Samedi 9 février 1878
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris Février 1877[1].
J’espère, mon cher Papa, que je vais te raconter autre chose que l’histoire du Roussillon ; cependant ne t’effraie pas si de temps à autre je mêle un peu de géographie à mon discours car je suis au cours d’Emilie[2], dans un petit coin, cherchant à m’isoler, mais entendant tout ce que dit Mlle Kleinhans[3]. J’avais bien l’intention de t’écrire ce matin mais je suis arrivée à ne rien faire du tout ; je me suis levée (tard comme toujours maintenant hélas !) j’ai fait un peu de littérature mais quand on n’a que peu de temps devant soi on n’arrive jamais à faire quelque chose de bon ; le déjeuner est venu couper ma matinée en 2 ; on a beaucoup parlé de l’association[4] ; c’est ce soir la fameuse séance de M. Jamin[5] sur la lumière électrique nous irons bien entendu ; oncle[6] malheureusement ne pourra pas nous accompagner il va à la société philomatique puis chez M. Daubrée[7]. Nous retrouverons probablement toute la famille Arnould. Hier nous avons reçu encore une nouvelle invitation de Mme Thénard[8], décidément nous en sommes accablés, mais je ne puis te dire encore quel jour ce bal aura lieu car par une erreur assez singulière on a oublié de l’indiquer sur la carte. Ce sera le … ? Je vais dans un instant quitter le cours et aller avec tante[9] 1° chez la couturière où on me fait un nouveau corsage blanc le mien est horriblement [sale] ; 2° chez Mme Gastambide[10] ; 3° enfin chez Mme Thénard d’où tante tâchera de savoir délicatement le jour de la soirée. Puis on me déposera chez Mme Foussé[11] et tante reviendra ici chercher Emilie. Nous rentrerons dîner puis nous filerons à la Sorbonne. Tu vois que notre journée sera bien remplie. Demain par exemple nous serons assez calmes et nous pourrons enfin aller à une autre messe qu’à celle des paresseux.
On a de bonnes nouvelles de Cannes ; ces dames[12] écrivent souvent ; tante il paraît que le matin et le soir il fait très froid, que leurs cheminées chauffent très mal et qu’à dix heures du soir elles n’obtiennent pas plus de 13°. Par contre dans la journée il fait un magnifique soleil et elles peuvent passer plusieurs heures assises dans le jardin. Tante Cécile va mieux elle ne fait pas encore de grandes promenades mais reprend de l’appétit ; Marthe[13] paraît contente quoiqu’elle n’ait pas beaucoup de plaisirs et qu’elle regrette bien son cours et ses amies. Elle a écrit plusieurs fois à Emilie. Quant à Jean[14], il suit son collège et se porte à merveille. Ils devaient tous faire une grande expédition sur le bord de la mer Mercredi jour de grand congé.
André[15] s’habitue bien à Chevilly tante a déjà été le voir plusieurs fois.
Hier nous avons été chez Mme Roger[16] qui n’a pas été trop contente de moi et avec raison car je n’avais pas beaucoup travaillé ; c’est un refrain en ce moment, toutes mes maîtresses me répètent la même chose. Je ne sais pas en vérité comment se passe mon temps.
De chez Mme Roger nous avons été chez Paule[17] où nous avons passé une heure.
Emilie travaille pas mal en ce moment, cependant elle trouve toujours moyen d’étudier son piano ce qui fait l’admiration de Mme Roger. Elle a été bien heureuse je t’assure d’être à la pensée d’être marraine de notre futur petit cousin[18].
Adieu mon Père chéri, Mlle Kleinhans est partie ; elles sont en récréation, c’est un babil assourdissant je vais m’y mêler aussi ; je t’embrasse de toutes mes forces comme je t’aime ; J’embrasse aussi bon-papa et bonne-maman[19].
Ta fille qui t’aime beaucoup,
Marie
Notes
- ↑ Lire : 1878.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Caroline Kleinhans, professeure de géographie.
- ↑ Probablement l’Association scientifique de France.
- ↑ Jules Célestin Jamin.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Gabriel Auguste Daubrée.
- ↑ Fanny Derrion Duplan, épouse de Paul Thénard.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Emilie Delaroche, épouse d’Adrien Joseph Gastambide.
- ↑ Céline Silvestre de Sacy, épouse de Frédéric Foussé.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas et sa sœur Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ André Pavet de Courteille.
- ↑ Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeure de piano.
- ↑ Paule Arnould.
- ↑ Hélène Duméril, fille de Léon Duméril et de Marie Stackler, naîtra le 13 février.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 9 février 1878. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_9_f%C3%A9vrier_1878&oldid=35678 (accédée le 18 décembre 2024).
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