Mardi 11 et mercredi 12 février 1879

De Une correspondance familiale


Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1879-02-11 pages 1-4.jpg original de la lettre 1879-02-11 pages 2-3.jpg


Mardi 11 Février 1879

Quel beau temps, mon papa chéri ! j’espère que vous avez le même à Vieux-Thann ; malheureusement j’ai peur qu’il ne se change en pluie car c’est l un printemps trop prématuré ; il n’en est pas moins agréable autant qu’il dure, on refait connaissance avec le soleil et on jouit de pouvoir garder sa fenêtre ouverte. Quel dommage que ce soit aujourd’hui Mardi, et qu’on ne puisse pas sortir, je suis sûre que demain pour aller à notre leçon de piano nous pataugerons dans la boue tandis qu’en ce moment il serait si agréable de se promener.

Marie[1] t’a, je crois, envoyé dans sa lettre écrite Dimanche, la lettre de quête de Jeanne Brongniart ; tu ne devineras jamais la manière dont oncle[2] lui paye son offrande : il lui envoie tous les jours quelques sous de sorte que les comptes de cette malheureuse Jeanne vont être très compliqués, mais je crois que ce nouveau mode de paiement doit l’amuser beaucoup, à condition que tout le monde n’est fasse pas autant. La pauvre fille a passé toute sa journée hier dans son lit avec une assez forte fièvre occasionnée par un petit mal de gorge, mais elle va bien aujourd’hui et elle est levée.

Hier nous avons été au cours de physique[3], nous aurons Jeudi la dernière leçon ce qui nous désole car c’est bien intéressant. Ensuite nous avons eu le cours de M. Talbot[4].

Figure-toi que la semaine dernière Eugénie Violet[5] m’avait prêté un petit cahier de chant qui appartenait à une de ses amies, je ne l’ai emporté qu’avec l’assentiment de la propriétaire et la promesse de le mettre le lendemain chez Eugénie Viollet. En effet en revenant du cours d’anglais[6] nous avons déposé le cahier chez le concierge avec l’adresse d’Eugénie, mais elle n’a pas pu le retrouver ; voilà plus de huit jours qu’elle le cherche, sans doute que le concierge l’a égaré ou qu’il s’est trouvé égaré chez Mme Viollet qui donnait ce jour-là une soirée. Tu comprends si cette pauvre Eugénie est ennuyée et si je le suis aussi car enfin si elle ne m’avait pas prêté ce cahier ou si je l’avais monté moi-même chez elle, peut-être qu’aucun de ces ennuis ne seraient arrivés.

J’essaie depuis Dimanche de me faire une autre coiffure en roulant mes cheveux comme faisait Marie il y a quelque temps et comme tante[7] me coiffait pour les dîners du Lundi mais je suis fort loin d’y réussir et je pense que je vais renoncer à cette pénible entreprise.

Mercredi. Que les visites sont donc ennuyeuses ! elles empêchent même d’écrire à son papa. Tante nous a fait descendre parce que Marie Des Cloizeaux était là, et nous n’avons pas pu remonter avant 6 heures. Nous avons vu Mme Fröhlich[8] avec ses filles, Mme Allain[9] et beaucoup d’autres personnes.

Nous avons reçu ce matin ta lettre adressée à moi. Te voilà donc tout seul, mon pauvre père, ou du moins seul à la tête de la fabrique, puisque tu as au contraire du monde chez toi. Quel ennui de savoir tante Marie[10] souffrante, j’espère que ce ne sera qu’une fatigue momentanée. Tout ce que tu me dis d’Hélène[11] m’a bien intéressée et je suis très contente de savoir qu’elle se porte bien. C’est demain qu’elle aura un an. Quel grand personnage ; au fait on ne va plus maintenant compter par mois, mais par années.

Adieu mon père chéri, je t’embrasse de tout mon cœur ainsi que bon-papa et bonne-maman[12].
Ta fille,
Emilie

J’allais oublier de t’annoncer la plus grande nouvelle, M. Gervais[13] est mort Lundi. Voilà donc oncle encore une fois candidat à l’institut. Tout le monde dit qu’il peut être très sûr d’être nommé et il en est lui-même persuadé. Lundi il se trouvait à l’Institut pour parler à un [ ] ont vu oncle lui parlaient déjà de sa nomination comme une chose certaine ; M. Jamin[14] lui a passé un papier où il avait écrit : Le roi est mort, vive le roi ! Il est donc fort probable que les choses marchent pour le mieux. M. Quatrefages[15] se range cette fois-ci de son côté.


Notes

  1. Marie Mertzdorff, sœur d’Emilie.
  2. Alphonse Milne-Edwards.
  3. Cours de physique donné par Emile Fernet.
  4. Cours de littérature donné par Eugène Talbot.
  5. S’agit-il de la famille Violet ou de la famille Viollet ?
  6. Cours d’anglais avec Céline Silvestre de Sacy, épouse de Frédéric Foussé.
  7. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  8. Eléonore Vasseur, veuve d’André Fröhlich et mère d’Adèle et Marie Fröhlich.
  9. Alice Lebreton, épouse d’Émile Allain.
  10. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  11. Hélène Duméril.
  12. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  13. Paul Gervais.
  14. Jules Célestin Jamin.
  15. Armand de Quatrefages.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 11 et mercredi 12 février 1879. Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_11_et_mercredi_12_f%C3%A9vrier_1879&oldid=42497 (accédée le 24 avril 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.