Dimanche 23 mai 1869 (A)

De Une correspondance familiale


Lettre d’Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


Launay Dimanche 23 Mai

Mon cher Charles,

Tu m'as fait bien plaisir en me répondant si promptement au sujet de la location de la ferme[1]. Nous tâcherons de suivre tes instructions et de faire pour le mieux. Pour avoir le temps de prendre les renseignements nous disons qu'il faut que nous t'en référions ; et ce n'est que juste. J'admire tout ce que tu as déjà fait et comme tu as mis à profit ton temps, mais ce qui me réjouit c'est que tu n'as pas l'air trop fatigué ; je crains toujours, qu'en mon absence, tu abuses de tes forces et ne te fatigues trop, et surtout sans personne sur qui je puisse compter pour que tout soit comme lorsque nous sommes à la maison. Je ne doute pas que Victoire[2] ne fasse de son mieux, tant que Thérèse[3] sera malade je préférerais que tu fasses coucher Antoinette[4] dans la chambre de Julien[5], en face de celle de Victoire et qu'elles restassent ensemble dans la journée à faire leur petite besogne, qu'Antoinette mange avec Victoire & et pour le temps qui leur restera, elles feront ensemble dans la salle à manger les coutures que j'ai laissées, même si Antoinette a de l'ouvrage pour elle, qu'elle l'apporte, ça ne fait rien, mais je crois que pour qu'à mon retour ça puisse encore marcher avec Victoire, il faut lui donner un contrôle d'expérience de façon à ce qu'elle ne se croit pas souveraine maîtresse ; et que si elle manque de prévoyance pour le feu ou l'eau Antoinette y veille. Tu n'as pas besoin de lui donner les clefs, je crois avoir < > de tout pour un certain temps. Antoinette prendra les draps qui sont sur la desserte de la grande salle à manger. Tu peux prier oncle ou tante Georges[6] de faire prévenir Antoinette d'après ce que je leur ai dit, ils approuveront que jusqu'au retour de Thérèse nous ne laissions pas Victoire seule dans la maison, même toi y étant, ce n'est pas que je n'aie pleine confiance en sa probité. Je remercie bien oncle et tante Georges de tout ce qu'ils font en mon absence pour ma maison.

Te voilà en plein rôle de M. le maire, toute la France est en grande agitation[7] il n'y a que nous qui jouissions d'un calme complet ; personne de Paris n'est venu ; les domestiques sont aux vêpres à Nogent ; bon-papa[8] travaille à son fameux article, Aglaé[9] fait des comptes sur la verte pelouse en gardant les deux petits[10] et moi je t'écris de la bibliothèque en causant avec ma grande Mie[11] qui vient de me rapporter sa lettre. Nos bonnes petites chéries[12] pensent bien à toi et je ne doute pas que comme leur maman leurs plus douces pensées soient pour toi.

Tu me fais bien plaisir en me donnant tous les détails sur les travaux, élections &&. une dépêche pour nous donner le résultat des élections et par là nous donnant l'espérance de ton retour plus ou moins prochain.

Ce matin nous sommes tous allés à la messe de 7 h. Depuis on fait des bouquets, le temps est magnifique et les enfants jouent dehors ; les Rhododendrons sont tous en fleur ; tout épanouis, c'est charmant, malheureusement tu n'es pas avec nous et tu comprends que mon cœur est près de toi et mes pensées plus à mon ménage qu'au chant du rossignol

Maman[13] est bien, elle a bonne mine. Le petit Ecureuil est toujours l'objet de soins assidus de ses chères maîtresses (je ne suis pas du nombre).

Je cherche en vain quelque chose d'intéressant à te dire. Nous avons fait arranger la boîte pour l'eau chaude ; quand tu viendras on pourra t'offrir un bain.

Adieu, Ami chéri, je t'embrasse de tout cœur et mon entourage en fait autant mais le plus gros bec est de ton trio qui t'aime tant

Eugénie Mertzdorff


Notes

  1. Michel Victor Ménager doit signer le bail pour la ferme à Nogent-le-Rotrou.
  2. Victoire, domestique chez les Mertzdorff.
  3. Thérèse Gross, cuisinière chez les Mertzdorff.
  4. Antoinette, domestique chez les Mertzdorff.
  5. Julien Desnoyers, jeune frère d’Eugénie.
  6. Élisabeth Schirmer et son époux Georges Heuchel.
  7. Allusion auxélections législatives du 24 mai.
  8. Jules Desnoyers.
  9. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  10. Émilie Mertzdorff et Jean Dumas.
  11. Marie Mertzdorff.
  12. Marie et Émilie Mertzdorff.
  13. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 23 mai 1869 (A). Lettre d’Eugénie Desnoyers (Nogent-le-Rotrou-Launay) à son époux Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_23_mai_1869_(A)&oldid=60044 (accédée le 25 avril 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.