Samedi 10 octobre 1812 (B)
Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son mari André Marie Constant Duméril (Nantes)
215 L
Paris 10 Octobre 1812
Je viens de t’écrire par la voie du Ministre[1] mon bien bon ami, en t’envoyant la lettre du Général DeJean[2], et maintenant je viens t’écrire par la voie ordinaire qui sera probablement la plus courte. Ta bonne lettre du Mans a mis trois jours pour venir, je crois bien que c’est un de plus qu’il n’était nécessaire, elle ne m’en a pas moins fait bien plaisir ; au moment où je venais de la lire, il m’arriva la visite de Mme Defrance[3] et de Mlle de Carondelet, cette dernière bien fraîche et bien jolie, et ayant un air fort gai. Je pus donner tout de suite à ces Dames de tes nouvelles qui leur firent grand plaisir ; la plus jeune me recommanda de te dire qu’elle pensait souvent à toi et t’aimait toujours de même, et moi je te répète cela tout bonnement. Cette jeune Suzette avait eu jusqu’à ce moment-là son amie Mme Hulleu qu’elle venait de ramener à Paris ; Il parait que l’on est tous les jours en grande réunion à Sceaux mais que pourtant cette mondanité va bientôt diminuer à cause de l’approche du mauvais temps. Quoique M. Richard ait déjà perdu plusieurs de ses pensionnaires il parait que M. de Motar y est toujours, Mais je n’osais pas parler de lui, de crainte d’embarrasser, et l’on ne dît rien qui pût me laisser deviner si l’on est fort occupé de lui, ni si on le voit souvent. On m’a promis de ne pas trop tarder à venir me revoir. J’ai fait manger et emporter des massepains d’Amiens et j’ai remis la lettre pour M. Latrufe.
Je me flatte qu’arrivé avant-hier à Nantes tu m’auras écris hier, et que tu me racontes comment tu as trouvé chacun[4], si les petites t’ont bien reconnu et si elles ont paru avoir du plaisir à te revoir, si nos petits cadeaux ont paru faire plaisir, et si on croit que les robes aillent iront bien ; tâche je te prie de trouver le temps de me bien raconter toutes tes occupations et tes dissipations de Nantes ; et fais en sorte de ne pas laisser augmenter ton admiration pour l’aimable Dame Dobré[5]. Nous te recommandons de dire mille choses amicales pour nous à toute la maisonnée. A propos de maisonnée, celle d’Auchy[6], est arrivée mercredi (le jour que je t’écrivis) à trois heures, et nous les vîmes tous paraître le soir au moment où François[7] allait partir pour reconduire Alfred[8] que nous avions gardé à dîner et qui s’en était bien donné de jouer avec Constant[9]. Adrienne ayant un air content, et étant très fraîche, sa maman ayant le même air de contentement et bien débarrassée que ce départ d’Auchy fut fait ; quant à Say avait un air de fatigue sur toute sa personne, et n’avait pas le même air de satisfaction que sa femme et sa fille, sans cependant porter un air de tristesse ; mais ils ont eu tous trois un si grand nombre de choses à faire dans un court espace de temps qu’ils ne pourront pas se trouver bien reposés avant quelques temps d’ici. De plus ils ont eu le désagrément d’éprouver de la part de M. Grivel[10] des procédés peu gracieux ; il s’est montré dans ces derniers moments, vilain, et très minutieux, et probablement que cela n’aura pas rendu les Say fort aimables avec lui. Ils sont à Villemomble, d’où ils reviendront sous peu passer je crois quelques jours à Paris. Les petites se sont trouvées très bien de leur mois de campagnes ; nous les trouvâmes engraissées et ayant bonne mine.
Nous avons eu ces jours-ci la visite de Mme Torras le matin, celle de Mme Varnier[11] un soir. Hier nous vîmes un moment Mme de Prunelé à qui je n’avais pas encore eu occasion de faire mes remerciements pour le prêt qu’elle m’a fait de sa dormeuse. Plus tard vint M. Bertrand à qui nous proposâmes un reversi[12] que je fis tout entier, et ne m’en tirai pas trop mal.
Ce matin François est allé faire une visite de politesse à M. Berthollet à Arcueil, ma tante[13] doit aller avec Constant faire une promenade en voiture ; et moi je crois bien que j’irai faire ma petite course sur le boulevard avec maman[14]. Le temps est devenu terriblement variable et quand je vois la pluie je m’en chagrine toujours pour toi ; j’espère que vous aurez fini votre route jusqu’à Nantes sans autre accident de voiture, et que là tu la feras visiter et raccommoder de manière qu’elle vous ramène à Paris sans autre évènement.
Notes
- ↑ Probablement Jean Pierre Bachasson de Montalivet, ministre de l’Intérieur depuis octobre 1809.
- ↑ Lettre de recommandation de Jean François Aimé Dejean (voir lettre du 7 octobre 1812).
- ↑ Basilice Leguay, épouse de Louis Defrance.
- ↑ AMC Duméril est reçu à Nantes dans la famille du frère d’Alphonsine, Michel Delaroche.
- ↑ Frédérique Moller, épouse de Thomas Dobrée.
- ↑ Jean Baptiste Say, industriel à Auchy, marié à Julie Gourdel de Loche, père de plusieurs enfants dont Alfred et Adrienne.
- ↑ Etienne François Delaroche, frère d’Alphonsine.
- ↑ Le jeune Alfred Say.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril, leur fils.
- ↑ Jules Isaac Grivel, un temps associé de Jean Baptiste Say.
- ↑ Anne Gardelle, épouse de Pierre Torras, fille de Françoise Judith Lecointe, épouse en secondes noces du Docteur Varnier.
- ↑ Jeu de cartes.
- ↑ Elisabeth Castanet.
- ↑ Marie Castanet, épouse de Daniel Delaroche.
Notice bibliographique
D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril à sa femme, p. 112-115)
Annexe
A Monsieur
Monsieur C. Duméril, Président des Jurys de Médecine
chez MM Delaroche, Armand Delessert et Compagnie.
à Nantes.
Pour citer cette page
« Samedi 10 octobre 1812 (B). Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son mari André Marie Constant Duméril (Nantes) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_10_octobre_1812_(B)&oldid=61607 (accédée le 21 novembre 2024).
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