Lundi 31 mai 1869

De Une correspondance familiale


Lettre d’Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


Launay

Mon cher Charles,

Quoique j'aie tout à fait au cœur, ou en tête, comme tu voudras le dire, que nous te verrons arriver Mercredi matin, cependant au risque que ce griffonnage ne te parvienne pas, je ne veux pas te laisser pouvoir passer une journée sans recevoir de nos nouvelles. Nous avons, comme toi, le temps long, et si tu te trouvais devoir encore prolonger ton séjour à Vieux-Thann, je voudrais de mon côté abréger notre séjour et t'aller retrouver, mais j'espère que demain j'aurai de bonnes nouvelles me disant qu'oncle Georges[1] va mieux et qu'il t'est permis de prendre un peu de liberté. Nos fillettes[2] continuent elles à bien jouir de leur liberté ! pas de travail (elles reprendront avec plus de plaisir, leurs leçons) jeux continuels, et surtout des moissons réelles de fleurs qu'elles vont chercher dans les prés && Et pour comble de bonheur les voici toutes deux armées d'une paire de sabots, car nous n'avons eu guère beau temps ; il fait encore très froid, mais on sort toujours. Enfin j'espère que tu seras content de leur mine. Ce matin nous descendions comme 3 amies à 6 h 1/2 à la messe et au retour on était bien joyeux d'aller réveiller tout le monde. Mais malheureusement petit Jean[3] a été malade toute la nuit, le pauvre petit garçon est encore au lit avec de la fièvre et très abattu. Il a eu une espèce de forte indigestion sans qu'on en puisse trouver la cause, car il allait très bien ces jours derniers. Hier soir il n'a pas voulu dîner malgré les fraises, cerises, fromage qui couvraient la table, la vue de toutes ces belles choses ne suffisant pas pour rendre malade, nous espérons que ce n'est que l'indisposition qu'il a quelquefois ; heureusement qu'Alphonse[4] était là, car Aglaé se tourmente tant quand elle voit quelque chose à Jean que nous aurions été bien embarrassés.

Ce qu'il y a d'amusant c'est de voir l'expression de joie de Jean lorsque Émilie[5] approche de son lit ; c'est ravissant, aussi Alphonse a-t-il rendu parfaitement la chose en disant que cela faisait penser à la gravure de notre petit salon.

Puisque Émilie[6] ne vient pas, te voici un peu plus libre de ce côté. Edgar fait bien de l'accompagner. C'eût été honteux pour lui.

Si tu ne reviens pas à Launay voudrais-tu me dire quel maçon je dois indiquer à Michel[7] pour les réparations. Je ne sais ce que tu as promis à Girardeau. Aussi dans l'embarras François[8] vient-il de nous faire  un rocher sans chaux ni plâtre pour ne pas agir contre tes intentions. Le voilà terminé, il fait bien ; tu verras, mais les ouvriers retournent à leurs travaux habituels et Gousard est malade, il n'est pas venu aujourd'hui, aussi papa[9] va repartir sans pouvoir lui tracer sa besogne.

C'est maman[10] et nos fillettes qui ont le mieux profité de Launay. Papa s'est fatigué Samedi en allant encore admirer à Chartres la cathédrale, et repartant demain matin il n'a pas le temps de se bien reposer.

Adieu, mon Ami chéri, je t'embrasse comme je t'aime, mes petites filles en font autant

tout à toi de cœur

Eugénie M.

Cécile[11] te remercie bien de ton bon souvenir, elle fait bien souhaiter le bonjour à Thérèse et Victoire[12].

Amitiés de tous pour toi pauvre mari abandonné

Mille choses aux Duméril[13] et Heuchel[14]


Notes

  1. Georges Heuchel.
  2. Marie et Emilie Mertzdorff.
  3. Jean Dumas.
  4. Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers.
  5. Émilie Mertzdorff, fille de Charles.
  6. Émilie Mertzdorff, sœur de Charles et épouse d’Edgar Zaepffel.
  7. Louis Michel Pieaux, jardinier chez les Desnoyers.
  8. François, domestique chez les Desnoyers.
  9. Jules Desnoyers.
  10. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  11. Cécile Besançon, bonne des petites Mertzdorff.
  12. Thérèse et Victoire, domestiques chez les Mertzdorff.
  13. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité.
  14. Georges Heuchel et son épouse Élisabeth Schirmer.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Lundi 31 mai 1869. Lettre d’Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_31_mai_1869&oldid=60777 (accédée le 15 novembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.