Mercredi 25 juin 1919

De Une correspondance familiale


Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé)


original de la lettre 1919-06-25 pages 1-4.jpg original de la lettre 1919-06-25 pages 2-3.jpg


25 Juin 19

Mon cher Louis,

Décidément tu es né commerçant. Il te manque un nez crochu ! Je t’encourage d’ailleurs à profiter des bonnes aubaines que te fournit la situation actuelle et je t’envoie de quoi poursuivre tes opérations. Achète donc aussi une malle pour Michel[1] qui a perdu la sienne à Douai et une valise en cuir. Il y aurait peut-être de bonnes affaires à réaliser pour le [ ]. Tu devrais demander à Mme [  ] de t’aider de ses conseils. Je pense que ce n’est pas indiscret de lui prendre un peu de son temps. Elle pourrait peut-être suggérer à Antoinette[2] quelque intéressant marché à faire et t’en indiquer en tous cas pour Elise[3] qui a tout à racheter. Draps, torchons, serviettes de toilette, linge de table, tout lui manque, mais il faudrait s’assurer que les droits de douane soit sur le linge confectionné, soit sur les tissus en pièce ne compenseront pas les avantages que tu réaliserais par le change. Cet inconvénient n’existe par pour les malles ou les valises, ni pour les vêtements que l’on peut porter sur soi. J’avoue que je ne sais pas du tout quelles sont nos conditions douanières avec le bassin de la Sarre.

Les de Miribel[4] s’attendent à aller vous rejoindre ; on s’est déjà assuré le concours de la doctoresse accoucheuse Mme Masselin[5] qui entrevoit avec plaisir une villégiature en Allemagne.

Je te remercie des l’image mortuaire du BaronBoissonnet[6], j’en remercie directement les Lequette quoique tu ne me dises pas si Mme Lequette[7] est à Sarrebruck.

Le canon nous a fait tressaillir Lundi soir à 7h. Enfin nous la tenons cette paix tant attendue. On dit qu’elle sera décidément signée Vendredi.

Ton papa[8] ne sera pas ici pour en jouir des illuminations : il partira Vendredi pour Hazebrouck pour assister à l’enterrement de M. Ferdinand Degroote décédé Dimanche après-midi. Henri[9] est revenu d’Hazebrouck hier matin pour assister avec son oncle D.[10] à l’ouverture du testament qui était entre les mains de la bonne ! Il a été stupéfait et sincèrement ennuyé de voir ses enfants[11] considérablement avantagés au détriment de l’autre branche et de sa sœur[12] au-dessus de laquelle tout passe. Elle a beau aimer beaucoup les enfants de son frère et n’avoir pas besoin de cet héritage, c’est toujours un peu désagréable et cela constitue pour H. une situation fausse et qui n’est pas faite pour resserrer les liens de famille. Comme exécuteur testamentaire, il aura à faire des largesses posthumes à l’église Saint-Eloi et à différentes œuvres pour lesquelles on n’avait jamais rien donné, tant il paraissait dur à l’oncle de sortir un sou de sa poche !

Antoinette m’écrit qu’ils[13] ont l’appartement qu’ils désiraient et qu’il sera libre le 1er. Je pense qu’ils ont gagné Epinal aujourd’hui.

Le pauvre Michel[14] n’a pas pu venir, les permissions pour Paris étant été rigoureusement supprimées.

Les CD[15] sont allés hier sur la tombe de M. René[16] près d’Arras et même à Neuville-Saint-Vaast où il est tombé.

Tu sais que les 5 Degroote[17] ont la coqueluche, ainsi que la fille de Germaine[18]. Quel concert ! Ils sont encore tous dans la période croissante et nous aurons mieux dans quelques jours. Cela retarde un peu le départ définitif de Lucie[19] et compromet le séjour des CD[20] à Brunehautpré en Juillet, car Patrice tousse un peu et Made commence à se demander si c’est bien du rhume !

Tu sais qu’à Bamières tout le monde[21] l’a ; Laure[22] est même très prise ayant de la bronchite et est forcée à garder le lit.

Je t’embrasse tendrement, mon cher enfant.

Emy


Notes

  1. Michel Froissart, frère de Louis.
  2. Antoinette Daum, épouse de Pierre Froissart.
  3. Elise Vandame, épouse de Jacques Froissart.
  4. Fernand de Miribel épouse Françoise de Fréville.
  5. Léa Adèle Constance Sérard, veuve de Henri Masselin.
  6. Ernest Boissonnet.
  7. Marie Amélie Boissonnet épouse de Ernest Henri César Lequette.
  8. Damas Froissart.
  9. Henri Degroote.
  10. Jules François Didry, époux de Marthe Degroote.
  11. Les cinq enfants Degroote : Anne Marie, Georges, Geneviève, Odile et Yves.
  12. Jeanne Marthe Degroote épouse de Emile Lesaffre.
  13. Antoinette Daum et son époux Pierre Froissart.
  14. Michel Froissart.
  15. Guy Colmet Daâge et son épouse Madeleine Froissart.
  16. René Colmet Daâge (1876-1915).
  17. Les enfants Degroote.
  18. Germaine Legrand, au service des Froissart, veuve de Alphonse Painthiaux et mère de Marie Louise Painthiaux (8 ans).
  19. Lucie Froissart, épouse de Henri Degroote.
  20. Guy Colmet Daâge, son épouse Madeleine Froissart (Made) et leurs fils Patrice, Bernard et Hubert Colmet Daâge.
  21. La famille de Paul Froissart à Bamières.
  22. Laure Froissart, veuve de Jules Legentil.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 25 juin 1919. Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_25_juin_1919&oldid=53902 (accédée le 15 novembre 2024).

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