Samedi 28 mars 1874

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)


original de la lettre 1874-04-28 pages 1-4.jpg original de la lettre 1874-04-28 pages 2-3.jpg


CHARLES MERTZDOFF

AU VIEUX-THANN

Alsace[1]

Samedi 28 Mars 74

Ma chère Marie

Les ouvriers sortent il est midi & j'ai le courage de commencer une lettre à ma chère amie ; c'est que je tiens à lui dire que sa lettre & celle de son petit Friquet[2] m'ont fait bien plaisir. Je ne sais si les lettres vont avec les journaux, mais cette dernière a mis deux jours à me venir.

Probablement qu'elle est arrivée trop tard dans la boîte en accompagnant vos amies & que les Prussiens n'y sont pour rien.

Hier j'étais à Mulhouse voir une machine que j'ai fait faire & qui est terminée. J'y ai rencontré Léon[3] & étais avec Georges[4] nous nous sommes longtemps oubliés & il était tard lorsque nous sommes arrivés à Morschwiller où j'ai trouvé tout le monde en bonne santé. J'ai trouvé bonne-maman[5] au milieu d'une grande Lessive, mais il a fait une si belle journée qu'elle était dans le ravissement de voir sécher son linge & qu'elle pensait tout terminer dans la journée.

Ce matin nous avons déjà eu un petit avertissement de pluie & le temps se prépare à nous donner de l'Eau, ce qui ne serait pas un mal pour la campagne.

Je viens de faire un petit tour au potager & nous avons <décidé> à planter des vignes devant les pêchers qui souffrent trop de la sècheresse & de la chaleur en été, ce premier plan de vignes donnera un peu d'ombre aux pieds, ce que nous pensions déjà obtenir pour les pommiers qui ne viennent pas. De sorte dans peu d'années vous pourrez cueillir le raisin de table dans le Jardin & n'aurez plus besoin d'aller aux Vignes.

Le potager est bien soigné, mais la serre laisse beaucoup à désirer, c'est un petit détail, car pour qui aurions-nous des fleurs ?

Demain je pense avoir tout Morschwiller les Paul, tante & Oncle[6] & peut-être les Stoecklin si l'ami Léon a fait ma commission car il était trop tard hier pour m'arrêter en rentrant de Mulhouse à Morschwiller. Tu vois qu'il y aura probablement du monde & que très probablement il faudra dîner dans la grande salle à manger.

Je viens d’être grondé par Nanette[7], il était en effet 12.20 lorsqu'elle est venue me chercher pour le dîner & Melcher[8] va venir à l'instant pour porter ma lettre à la poste. Du reste je n'ai pas encore vu ma tante Georges[9] & je vais y aller en te quittant.

Le bruit court – un petit bruit ? que Mlle Risler-Kestner[10] est fiancée avec M. Gambetta ? Les Ouvriers Bulffer sont dans la maison de Mme Kestner[11] l'on y fait de grands travaux, dit-on, tout est remis à neuf pour recevoir ce grand personnage qui viendra villégiaturer à Thann

Autres nouvelles aussi un tout petit bavardage ? M. Horace Koechlin, le chimiste ami de Léon qui était à Morschwiller chez M. Hofer[12] dont tu as peut-être entendu parler, est fiancé avec Mlle Marozeau[13], qui est encore bien jeune, c’était l'amie de Jeanne Scheurer[14].

te voilà maintenant bien au Courant de toutes les grandes nouvelles du pays.

Thann est toujours privé de la garnison prussienne par contre je ne sais encore rien des Orphelinats sœurs etc..

Ici nous n'avons pas encore commencé le travail de l'Inventaire, c'est Lundi que l'on commencera & j'espère que ce ne sera pas trop long. Les affaires sont toujours dans le même calme ; l'on travaille peu chez nous ce qui n'est pas encourageant.

Demain Dimanche je ne vous écrirai probablement pas, mais vous saurez comment la journée s'est passée.

Embrasse je te prie ton petit Friquet que nous aimons tant pour moi, je me réjouis de bavarder avec elle très prochainement. Elle a eu de grands succès comme je vois, mais je suis bien content qu'elle ne soit pas toujours première & les cachets rouges du Catéchisme viennent à propos. Pour Oncle & tante[15] mes amitiés bien affectueuses & pour toi mes meilleurs baisers

ton père Charles Mff.


Notes

  1. En-tête imprimé.
  2. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  3. Léon Duméril.
  4. Georges Duméril.
  5. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  6. Elisabeth Schirmer et son époux Georges Heuchel.
  7. Annette, cuisinière de Charles Mertzdorff.
  8. Melchior Neeff, concierge chez les Mertzdorff.
  9. Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
  10. Mathilde Eugénie Risler, petite-fille de Charles Kestner.
  11. Marguerite Rigau, veuve de Charles Kestner.
  12. La fabrique d'Edouard Hofer.
  13. Elisa Marozeau, 16 ans.
  14. Jeanne Sheurer-Kestner.
  15. Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 28 mars 1874. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_28_mars_1874&oldid=51576 (accédée le 18 décembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.