Lundi 21 et mardi 22 juin 1875
Lettre de Charles Mertzdorff (Wattwiller et Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
Merci[1], chérie, ma grosse Marie pour ta bonne lettre de ce matin.
Vous avez, à ce que je vois passé une bonne journée chez M. et Mme Grandidier[2]
Rester au cirque jusqu’à 11h mais ce sont des gâteries charmantes & à ce que tu m’en dis je vois que vous en avez joui c’est au mieux.
Non Samedi soir je n’étais pas à Wattwiller d’où je t’écris en ce moment, j’étais au contraire tout seul à la maison à passer une petite soirée toute solitaire. Solitaire n’est pas justement le mot car j’ai toujours quantité de société dans mes journaux. & j’ai toujours fort à faire à me tenir au courant, car depuis que je suis en Cure je me couche régulièrement de bonne heure. Comme il est convenu que je dirai tout ce qui m’arrive, Eh bien je m’exécute & je t’avoue que j’étais de fort mauvaise humeur Vendredi & Samedi heureusement que cela ne dure pas.
Le pourquoi ? le voilà. Après avoir pressé, travaillé beaucoup, l’essai que nous avons fait d’un nouveau chauffage au pétrole n’a pas réussi. Il a fallu l’abandonner. C’était une dépense de quelques mille francs ; mais surtout un arrêt de la nouvelle machine de 3 semaines ce qui est des plus contrariant car elle nous manque énormément nous sommes si en retard avec le travail des rames que les lettres de reproches pleuvent & sont fort désagréables à lire.
Te voilà maintenant au courant de la cause. La voilà passée & j’attends maintenant paisiblement que la chose soit changée & réparée.
Hier dimanche j’ai passé ma matinée au bureau & à la salle de dessin.
L’après dîner j’ai flâné un peu au Jardin, malgré une petite pluie toute fine qui dure déjà depuis quelques jours. Vers les 5h j’ai fait visite à tante Heuchel[3], où j’ai rencontré Mme Berger[4], Mlles Stoecklin[5] étaient chez les Berger. Cette jeunesse[6] travaille ensemble & à ce qu’il paraît s’amuse de même.
Pour les bains de mer rien n’est encore décidé, Mme Berger voudrait aller à la mer principalement pour sa sœur Marie[7] qui n’a plus sa mère[8] pour l’accompagner & qui a une pauvre santé.
J’ai trouvé MmeStoecklin[9] seule chez elle, pour cette raison je suis resté un bon moment avec elle ; aussi était-il près de 7h lorsque je suis rentré.
Je pensais t’écrire dans la journée d’hier puis la soirée & c’est ainsi que remettant toujours je suis arrivé à Wattwiller.
Il y a une 40e de personnes au bain ici – peu d’hommes – les dames forment la grande majorité, mais peu de connaissances & comme en somme j’arrive à 6h pour me mettre à l’Eau, je n’ai que l’heure du souper pour apprendre à connaître les habitants & j’ai la chance d’être à côté de 2 vieilles dames de Mulhouse fort aimables.
Je fais un tour vers 9h de quelques minutes seulement & me voilà dans ma chambre en compagnie d’une bonne lampe, livres & aujourd’hui mieux que tout cela, mes petites chéries[10] que j’aime beaucoup, beaucoup plus que je ne saurais le dire.
En attendant l’heure d’aller se coucher bavardons.
Je suppose que je vous ai dit que Bonne-maman Duméril[11] est à Besançon[12] depuis Jeudi dernier, elle a déjà donné de ses nouvelles qui sont bonnes.
Cependant sa santé demanderait des précautions qu’elle ne se donne pas !
L’on m’a dit hier au soir (MmeBerger) confirmé par d’autres personnes, que notre nouveau Curé[13] est très malade & à ce qu’il paraît il ne voulait pas consulter de médecin.
Autre on dit. Notre ancien curé[14] qui n’a pas de santé, travaille trop ; quelques ennuis aidant, il vieillit, au point à ne presque plus le reconnaître. Je voulais toujours lui faire une visite mais ne l’ai pas fait. Il s’est mis en tête en arrivant à faire visites à tout le monde de maison en maison, protestants, juifs etc. Vois-tu ce travail ? & quel profit peut-il en tirer ?
Depuis fort longtemps je n’ai plus fait de visites aux Henriet, & certes ce n’est pas par malice, hier je comptais partir un peu de meilleure heure pour cela mais le temps était si froid & si mauvais que je n’ai pas bougé de la maison & en semaine je n’ai guère le temps, soupant généralement un peu tard ici.
La sœur de Thérèse[15], l’aînée, est toujours souffrante de rhumatisme, elle a le même mal qu’une dame qui se trouve très bien des quelques bains qu’elle a pris. Je voudrais qu’elle vienne passer une saison ici, pour cela la baigneuse me cherche logement & [ ].
Il est bien déjà 10h passées, mais nous pouvons bien encore un peu bavarder ensemble. C’est si amusant, comme dit Emilie cette chérie de tous.
Si je [vais] faire une bonne saison profitable à ma santé qui n’en réclame pas tant en ce moment, car je vais tout à fait bien, Vogt[16] en profite bien aussi soir & matin il fait bonne chère & ce n’est pas le plus malheureux de cette combinaison de bains.
Depuis ce matin le soleil est revenu & avec lui le bon chaud ce qui permettra de rentrer les foins, car il y en a exceptionnellement peu !
T’ai-je dit que sœur Bonaventure veut organiser un Ouvroir dans son orphelinat, mais un ouvroir à travailler pour la confection ce qui lui permettrait de garder ses filles plus longtemps, si elles peuvent faire suffisamment pour gagner leur vie. Pour cet essai j’ai fait mettre une 50e de Kilos de coupons de côté que je vais donner avec quelques Pièces, si elle réussit je lui vendrai à l’avenir mais il me semble qu’elle voit les choses plus faciles qu’elles ne sont. Mettons qu’elle puisse former quelques couturières il y a encore bien des détails qui manquent & la vente. & suivre les modes etc. etc. [ ] rien, lorsque je serai curieux & très curieux il faudra que je pense à aller faire une visite le Jeudi matin.
Il paraît que Marie Stoecklin qui a continué à prendre des leçons de dessin avec votre ancien maître de Mulhouse, a un très joli petit talent. Les Berger[17] vont aller avec elle tous les Samedi pour ces leçons de dessin & l’on parle d’organiser un cours complet à Willer où votre professeur, dont le nom m’échappe, va passer une journée par semaine.
Il a là une jeune dame Gros qui est dit-on d’une belle force.
En fait d’Art, il paraît que M. Seillière[18] a un tableau exposé au Salon, qui au dire de Léon[19] qui l’a vu, est une fameuse croûte ; C’est aller trop vite car c’est a peine depuis un an qu’il dessine.
Mais il va être 11h & je me couche, bon soir, mais non Chut, vous dormez depuis longtemps.
Vieux-Thann. Mardi matin. Vite encore un bon gros bec, me voilà libre jusqu’à demain soir. Au bain il n’y a plus une chambre de vide & quantité de personnes attendent pour commencer leur saison. Rien de nouveau s’est passé, le temps est chaud mais terne sans soleil & lourd.
Pour moi, tu embrasseras sœurette[20], tantine & Oncle[21]. Bien des remerciements pour le petit P S, de tantine[22].
Notes
- ↑ Papier à en-tête professionnel.
- ↑ Alfred Grandidier et son épouse Jeanne Louise Marie Vergé.
- ↑ Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
- ↑ Joséphine André, épouse de Louis Berger.
- ↑ Anne et Marie Stoecklin.
- ↑ Les demoiselles Stoecklin et Marie et Hélène Berger.
- ↑ Marie André.
- ↑ Marie Barbe Bontemps, veuve de Jacques André, décédée depuis quelques semaines.
- ↑ Elisa Heuchel, épouse de Jean Stoecklin.
- ↑ Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Besançon, où vivent sa sœur et sa nièce marié.
- ↑ Louis Oesterlé, curé de Vieux-Thann de 1875 à 1881.
- ↑ François Xavier Hun, curé de Thann de 1875 à 1891.
- ↑ Thérèse Neeff, domestique chez Charles Mertzdorff.
- ↑ Ignace Vogt, cocher de Charles Mertzdorff.
- ↑ Marie et Hélène Berger.
- ↑ Frédéric Seillière.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Emilie Mertzdorff.
- ↑ Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Voir la lettre du 18 juin.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Lundi 21 et mardi 22 juin 1875. Lettre de Charles Mertzdorff (Wattwiller et Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_21_et_mardi_22_juin_1875&oldid=51816 (accédée le 6 octobre 2024).
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