Samedi 25 juillet 1868 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer)


original de la lettre 1868-07-25B page1.jpg original de la lettre 1868-07-25B page2.jpg original de la lettre 1868-07-25B page3.jpg original de la lettre 1868-07-25B page4.jpg


CHARLES MERTZDORFF

AU VIEUX THANN

Haut-Rhin[1]

Samedi soir.

Ma chère Nie Je te remercie de tes bonnes, bien bonnes lettres que je reçois régulièrement ; mais ce que je ne comprends pas, c’est que tu ne reçoives pas mes lettres. Il est vrai que je ne sais pas trop combien de fois je t’ai écrit depuis que je suis ici ; mais je me souviens que j’ai écrit deux longues lettres aux enfants[2] ; c’était pour toi aussi & avant-hier soir une longue missive a été écrite. Hier soir je ne t’ai pas écrit, par contre j’ai écrit une longue lettre à Émilie[3].

Aujourd’hui par le convoi de midi, me sont arrivés Paul & sa femme ; nous avons dîné ensemble à nous trois ; mais après 2 heures je les ai quittés pour donner satisfaction à tout le monde. Je les ai revus un ¼ d’heure au jardin lorsque M. Jaeglé est venu me chercher ; j’ai si bien fait que je les ai complètement oubliés & en rentrant à 7 ½ h ils avaient mangé un morceau & sont allés à Thann auprès de leurs amis Laurent sans que j’aie pu les voir. Sauf le dîner je n’ai certainement pas passé un ¼ d’heure avec eux.

Et cependant je ne fais de longtemps pas ce que je devrais faire & sais parfaitement que je ne suffis plus.

Hier soir 5 h je me suis échappé, et ai été me suis dirigé vers Thann en passant par la nouvelle salle d’asile qui commence à sortir de terre, mon chemin de fer sur lequel voyagent déjà des wagons de déblais. Visite à ma tante[4], qui va bien, s’occupant beaucoup de son jardin attendant ses enfants pour Dimanche prochain. Elle m’a beaucoup parlé de vous tous.

Sur la promenade de Thann j’ai trouvé Mme Mairel[5] en lessive, avec laquelle j’ai fait un petit bout de causette. Sa fille qui l’aidait ne sera pas jolie & ce qui la défigure encore plus que ses yeux ce sont ses mauvaises dents toutes noires. Son mari est, me dit-elle, très occupé. Il y a beaucoup de malades, surtout des enfants dont il meurt à Thann grand nombre.

J’oubliais de te dire que j’allais à Thann pour m’occuper & surtout savoir ce que l’on avait fait pour l’orphelinat. Je n’ai pas rencontré M. Sick de sorte que j’ai repris le chemin de Vieux-Thann. Après avoir fait visite aux Ruppé que j’ai rencontrés, j’étais chez les Kestner[6]. L’on était au Jardin M. Mme avec M. Clément-Thomas[7] jouant aux dominos. M. Kestner m’a rendu compte de tout ce que l’on avait fait ; & les démarches à faire. Le curé[8] continue à entretenir en chaire ses paroissiens de son œuvre. L’on me dit que la construction de son orphelinat est déjà avancée, pouvant faire acheter son terrain par la fabrique de l’église, se prend en son nom.

Mme Charras[9] est rentrée de Baden, mais son séjour n’a en rien amélioré sa position. Elle doit repartir bientôt pour faire une longue saison à Bourboule & si là elle ne retrouve pas l’usage de ses jambes l’on désespère. M. Chauffour[10] est au bain, va mieux dit-on. Mme Scheurer[11] & enfants[12] sont absents aussi. Les grandes demoiselles[13] sont avec M. Chauffour ; de sorte que la maison est bien vide. M. Kestner n’est ni mieux ni plus mal il souffre toujours. Mme Kestner n’a pas non plus à se louer de sa santé. J’ai aussi fait visite à M. Risler[14], c’est le seul de la maison qui est un peu valide.

Ce matin j’étais chez les sœurs de l’école pour un peu me renseigner sur tout ce qui est à faire en <fait> de menuiserie. Pour ces petits détails tout est encore à faire & je viens de voir que ma disposition des <salles> me rendra la chose encore plus difficile. Du reste il n’est pas question d’occuper le local encore cette année. Je laisse donc encore cette question pour m’occuper du plus pressé. Nous manquons de pièces & beaucoup parce que nous ne faisons pas bien comme il y a quelque temps. Charles Wallenburger n’est pas l’homme & réellement Georges[15] me fait défaut. C’est réellement désolant & parfois décourageant.

J’avoue qu’en ce moment j’aimerais bien être au milieu de vous, ne serait-ce que pour mon Dimanche car il me semble que vous voilà bien heureuses avec vos 2 cavaliers[16] & que les bonnes parties de promenades & de sable ne doivent pas vous manquer.

Il est vrai que demain je serai aussi aux bains mais je me promènerai peu, & même je m’attends à une réunion un peu difficile & par contre peu agréable. Là encore en se donnant un peu de peine l’on réussissait. Mais là ce n’est pas le cas.

Je compte voir les Henriet, s’il me reste un instant pour cela, car l’on travaille ici à quelques réparations d’Eau & je désire rentrer avant la fin du travail.

Tu penses bien que je suis toujours avec vous aussi suis-je heureux lorsque je reçois de tes lettres. Ce qui n’est pas tout à fait être à la mer ; mais j’ai un bon petit moment où je vous entends & je t’assure c’est quelque chose, lorsqu’on est seul & qu’on a été habitué à être gâté par vous tous.

Depuis que je suis ainsi ici, je t’assure que je pense souvent à notre ami Alfred[17], qui ne connaît rien de mieux, mais qui ne doit pas être moins malheureux pour cela.

Comme tu le vois, je suis toujours occupé, le soir je ne suis pas fatigué, tout le monde m’a trouvé bonne mine & par le fait je vais tout à fait bien. Sauf Morschwiller je n’ai pas ressenti mes fatigues dans la tête & ne pense même pas à mes yeux. Aussi sois sans inquiétude, depuis longtemps je ne me suis senti aussi bien, ces quelques semaines m’ont réellement fait le plus grand bien.

Embrasse ma chère Nie nos petits choux pour le papa & pour toi dis à tout ton monde de ma part tout ce que tu auras de plus affectueux.

tout à toi

Charles Mertzdorff

Ci joint une lettre pour Cécile[18] arrivée ce matin. Ici les petits souliers de Founie[19] ; faut-il les envoyer par la poste ?

Thérèse[20] a <improvisé> un bon petit dîner, qui a été fort apprécié. Pour Lundi ou Mardi, j’attends les Duméril[21] si Léon[22] va bien.


Notes

  1. En-tête imprimé.
  2. Marie et Émilie Mertzdorff.
  3. Émilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel et sœur de Charles.
  4. Élisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
  5. Joséphine Müller, épouse d’Alphonse Eugène Mairel et mère de Fanny.
  6. Charles Kestner et son épouse Marguerite Rigau.
  7. Probablement Jacques Léon Clément-Thomas, opposant à l’Empire comme les Kestner.
  8. Jean Baptiste Grienenberger.
  9. Mathilde Kestner, veuve du colonel Jean Baptiste Charras.
  10. Victor Chauffour, veuf de Fanny Kestner.
  11. Céline Kestner, épouse d’Auguste Scheurer, qui prend le nom de Scheurer-Kestner.
  12. Jeanne et Suzanne Scheurer-Kestner.
  13. Possiblement Hortense Kestner et sa nièce de 18 ans Mathilde Eugénie Risler.
  14. Camille Risler.
  15. Georges Heuchel.
  16. Alphonse Milne-Edwards et Julien Desnoyers.
  17. Alfred Desnoyers.
  18. Cécile Besançon, bonne des petites Mertzdorff.
  19. Émilie Mertzdorff.
  20. Thérèse Gross, cuisinière chez les Mertzdorff.
  21. Louis Daniel Constant et Félicité Duméril.
  22. Léon Duméril, leur fils.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 25 juillet 1868 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_25_juillet_1868_(B)&oldid=60086 (accédée le 27 avril 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.