Mercredi 18 août 1875

De Une correspondance familiale

Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Port-en-Bessin)


original de la lettre 1875-08-18 pages 1-4.jpg original de la lettre 1875-08-18 pages 2-3.jpg


Morschwiller 18 Août 1875[1]

Bien chère Aglaé,

Plusieurs semaines se sont passées sans que je sois venue te trouver, mais que je prenne la plume pour t’écrire ou que je ne la prenne pas, tu sais parfaitement que ma pensée va bien souvent te trouver au milieu de tes occupations et auprès de nos chères petites[2]. Quelle douce pensée pour moi de vous revoir bientôt ! ce temps passé à Port[3] est un temps précieux pour la santé de chacun, aussi malgré mon désir de vous revoir, je comprends que vous y prolongiez votre séjour. Tu as su par ma lettre à ma petite Marie, les nouveaux malheurs qui sont venus frapper notre famille.

La mort de la charmante Julie Kablé[4], celle d’une bonne tante[5] qui malgré son grand âge était parfaitement conservée, nous ont causé bien du chagrin. Céline Delaroche[6] mère de Julie est, dit-on, fort courageuse dans sa douleur en cherchant à redonner des forces à son pauvre gendre[7] et à son mari. Il faut avouer que le rôle de certaines femmes est bien admirable sur la terre, quand ces femmes ont comme toi, ma chère enfant, de la bonté, de l’intelligence, et du dévouement. Hier j’ai été faire une visite qui m’a bien impressionnée. Madame Gerspach[8] tante et marraine de l’excellent abbé[9] qui s’occupe de tes jeunes neveux[10], vient de perdre son fils aîné âgé de 41 ans, il ne s’était pas marié afin de se consacrer complètement à sa mère qu’il entourait de soins dévoués. Pauvre femme ! combien elle souffre ! je me suis trouvée chez elle avec une de ses filles (elle en a deux qui sont religieuses et en a perdu une dont la vie était consacrée aux bonnes œuvres). Nous avons eu toutes trois une conversation qui nous a fortifiées les unes et les autres parce que nous parlions de l’amour de Dieu, et du bonheur de nous retrouver tous un jour. Madame Gerspach va quitter Mulhouse pour se fixer à Épinal où deux de ses fils sont employés dans une maison de commerce. J’ai reçu ces jours derniers une lettre d’une bonne parente, Madame Taylor[11] dont je crois n’avoir parlé, elle était nièce de M. Horace Say. Elle habite demeure au Mas d’Azil qui a été le théâtre de bien grands malheurs causés par les inondations, nos parents heureusement ont été préservés, ma cousine me dit que son pays déjà si éprouvé, a encore à subir les ravages de la grêle, tout est détruit, même les pommes de terre.

M. Roman[12] un des chefs de l’établissement de Wesserling marie sa fille aînée[13], et à cette occasion, il donne samedi prochain un bal auquel est invité Léon[14]. Par cette excessive chaleur un bal paraît un contresens.

J’espère bien que notre cher Charles[15] ne se ressent plus de la douleur au pied dont il parlait dans sa dernière lettre, nous t’embrassons de tout cœur ainsi que tes bons parents[16] et M. Alphonse[17], nous t’embrassons de même, bonne Aglaé, ainsi que nos chéries et petit Jean[18].

Félicité Duméril.

Je suis sans nouvelles de Besançon[19] et de Rambouillet[20].

Les manœuvres d’Automne vont commencer, et on nous menace d’avoir sous peu des Prussiens à loger.


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Marie et Emilie Mertzdorff (« nos chéries »).
  3. Port-en-Bessin (Calvados).
  4. Julie Delaroche, épouse de Charles Kablé.
  5. Césarine Cumont, épouse de Guillaume Declercq.
  6. Céline Oberkampf, épouse d’Henri Delaroche.
  7. Charles Kablé.
  8. Joséphine Bertsch, veuve de Joseph Gerspach.
  9. L’abbé Victor Bertsch.
  10. Les jeunes Pavet de Courteille.
  11. Pauline Comte, épouse de Philip Taylor.
  12. Jacques Eugène Gaspard Roman.
  13. Amélie Caroline Roman épouse Charles Lafite.
  14. Léon Duméril.
  15. Charles Mertzdorff.
  16. Jeanne Target et son époux Jules Desnoyers.
  17. Alphonse Milne-Edwards.
  18. Jean Dumas.
  19. Besançon où réside la famille Soleil.
  20. Rambouillet où réside Charles Auguste Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 18 août 1875. Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Port-en-Bessin) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_18_ao%C3%BBt_1875&oldid=56916 (accédée le 21 novembre 2024).

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