Mercredi 27 février 1878

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1878-02-27 pages 1-4.jpg original de la lettre 1878-02-27 pages 2-3.jpg


Paris 27 Février 78.

Mon Père chéri,

C’est avec joie que nous avons reçu ta lettre d’hier puisqu’elle nous annonce ton arrivée prochaine ; quel bonheur de te revoir ! On voudrait faire avancer les jours. Emilie[1] commence à être un peu agitée, cependant elle se porte à merveille et personne n’aurait pu deviner sur sa figure les excès auxquels nous nous sommes livrées Samedi.

Elle sait, grâce à M. Brongniart[2], tous les noms de ses examinateurs elle on n’en connaît aucun cependant elle aura le fameux abbé Darblade[3] que les Baudrillart connaissent beaucoup et que tu as vu lors de l’examen d’Henriette[4], j’espère que par là elle sera bien recommandée. M. Edwards[5] écrira aussi au président quoiqu’il ne le connaisse pas.

Puisque le moment de ton départ approche, je vais me risquer, mon Père chéri, à te demander quelques petites commissions.
Tu sais qu’en envoyant le bébé à ma filleule[6], ne voulant pas lui donner tous les biens à la fois, je lui ai promis de lui expédier à Pâques un berceau pour l’enfant ; je veux tenir ma parole et ce berceau promis est celui mien de ma grosse Marie qui est en haut dans le grenier, rafraîchi et avec des rideaux propres il pourra passer pour neuf et je trouve que c’est bien le cas de l’employer. Si donc cela ne t’ennuie pas trop, je te demanderais de vouloir bien me l’apporter avec toi ; Thérèse[7] te donnera tout ce qui le compose (je le rarangerai ici).
2° je renouvelle la demande que je te faisais en Xbre[8] dernier et je te rappelle les livres anglais que tu devais prendre avec toi : si tu ne trouves pas Wide, wide world[9], je te demanderai d’en prendre un autre dans l’armoire à glace de mère[10], celui qui te paraîtra à la fois le plus amusant et le moins difficile.

Nous sommes décidément dans la période des mariages ; je t’annonçais dans ma dernière lettre celui de Mlle Gosselin[11] depuis j’en ai appris deux autres, celui de Mlle Claire Sainte-Claire Deville[12] qui a aussi dix-neuf ans et enfin ce qui t’étonnera plus encore, ce qui n’est pas certain et auquel à quoi je ne puis croire, c’est le mariage de ma compagne de cours et d’examen, tu l’as déjà nommée, Marthe Tourasse ! C’est Mme Roger[13] qui nous en a parlé et en effet Marthe ordinairement si travailleuse, ne fait rien du tout cette année, on devine qu’elle a d’autres préoccupations. Moi je fais comme Saint Thomas et je n’y croirai que quand elle me l’aura annoncé elle-même. Cela me paraît si drôle !

Lundi la soirée s’est très bien passée, nous avons eu M. et Mme Buffet[14] à dîner, le soir Mme Troost[15] a amené sa fille[16] que nous ne connaissions pas et qui nous a beaucoup plu. En vérité ces soirées sont loin de nous ennuyer comme nous le pensions au contraire elles nous amusent.

La semaine dernière M. Stackler[17] est venu le soir ; mais il avait l’air de ne pas très bien savoir ce qui se passait à Vieux-Thann ; il ignorait le jour du baptême & il n’a pas pu nous dire non plus ce qui avait fait choisir pour sa nièce[18] le nom d’Hélène. Il croyait que c’était un nom de la famille Duméril.

Hier Mardi nous avons eu la visite de Mme Delaroche[19] et de Gabrielle elles sont encore à Paris pour une huitaine de jours.

Je vais te quitter brusquement mon Père chéri, car l’heure me presse nous allons au mariage de Jeanne Laroze[20] puis chez M. Flandrin[21].

Je compte t’embrasser encore une fois par lettre avant de le faire réellement.
Adieu mon petit papa, soigne-toi bien ne te fatigue pas et arrive-nous bien vite.
Je t’embrasse comme je t’aime ainsi que bon-papa et bonne-maman[22].
(Le couvert est-il arrivé ?)
ta fille qui t’aime de tout son cœur.
Marie


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie, passe son examen de capacité le 4 mars.
  2. Edouard Brongniart ?
  3. Probablement Jean Baptiste Darblade.
  4. Henriette Baudrillart.
  5. Henri Milne-Edwards.
  6. Louise Soleil.
  7. Thérèse Neeff, employée chez Charles Mertzdorff.
  8. Décembre.
  9. The Wide, Wide World est un roman de Susan Warner publié en 1850 sous le pseudonyme Elizabeth Wetherell. Il est considéré comme le premier best-seller américain.
  10. Eugénie Desnoyers (†), seconde épouse de Charles Mertzdorff.
  11. Adrienne Gosselin épouse Emile Hyacinthe Chauffard.
  12. Claire Sainte-Claire Deville épouse Ferdinand Caron.
  13. Pauline Roger, veuve de Louis Roger, professeur de piano.
  14. Louis Joseph Buffet et son épouse Marie Pauline Louise Target.
  15. Thérèse Verdot, épouse de Louis Troost.
  16. Madeleine Troost.
  17. Henri Stackler.
  18. Hélène Duméril.
  19. Céline Oberkampf, épouse de Henri Delaroche et mère de Gabrielle Delaroche.
  20. Jeanne Laroze épouse Frédéric Merlhe.
  21. Paul Flandrin.
  22. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 27 février 1878. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_27_f%C3%A9vrier_1878&oldid=42606 (accédée le 5 octobre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.