offrira rien de gai, mais il y a un calme et un air frais et embaumé qui te reposerait, ne serait-ce que pour 2 jours... Comme je te l'ai écrit hier, papa[2] nous quittera Mardi matin, Alphonse[3] reste un peu plus, et nous nous partirons, je pense Samedi. Si tu venais, qu'il fit beau et que tu le désirasses, on dit qu'on pourrait prolonger de 2 ou 3 jours, ça dépend du temps dont tu peux disposer.

Tu comprends, cher Ami, si je regrette de ne pas t'avoir avec nous, tes petites filles[4] ne sont pas moins désireuses que moi de ravoir leur cher bon père. Quand on est heureux comme nous le sommes ensemble, on ne voudrait pas perdre de ces moments, et c'est un vrai sacrifice au devoir que de se séparer enfin...

Tu es bien aimable de me donner tant de détails sur toutes choses et sur ma maison en particulier. Ma petite Emilie a sauté de bonheur en recevant ta lettre, elle te remercie bien de lui avoir répondu.

Je regrette de n'avoir point dit que les petites corbeilles pour jeter les fleurs à la fête Dieu sont enveloppées dans un linge bleu dans le bas de l'armoire à gauche en entrant dans notre grenier et dont la clef et la porte ont le n°IIII (4) Il est trop tard.

Pour l'argenterie, Victoire[5] n'avait qu'à ouvrir le bas du buffet de la petite ou de la grande salle à manger et elle aurait trouvé 2 boîtes de grands couverts en ruolz dont les boîtes sont sans serrure. Mille pardons, mon chéri, pour tout cela et probablement pour beaucoup d'autres choses encore.

Le seul bon côté c'est qu'on a encore un petit plaisir à voir rentrer sa femme au logis ; et quand on la taquine elle n'a plus envie de pleurer.

Te voilà à Morschwiller, bonne-maman Duméril[6] doit être bien contente, elle va te faire causer sur nous tous, pourvu que tu ne rentres pas trop fatigué.

Ce que tu nous dis de Thérèse[7] me fait plaisir, qu'elle se repose pendant qu'elle va être seule, elle doit être contente que sa chambre soit retapissée.

Pauvres tante et oncle Georges[8] c'est triste de les voir ainsi vieillir.

A cause de la fête Dieu il n'y avait qu'une messe de 6 h et la grand'messe, nous avons opiné pour cette dernière de 10 h à Midi, j'ai commandé notre calèche et nous sommes descendues au complet, nos petites filles ont même été avec tante Aglaé[9] voir les reposoirs. Notre paresse avait été effrayée d'être prête à 5 h 1/2. Aujourd'hui il fait froid, nous venons de faire tous, y compris maman[10] qui continue à bien aller, un bon tour de butte, sous les sapins, ton nom a été prononcé bien des fois, et moi j'ai pensé à toi encore bien plus souvent. Adieu Ami chéri, Emilie me charge de te dire qu'elle espérait que ta lettre allait lui annoncer ton arrivée.

De bons baisers de ton trio et amitiés de tous

toute à toi

Eugénie M.

Envoie-moi une dépêche si tu arrives, car je ne puis envoyer tous les jours à la poste c'est en sortant de l'Eglise qu'on a été aujourd'hui à la poste.


Notes

  1. Georges Heuchel.
  2. Jules Desnoyers.
  3. Alphonse Milne-Edwards.
  4. Marie et Emilie Mertzdorff.
  5. Victoire, domestique chez les Mertzdorff.
  6. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  7. Thérèse Gross, cuisinière chez les Mertzdorff.
  8. Elisabeth Schirmer et son époux Georges Heuchel.
  9. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  10. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 30 mai 1869 (A). Lettre d’Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_30_mai_1869_(A)&oldid=60032 (accédée le 9 décembre 2024).

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