Lundi 9 décembre 1878

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)


original de la lettre 1878-12-09 pages 1-4.jpg original de la lettre 1878-12-09 pages 2-3.jpg


Lundi soir 9 Xbre 78.

Ma chère Marie.

Depuis quelques jours je t’avouerai que j’ai un peu le mal du pays de mes chéries[1], qui cependant sont bien gentilles de m’écrire si régulièrement & si souvent.
Aussi grand Merci pour ta lettre reçue ce Matin vous allez tous bien & n’avez pas le temps de vous ennuyer ce qui est bien heureux.
Ce qui contribue aussi un peu à me trouver un peu plus seul que je le voudrais, ce sont mes yeux que je dois ménager & ne puis plus passer toutes mes soirées à lire comme je le faisais. Passe pour une heure mais il ne faut pas que je prolonge, autrement j’ai mal à la tête de l’œil gauche & comme cela ne se remplace pas, il vaut mieux user de quelques ménagements. Écrire me fatigue bien moins & j’en use.

Ce matin j’ai reçu une lettre de Mme Paul[2] qui se trouve avec son Mari à Ribauvillé chez leur Oncle[3] ; je pense que cette semaine encore ils viendront passer quelques jours avec moi.
Je viens de leur écrire dans ce sens, mes soirées se passeront plus agréablement.
Mme Laroze[4] m’a écrit aussi pour m’annoncer que sa Marie[5] est Mariée depuis quelques jours & est déjà avec son mari de sorte qu’elle se trouve bien seule. C’est elle qui a décidé son père à quitter de suite après le mariage, lui trouvant bien mauvaise mine & son état l’inquiétant. J’espère que ce séjour en Alsace les remontera un peu ; ils ont eu tant de peines & de difficultés depuis qu’ils ont quitté & certes ils n’y étaient pas habitués, trop peu peut-être. Mme Laroze ne sait pas encore ce qu’elle fera de sa personne, elle me dit qu’elle se fait 36 projets. tout naturellement personne n’était à cette pauvre Noce & c’est pourquoi elle ne vous a laissées à la maison, ce qui ne vous a pas grand chagrin je suppose.

Cet après Midi visite à Oncle Georges[6] que j’ai trouvé très bien, il ne tousse plus & passe de bonnes nuits, sans ce temps de neige, sans grand froid, l’empêche de sortir. J’ai fait une assez longue station chez ses bons vieux parents qui paraissent si heureux tous deux dans leurs grands fauteuils chacun un livre ou Journal à la main & se racontant leur lecture.
En rentrant j’ai rencontré Mme Berger[7] qui était seule s’en allant chez Mme Stackler[8] où étaient les filles. Elle s’est informée de vos santés, ce qu’elle n’oublie jamais, & m’a prié de les rappeler à vos souvenirs.

M. & Mme Stoecklin[9] d’Épinal sont en ce moment à la Toussaint à Strasbourg pour suivre un traitement, la malade va déjà un peu mieux, ses douleurs ne sont plus si fortes & M. [Boeskel[10]] leur médecin pense ne pas avoir besoin de faire une opération. Avant de se décider à quitter leur maison d’Épinal il paraît que cette pauvre Dame a beaucoup souffert. L’on ne dit pas si les petites filles[11] sont avec eux ou s’ils sont restés à Épinal.
Jules Heuchel écrit peu, mais il paraît que c’est faute de temps car il prétend que ses camarades d’écoles qui ont l’habitude de fumer leur pipe n’ont pas encore trouvé un ¼ d’heure pour se donner ce plaisir.
Son professeur d’allemand, ancien habitant de Mulhouse officier blessé très grièvement à Reichshoffen, ami des Stoecklin d’Epinal & Mme Stackler, a écrit il dit qu’il se plait beaucoup à l’école, est ravi de la détermination de se faire militaire & fait grandement son éloge. Du reste pour le nouvel an il viendra passer 4 à 5 jours à Vieux-Thann ; les grands-parents[12] sont heureux de le revoir. Ruot[13] qui est son correspondant dit que l’uniforme lui va très bien & qu’il le porte parfaitement. Qui l’aurait cru.
Mme Stackler est à Sélestat mais l’on prétend qu’elle a déjà le mal du pays de son Hélène[14] & qu’elle ne restera pas aussi longtemps qu’elle le pensait.

Je n’ai rien de particulier à te dire de la fabrique si ce n’est que notre Jeune Émile du bureau[15] nous quitte pour se préparer à l’état militaire prussien, il veut encore travailler pour passer l’examen pour le volontariat, je ne sais s’il réussira. Il a déjà son remplaçant, il y a toujours plus de candidats que d’élus lorsqu’une place est vacante.

Heureusement que la couche de neige n’est pas épaisse, mais elle persiste & tout est blanc il ne fait pas froid (-2°) mais le baromètre est bas ! Tu sais que je crains la neige à cause des pauvres chevaux & voitures qui vont à Mulhouse & pour lesquels l’on est toujours inquiet. Léon Marie[16] vont bien ; bonnes nouvelles du Moulin[17] aussi, je pense y aller demain.

Il n’est pas tard ne pouvant lire j’ai commencé ma lettre de bonne heure de suite après mon souper. Je vais aller un peu voisiner. Embrasse bien Oncle & tante[18], Marthe[19] & Émilie & conserve pour toi bons nombres de baisers que ton père t’adresse avec bien grand plaisir & bonheur
tout à toi
ChsMff

J’étais en pantoufles & avais entièrement oublié le Conseil municipal aussi t’ai-je laissée pour les affaires publiques. Il s’agissait d’un nouveau garde-champêtre.

Personne n’a de nouvelles des Zaepffel[20], il faut que j’écrive. M. Henriet[21] vient encore de m’écrire pour me demander de l’argent. S’il continue ainsi sa perte ne sera pas longue ! Cela m’ennuie énormément de ne rien pouvoir dire & de me trouver dans cette affaire. Mais je ne puis refuser.


Notes

  1. Ses filles Marie et Émilie Mertzdorff.
  2. Stéphanie Duval épouse Paul Nicolas.
  3. Léon Girault.
  4. Pauline Nicolas, veuve depuis peu de Jean François Laroze.
  5. Marie Thérèse Laroze a épousé Anatole Richer le 30 novembre 1878.
  6. Georges Heuchel, époux d’Elisabeth Schirmer.
  7. Joséphine André, épouse de Louis Berger et mère de Marie, Hélène et Julie Berger.
  8. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
  9. Jean Stoecklin et son épouse Élisa Heuchel.
  10. Eugène Boeckel (1831-1900), qui dirige le service de chirurgie de l'hôpital de Strasbourg ?
  11. Leurs filles Anna et Marie Stoecklin et petite-fille Jeanne Heuchel ?
  12. Georges Heuchel et son épouse Élisabeth Schirmer.
  13. Henri Ruot.
  14. Hélène Duméril, petite-fille de Mme Stackler.
  15. Émile XX ? (jeune homme engagé pour faire la correspondance en allemand ; voir la lettres du 2 février 1878).
  16. Léon Duméril et son épouse Marie Stackler.
  17. Le Moulin où vivent les grands-parents Duméril (Louis Daniel Constant et Félicité).
  18. Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
  19. Marthe Pavet de Courteille.
  20. Edgar Zaepffel et son épouse Emilie Mertzdorff.
  21. Louis Alexandre Henriet.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Lundi 9 décembre 1878. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_9_d%C3%A9cembre_1878&oldid=61875 (accédée le 15 novembre 2024).

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