Samedi 21 juin 1919
Lettre de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé)
Paris, 21 Juin 1919
Mon cher Louis,
Je compte sur toi pour compléter au besoin les renseignements contenus dans la lettre ci-jointe que je te prie de remettre à M. Léon Daum : il s’agit d’un docteur[1] qui a épousé une des filles de Mme Trédez[2] l’obligeante personne qui a mis, 2 fois, sa maison de Montreuil à ma disposition pour les élections. Il est lui-même de Cormont ou plutôt d’une ferme dépendant de Cormont, située sur la RouteNationale « Montreuil Boulogne », dans un endroit isolé où j’ai eu, par un temps glacial, une sale panne d’auto il y a 2 ou 3 ans[3] et la mère[4] (seule survivante) avait bien voulu m’autoriser à prélever dans les équipages tout ce qu’il me fallait pour gagner Neufchâtel (c’était un jour de réunion Lavocat) et rapatrier, au besoin, mon auto à Montreuil. (Il ne fut pas besoin de tout cela : un aimable passant[5], arrivant de derrière, vit (ce qu’Alexandre[6] ne voyait pas depuis une heure) que notre chaîne avait sauté et nous pûmes continuer.)
Qu’ai-je à te dire, que ta mère[7] ne t’ait pas dit ! L’oncle Ferdinand[8] intransportable mais voulant être transporté quand même, dit les pires injures à son médecin qu’il accuse ouvertement de le retenir pour le gruger.
Le mobilier des Degroote[9] serait parti en entier si la marche éventuelle sur l’Elbe ne retenait les 2 wagons qu’il faudrait encore. Mais la coqueluche menace et semble pouvoir envahir notre maison ! Et il paraît qu’il vaut mieux ne pas changer d’air de sorte que tout conspire pour retenir Lucie ici avec les enfants[10]. Henri fait la navette.
Les Jacques[11] sont à Saint-André. Jacques est à Douai évaluant ses dégâts, peut-être négociant avec l’acquéreur, que l’usine Villette (voisine) a trouvé (en la personne d’un Potin quelconque) pour acquérir des terrains que Robaut a cru prédestinés à rester à l’usage de tannerie et où il a fait 1° des fosses multiples qui ne doivent être qu’une gêne pour l’acquéreur.
2° des dépendances de ses propres bâtiments, comme s’il était propriétaire du terrain ! Cette usine Villette malgré ses avaries aurait été vendue 33 000 je crois (le double d’avant la guerre).
Michel[12], consigné près de Troyes, a dû renoncer à venir voir Pierre[13] à son retour de Cauterets. Pierre et Antoinette sont à Lay (jusque vers le 25, je crois).
Je m’occupe de rédiger et signer mon « bail avec faculté d’achat » à Vieux-Thann mais Beha se refuse à évacuer prétendant que M. Rich[14] avait pris vis-à-vis de lui des engagements verbaux !
Les Colmet Daâge ont bien perdu leur cousine[15], née Deschamps (enlevée en quelques instants, par une maladie de la Rate dit-on). Ils se proposent de nous rejoindre à Brunehautpré au commencement de Juillet et d’y passer le mois avec nous. J’espère que tu les y verras !
Nous comptions partir d’ici vers le 25 [courant] mais des réunions de société, et notamment deux importantes réunions chez Vincent [Pxx] me retiennent ici jusqu’au 1er Juillet, sans compter la perspective d’y participer aux manifestations, (inoubliables je pense !), qu’y provoquera la signature de la paix. En attendant nous sommes allés, hier, ta mère et moi, à une réunion (privée !) de 5 000 personnes à la salle Wagram pour y assister à une fête organisée par l’Action Française pour le 20e anniversaire de la création. Les dames étaient les bienvenues.
Sais-tu que notre berger de Dommartin mordu par un de ses chiens (enragé) est en traitement à l’Institut Pasteur ? On a abattu tous les chiens et un agneau : on veut espérer qu’il n’y a pas eu d’autres animaux mordus. Le Berger s’en tirera facilement (Il est mordu au poignet). La chaleur extrême et la sécheresse consécutive ont peut-être provoqué cette rage. En tous cas ton beurre ne sera pas contaminé parce que tu as eu la bonne pensée d’y renoncer !
Mille amitiés,
D. Froissart
Je regrette que tu n’aies pas pu participer au dîner de « [ ] de noces » donné ici au retour des Pierre[16] : on a bien dîné, un peu chaudement (ton tour viendra !!).
T’ai-je dit que vous avez tous une part de notre Rente Russe, que j’ai voulu vous remettre pour que vous décidiez si c’est votre intention de la déclarer avant le 1er Juillet 1919 (date plusieurs fois reculée mais qui pourrait cette fois, être définitive). Je suis à ta disposition pour déclarer en ton nom. Décide !
Notes
- ↑ Honoré Fourdinier, époux de Rose Trédez.
- ↑ Aurélie Moignet, veuve de Charles Trédez.
- ↑ Voir lettre du 14-15 octobre 1917.
- ↑ Ymelda Cochon, veuve de Amable Jean Baptiste Abel Fourdinier.
- ↑ Arthur Ghislain Stoclet.
- ↑ Alexandre Baudens, chauffeur de Damas Froissart.
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart.
- ↑ Ferdinand Degroote.
- ↑ Henri Degroote et son épouse Lucie Froissart.
- ↑ Anne Marie, Georges, Geneviève, Odile et Yves Degroote.
- ↑ Jacques Froissart, son épouse Elise Vandame et leurs trois fils : Jacques Damas, Marc et Claude Froissart.
- ↑ Michel Froissart, frère de Louis.
- ↑ Pierre Froissart, frère de Louis, en voyages de noces à Cauterets avec Antoinette Daum.
- ↑ Guy Colmet Daâge et sa famille.
- ↑ Suzanne Deschamps épouse de Roger Dufourmantelle.
- ↑ Pierre Froissart et Antoinette Daum.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 21 juin 1919. Lettre de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_21_juin_1919&oldid=59378 (accédée le 21 novembre 2024).
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