Lundi 11 février 1878 (A)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
11 février 78
Ma chère Marie
Hier Dimanche soir j’ai reçu ta bonne lettre qui me donne de bonnes nouvelles de vous tous & me dit que de bonnes aussi elles sont bonnes.
Bonne-maman[1] est grippée depuis quelques jours elle tousse pas mal, mais va & vient dans sa maison comme d’habitude c’est-à-dire qu’elle est plus à la cuisine, corridors, greniers & caves que dans sa chambre. Malgré ces soins peu hygiéniques elle va mieux.
Hier j’ai dîné en compagnie de M. Berger[2] chez les Léon[3]. Dîner de 6 personnes parfaitement ordonné & rien n’y manquait même le pâté de foie gras. Marie[4] va bien cependant cette nuit elle avait mal à l’estomac, ce qui lui arrive souvent. Dès que le temps le permet elle se promène une ½ h au jardin & va s’asseoir dans la serre qui est bien fleurie en ce moment, mais je préférerais la voir plus au grand air que dans la serre.
Il fait un temps admirable, beau soleil chaud, aussi la pauvre neige ne résiste pas c’est à peine s’il y a encore par-ci par-là quelques flaques comme échantillon & comme elle est vieille de près de 3 semaines je t’assure qu’elle n’a plus sa couleur naturelle, les cheminées en ont vite raison. Par contre la boue est abominablement désagréable il serait bon d’avoir les bottes à la prussienne.
Es-tu contente de ta conférence de M. Jamin[5] elle devait être belle & le monde n’y manquait sûrement pas. M. Edwards[6] est il content de son œuvre ? J’étais tout seul samedi soir & plus avec vous que dans mon petit réduit, lisant l’historique des partis politiques prussiennes & allemandes. Ce serait bon à savoir, mais peu fait pour empêcher les distractions causées par ses filles. Et en somme j’ai peu profité de ma leçon sur les [freiparteri, halb conservatur] etc...
Il est 1 h passée je fais attendre Melcher[7] pour que ma lettre prenne la route ce soir encore.
Je n’ai du reste rien de bien nouveau à vous dire. Marie a une nouvelle cuisinière depuis 3 jours, elle ne sait pas un mot d’allemand & vient de chez Mme -Dollfus Dettviller[8] de Mulhouse. Aussi Mme -Stackler[9] est-elle rentrée dans son ménage avec sa bonne.
J’aurais désiré aller voir l’Oncle Georges[10] hier Dimanche, mais, sans m’en rendre compte dès que M. Berger était parti j’ai fait un petit tour dans les cours & en rentrant j’ai mis ma robe de chambre, uniforme des Dimanches & une fois là, se remettre en toilette pour une pareille sortie est généralement au-dessus des forces de la paresse.
Mais je crois savoir que l’on va bien seulement ces bons vieux amis sont bien seuls & ont plaisir à vous voir. Tout ce monde est toujours avide de vos nouvelles & me chargent d’amitiés que je ne transmets pas souvent.
J’étais au Moulin samedi où je n’ai rencontré que Bonne-maman son mari[11] était à Mulhouse pour affaires.
Je vous ai dit que Mlle Josephine Piquet est pensionnaire de Mme Bonaventure mais ce que je ne vous ai pas dit c’est que ces dames[12] ne sont pas riches il s’en faut & la sœur[13] demande 1 500 F de logement & pension & encore faudrait-il que la sœur[14] fournisse non seulement tout le mobilier mais pour l’avenir Pharmacie, Médecin, vin de Bordeaux etc etc. Ce qui est impossible à ces dames. Je désirerais faire revenir sœur Bonaventure sur cette demande, y réussirai-je n’en sais rien, & comme je ne trouve pas la chose équitable il est fort possible que la Dame va quitter l’asile & que je ne me fâche avec la bonne sœur. Il faudra arranger cela avant mon départ pour la Capitale qui à ce que je vois ne tardera plus beaucoup.
Je vous embrasse tous de cœur
Ton père qui t’aime
ChsMff
Notes
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Louis Berger.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Marie Stackler épouse de Léon Duméril.
- ↑ Conférence de Jules Célestin Jamin à la Sorbonne.
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Melchior Neeff, concierge chez Charles Mertzdorff.
- ↑ Catherine Dettwiller épouse de Gaspard Dollfus.
- ↑ Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
- ↑ Georges Heuchel, époux d’Elisabeth Schirmer.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Joséphine Piquet et sa sœur Adèle Piquet.
- ↑ Sœur Bonaventure.
- ↑ Adèle Piquet.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 11 février 1878 (A). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_11_f%C3%A9vrier_1878_(A)&oldid=40213 (accédée le 15 novembre 2024).
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