Samedi 25 et dimanche 26 juillet 1868
Lettre d’Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Samedi soir
Je n’ai pas à me faire violence, mon cher Charles, pour t’écrire, mon plus grand plaisir ici est de recevoir tes lettres, et d’y répondre car je souffre de te savoir seul à la maison. Je sais bien que tu es très occupé, mais d’un autre côté, je sais aussi combien de souvenirs doux et tristes doivent t’entourer dans ces 2 maisons inhabitées[1]. C’est pourquoi ma pensée est toujours près de toi. Je te remercie bien de la bonne lettre que je viens de recevoir, si tu savais <le plaisir> que j’ai à te lire, et tu me dis si bien toutes choses que je puis te suivre. Mais vois-tu quand tu auras tes petits enfants[2] et ta femme autour de toi, la besogne te paraîtra beaucoup plus facile et tu pourras mieux travailler et faire marcher toute chose selon tes vues. Il ne faut pas se décourager et vouloir faire au-dessus de ses forces, chaque chose se fait à mesure. J’admire toujours que tu puisses suffire à tout et sans être jamais affairé.
Pendant que je t’écrivais, ce matin, le reste de la bande, sous la conduite de l’oncle Alphonse[3], faisait bonne pêche. Les fortes marées d’hier ont amené sur la plage quantité de petites bêtes : crabes, bernard[4] & et beaucoup d’autres mais je laisse ces descriptions pr à Marie, elle a commencé à t’écrire.
A 11h 1/2, le bain qu’on a encore trouvé délicieux, ce sont nos fillettes qui les aiment encore le plus. Midi, un succulent déjeuner que les grands et petits estomacs ont absorbé tout entier. Emilie avait la figure si animée et les petits boutons existant toujours j’ai mené nos filles avec Aglaé chez le docteur <Joubert>. Il m’a dit que ce n’était rien que l’effet de l’air, du soleil & et pour éviter que ça ne la cuise de la laver le soir avec de l’eau de guimauve et de saupoudrer ses petites joues d’amidon, c’est ce que j’ai fait. Mais sois tranquille, elles vont très bien toutes deux.
Aujourd’hui la chaleur est excessive, nous sommes restés l’après-midi au chalet où nous nous trouvons très bien, les uns ont dormi, les autres ont rangé et travaillé, à 6h nous avons été jusqu’au bout de la plage, 7h dîner, de nouveau petite séance au bord de la mer et enfin à 9h dodo aux enfants et ménage, Alphonse qui dort dans le grand lit du salon, Julien[5] dans la chambre d’Aglaé et nous comme tu nous as laissées. Je suis restée seule à t’écrire, on voulait me faire coucher aussi ! mais avant je voulais te dire le petit bonsoir d’une bonne femme qui aime beaucoup son cher mari. Je ne te parle pas de ton voyage possible à Villers, tu sais bien ce que nous souhaiterions ; mais tu feras pour le mieux et nous trouverons toujours que tu as bien fait.
Bonsoir mon chéri,
Ta petite Nie
Dimanche matin
Il y avait tant de monde à l’église pour la messe de 8h que nous n’avons pas pu entrer étant un peu en retard ; nous allons retourner les 4 dames[6] à la grand messe. Les 3 hommes[7] sont à la pêche. Nos fillettes ont très bien dormi, déjeuner à l’avenant. Le bain se prendra à 11h1/2. La mer est très calme aujourd’hui, la chaleur est toujours très grande. Combien vous devez en souffrir dans l’intérieur des terres. Le médecin nous disait hier que les bains de mer réussissaient admirablement bien cette année pour les enfants à cause de cette haute température, mais que pour les grandes personnes il n’y avait pas assez de réaction. Hier il y a eu un malheur : un M. fabricant d’Elbeuf bon nageur, après avoir baigné sa sœur et 2 de ses enfants, au-delà du Casino, a voulu rester encore à prendre son bain, et s’est noyé. Quel chagrin, un homme de 45 ans et laissant 5 enfants !
Pour ton Dimanche tu vas aller à Wattwiller mais ce n’est pas encore toute la journée, je pense bien à toi, aujourd’hui 26 nous avions l’habitude de fêter ta pauvre mère[8]. Ah que de tristesse dans la vie, on a bien besoin d’une espérance au-delà. Et pour le temps présent on est heureux que lorsqu’on a près de soi ceux qu’on aime.
Les produits du jardin ne sont pas brillants, c’est dommage qu < > ce prix, je ne puisse pas à Villers faire du commerce, je me chargerais bien du trafic de revendeuse ! Victorine Target[9] viendra demain déjeuner avec nous.
Adieu, mon chéri, tes trois petites amies t’embrassent de tout cœur,
Toute à toi
Eugénie M.
Maman[10] est à Montmorency.
Notes
- ↑ La maison où Charles Mertzdorff se trouve seul et celle, voisine, de sa mère décédée au mois de février.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers.
- ↑ Bernard-l’hermite.
- ↑ Julien Desnoyers, frère d’Eugénie et Aglaé.
- ↑ Eugénie et Aglaé Desnoyers, avec Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards, Julien Desnoyers et probablement le petit Jean Dumas.
- ↑ Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff.
- ↑ Victorine Duvergier de Hauranne, épouse de Paul Louis Target ; ils possèdent une propriété à Bourguignolles.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Samedi 25 et dimanche 26 juillet 1868. Lettre d’Eugénie Desnoyers (Villers-sur-mer) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_25_et_dimanche_26_juillet_1868&oldid=35520 (accédée le 18 décembre 2024).
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