Samedi 22 mai 1869 (B)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay)
Ma chère Amie
Tu sais à peu près ce que j'ai trouvé, ou non, à mon arrivée. Pour ce qui est de la maison, la petite salle à manger est finie, j'y souperai ce soir. L'on tapisse l'ancienne cuisine de ma mère[1], qui sera une pièce charmante, parfaitement habitable, regrettant, presque, de ne pas l'avoir prise pour moi. Par contre voilà le maçon de nouveau dans nos corridors, je le fais veiller ce soir pour que ses raccords sèchent demain & que Lundi l'on donne une couche. Tout ce que l'on fait à nouveau sera plus solide que l'ancien & j'espère bien que l'on n'aura pas besoin d'y revenir.
La fenêtre donnant sur la glacière est enlevée, cela nous donne un beau jour & sera parfaitement convenable. Le plancher est commandé.
A la cuisine je fais garantir la chambre de Thérèse[2] de toute humidité par une plaque en Cuivre & un changement au robinet qui est trop près du mur.
Tu peux croire qu'avec tous ces ouvriers dans la maison, la propreté n'en est pas irréprochable ; cependant il faut en finir y laisser tous les ouvriers. Combien de temps cela durera-t-il ? Je ne saurais le dire que dans quelques jours.
Je n'ai aucune nouvelle de Thérèse qui a bien mal choisi son moment pour être malade. Depuis quelque temps, en parlant d'elle, tu sauras que Himmel est rarement ici à la fabrique, & lorsqu'il y est ce n'est pas toujours dans un état convenable, m'a-t-on dit, car je ne l'ai pas encore vu. Il est probable que je vais lui faire retourner ses outils. Seulement celui qui doit le remplacer est d'une lenteur & incapacité désolantes.
Je continue à être très content de la cuisine & du travail de Victoire, qui se donne réellement beaucoup de peine. Jean[3] n'est pas dans la maison ; il aide le Jardinier[4]. Mais c'est toujours un petit paresseux.
Je n'ai pas encore vu ma Tante[5] qui ne va pas mal m'a dit son mari. N'ayant que peu de temps dans la journée, soit une chose ou une autre qui dérange ; j'avais invité Barbé à venir chez moi passer la soirée. Ce qu'il a fait. Le sachant, je pensais t'écrire pendant que l'on paie les ouvriers de 6 à 7. Mais l'on ne m'y a pas laissé longtemps j'ai dû quitter ; ce qui fait que malgré l'heure, 11 h, je tiens encore à venir te dire un bonsoir & embrasser nos petites filles[6] & tous nos chers parents[7]. Demain matin dès 7 h. je m'en vais à la mairie pour que tout soit bien préparé pour 8 h[8]. Je compte y rester à peu près toute la journée, mais Lundi l'adjoint[9] prendra ma place le plus longtemps possible.
Ce soir j'ai reçu la visite du Curé[10] qui est très chaud & s'occupe beaucoup de son candidat[11]. C'est lui qui a fait distribuer les bulletins de vote à domicile. Car comme maire je ne le pouvais pas. Mon oncle[12] s'en est aussi chargé & en a fait distribuer à nos 300 électeurs de la fabrique ; plus quelques centaines dans les villages & environs.
Dès 4 h du matin le curé sera sur pied pour expédier ses estafettes dans les villages environnants. Tout ce monde croit que Keller sortira le premier jour ; Que cela soit ; je n'en serai pas fâché. L'on assure qu'en Vendée Keller a beaucoup de chances de sortir.
Quant à Tachard il est sûr de son grand succès. Ce pauvre M. Dollfus[13] à l'âge de 70 ans, après avoir fait ce que peu d'hommes ont su faire pour la prospérité de son pays, a subi les avanies les plus grossières dans sa propre cité ouvrière & surtout à Ensisheim canton rural. C'est vraiment décourageant de faire le bien. A Colmar le canditat officiel triomphera. Émilie[14] à laquelle j'aurais voulu écrire a dernièrement écrit à Georges une lettre bien gentille pas plus gaie que les dernières. Ils espèrent que cet échec fera changer le Préfet[15] avec lequel ils ne sont pas toujours d'accord.
J'espérais t'écrire plus au long mais il est tard & bonsoir. Samedi 11 ½ h soir
Charles Mertzdorff
Il est fort possible que je ne t'écrive pas demain.
Lundi nous ne travaillons pas faute de pièces ; ce qui n'est pas très gai. Je n'ai pas encore fait beaucoup à la fabrique.
Notes
- ↑ Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff, décédée en 1868.
- ↑ Thérèse Gross, cuisinière chez les Mertzdorff.
- ↑ Victoire et Jean, domestiques chez les Mertzdorff.
- ↑ Gustave, jardinier chez les Mertzdorff.
- ↑ Élisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
- ↑ Marie et Émilie Mertzdorff.
- ↑ Jules Desnoyers et son épouse Jeanne Target, Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards sont alors à Launay.
- ↑ Il s’agit de préparer les élections législatives.
- ↑ Joseph Nagelin.
- ↑ François Xavier Hun.
- ↑ Probablement Emile Keller, candidat « clérical ».
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Jean Dollfus, maire de Mulhouse.
- ↑ Émilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
- ↑ Hippolyte Ponsard, préfet du Haut-Rhin.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 22 mai 1869 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_22_mai_1869_(B)&oldid=60052 (accédée le 22 décembre 2024).
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