Mercredi 7 octobre 1812 (A)
Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son mari André Marie Constant Duméril (Nantes)
N° 215 K
Paris 7 Octobre 1812
Tu auras couché cette nuit à Angers mon bon ami, et je crois bien que le plus tôt que je puisse recevoir une lettre de toi, ce sera demain ; quant à celle que je t’ai écrite avant-hier je crois bien qu’elle ne pourra t’atteindre que dans le cas où tu passeras une partie de la journée d’aujourd’hui à Angers. Je ne sais si vous y aurez eu hier le temps qu’il a fait ici, la pluie ne cessa pas de toute la journée ; nous avons bien pensé à vous, cependant nous avons espéré que le temps ne se sera pas trouvé gâté au même moment à 70 lieues d’ici. Maman[1] a reçu hier une grande et fort bonne lettre de Cécile[2] qui parle beaucoup du plaisir qu’ils se font tous de vous te voir. Je ne sais si tu les trouveras informés de la grande nouvelle de la famille Delessert, qui est le mariage déjà arrangé par tant de personnes de François Delessert avec sa nièce Sophie[3], qui nous a été communiqué avant-hier en demandant encore pour quelque temps une sorte de secret, et met à ce qu’il parait toute la famille dans la joie ; mais il ne se fera point en Suisse, il n’aura lieu qu’après leur retour ici. Cette nouvelle m’a fait un grand plaisir, il me semble que c’est une charmante union. Papa et maman vont aller ce matin à Passy faire leurs compliments à l’excellente Mme Delessert[4].
Constant[5] va avoir une bonne journée aujourd’hui ; il y a une demi-heure que j’ai vu paraître dans ma chambre son cousin Alfred Say, quand je l’ai vu j’ai cru que l’allais aussi voir entrer ses Parents[6], mais il était seul avec deux bonnes ; ils sont partis tous trois un jour avant les trois autres membres de la famille qui ont dû coucher cette nuit à l’Epine et arriveront ce soir rue du cherche midi. Nous espérons bien qu’ils viendront demain nous dire un petit bonjour avant d’aller à Villemomble ; le petit passera la journée ici, et ton fils est fort occupé de lui faire la bienvenue cependant au premier moment il ne le reconnaissait pas. Ils sont toujours de la même taille absolument.
J’ai eu avant-hier la visite de M. Deneux qui aurait bien voulu venir te voir samedi soir, mais ne le put ayant eu toute sa soirée prise par un accouchement. Il m’a conseillé un peu de promenade ; ce jour-là en effet j’allais avec maman sur le boulevard, et m’en trouvais bien moins fatiguée que de ma première sortie. Cependant la position debout m’est toujours difficile, et mes reins éprouvent une fatigue dont ils ne peuvent pas se remettre, j’ai pourtant bien dormi ces deux nuits et l’appétit ne va pas mal.
J’ai appris ce matin avec étonnement et peine par la bonne, la mort de cette jeune Calais que nous avons vue souvent à Sceaux et qui s’était à ce qu’il parait frappée l’imagination sur son mal au nez. Je plains bien sincèrement sa pauvre mère qui n’avait que cette fille. Je pense tous les jours que je pourrais avoir visite de Mme deFrance[7] et de Mlle de Carondelet mais elles ne paraissent point ; Je crois bien que la pauvre impotente les occupe beaucoup moins que les plaisirs qui se succèdent autour d’elles, et peut-être les projets de mariage.
Nous avons eu l’autre soir la visite de M. Roman qui partait le lendemain pour le bouché et voulait pouvoir porter de mes nouvelles à sa femme. Je viens de recevoir tout à l’heure à mon adresse une grosse lettre du Général DeJean[8], contenant une la lettre de recommandation que tu lui as demandée pour le Conte de Kergariou, et un billet pour moi, par le quel il me prie de te faire parvenir cette lettre si je pense qu’il te soit agréable de la remettre toi même, ou de la lui renvoyer à son bureau si je crois qu’il soit mieux de l’envoyer directement au Conte de Kergariou. Comme je présume que tu aimeras mieux la remettre toi-même, je te l’enverrai dans quelques jours par la voie du ministre. J’attendrais tes ordres là dessus. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire que je réponde à ce billet, cependant comme je ne veux pas me dispenser par paresse d’une chose qui serait convenable je consulterai papa là dessus, et je le ferais s’il le juge bien. Voilà la fin de mon papier plus vite que je ne voudrais. Mais je ne te quitte jamais pour longtemps ainsi je laisse avec moins de peine ma conversation parce que je pense que la reprendrai bientôt. Je te serre bien fort contre mon cœur.
Toute la famille et en particulier maman me chargent de grand nombre de choses amicales pour toi. Tu ne m’as point dit si tu as écrit dimanche matin à tes Parents[9], ou si le ferais de la route. J’écrirai à ta mère lorsque j’aurai la nouvelle de ton arrivée à Nantes.
Toute réflexion faite et après m’être consulté avec François[10], je t’enverrai cette lettre du général Dejean sans attendre ta réponse.
Notes
- ↑ Alphonsine s’est provisoirement installée chez ses parents Marie Castanet et Daniel Delaroche. Voir les adresses de la famille Duméril.
- ↑ Cécile Delessert, épouse de Michel Delaroche, à Nantes.
- ↑ Julie Sophie Gautier.
- ↑ Madeleine Catherine Boy de La Tour, épouse d’Etienne Adolphe Delessert, mère du marié.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril, leur fils.
- ↑ Julie Gourdel de Loche et Jean Baptiste Say.
- ↑ Basilice Leguay, épouse de Louis Defrance.
- ↑ Jean François Aimé Dejean.
- ↑ Rosalie Duval et François Jean Charles Duméril.
- ↑ Etienne François Delaroche, frère d’Alphonsine.
Notice bibliographique
D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril à sa femme, p. 107-111). Une lettre d’Etienne François Delaroche (document 1812-17) est jointe à celle-ci.
Annexe
A Monsieur
Monsieur C. Duméril, Président des Jurys de Médecine
chez MM. Delaroche11, Armand Delessert et Cie
à Nantes
Pour citer cette page
« Mercredi 7 octobre 1812 (A). Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son mari André Marie Constant Duméril (Nantes) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_7_octobre_1812_(A)&oldid=61606 (accédée le 21 novembre 2024).
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