Jeudi 10 novembre 1881 (B)

De Une correspondance familiale

Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


Fs1881-11-10B pages2-3-Emilie.jpg


10 Novembre 1881

Merci mon Père chéri, pour la bonne lettre que j’ai reçue ce matin et surtout pour les heureuses nouvelles qu’elle contient. Quel bonheur que notre petite Hélène[1] continue à mieux aller ; en effet il faut bien encore attendre une dizaine de jours avant qu’elle n’entre en convalescence mais il est bien à espérer qu’il ne surviendra plus maintenant aucune complication. Combien je plains ma pauvre tante Marie[2] et qu’il lui a fallu du courage pour se séparer de sa fille dans un pareil moment. C’était évidemment un parti très sage mais bien pénible et bien déchirant pour elle. J’ai envoyé tout de suite ta lettre chez Marie[3] afin qu’on ait les nouvelles si oncle Léon n’a pas écrit.

Hier au lieu de notre bon dîner de famille tout simple du Mercredi, il y a eu un grand gala qu’oncle[4] a improvisé subitement la veille. Le commandant du Travailleur, M. Richard[5], étant venu le voir il l’a invité à dîner et a réuni par la même occasion les membres de la commission qui sont à Paris, c’est à dire M. Vaillant[6], M. Perrier[7], M. Fischer[8] et M. Viallanes[9] ce qui, ajouté à la famille, faisait un total de 16 personnes. C’était un vrai grand dîner avec maître d’hôtel, corbeille de fleurs et menus (de ma confection). Marcel et Marie[10] nous ont quittés à 9h1/2 pour aller à l’exposition d’électricité où la Cour des Comptes avait une entrée spéciale et une séance de téléphone. N’y ayant pas encore été, ils n’ont pas voulu perdre cette occasion. Bon-papa et bonne-maman[11] apprenant qu’il y aurait tant de monde se sont récusés pour le dîner. Ils rentrent toujours fatigués après une journée de rangement et bonne-maman aurait été fort ennuyée de s’habiller en rentrant.

Hier j’ai été chez M. Flandrin[12], nous sommes toujours fort peu nombreuses ; ni Jeanne[13] ni Marthe Buffet n’y sont encore revenues ; du reste je ne me plains pas d’avoir un peu d’espace, la foule des mois de Janvier et de Février où on ne peut plus ni remuer ni se procurer un chevalet n’a rien d’agréable.

Que c’est ennuyeux de voir notre pauvre tante Zaepffel[14] encore malade. Elle ne pourra donc pas en sortir cette année ; quand une chose est finie, une autre recommence. C’est désolant. Je vais lui écrire parce que je sais que cela lui fait toujours plaisir, mais je ne lui dirai pas bien entendu que l’oncle Ed.[15] et toi êtes un peu tourmentés et très ennuyés. Il est bien inutile de l’inquiéter.

Adieu, mon père chéri, chéri, je t’embrasse un million de fois. Pourquoi donc étant à Nancy ne ferais-tu pas une petite pointe jusqu’ici, tu seras déjà aux 2/3 du chemin ou plutôt aux 2/3 du temps voyage pour le temps car d’après la carte on ne se douterait jamais qu’il faut plus d’heures pour aller de Thann à Nancy que de Nancy à Paris. N’approuves-tu pas mon idée ? cela ne te fatiguerait pas beaucoup plus, et cela nous ferait tant de plaisir à tous. Ta petite-fille[16] a trois dents que tu ne connais pas !

Émilie

Oncle et tante[17] me chargent de toutes leurs amitiés pour toi ; tu sais bien que cela devrait être dans toutes mes lettres et que si tu ne l’y trouves pas chaque fois, c’est ma faute. Au reste, je pense que tu le devines lors même que cela n’y est pas.


Notes

  1. Hélène Duméril, atteinte de fièvre typhoïde.
  2. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril (« oncle Léon »).
  3. Marie Mertzdorff-de Fréville, sœur d’Emilie.
  4. Alphonse Milne-Edwards.
  5. Le vice-amiral Ernest Richard.
  6. Léon Vaillant.
  7. Edmond Perrier.
  8. Paul Henri Fischer.
  9. Henri Viallanes.
  10. Marcel de Fréville et son épouse Marie Mertzdorff.
  11. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril, qui s’installent rue des Fossés Saint-Jacques.
  12. Le peintre Paul Flandrin.
  13. Jeanne Brongniart.
  14. Émilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel, qui vit à Nancy.
  15. Edgar Zaepffel.
  16. Jeanne de Fréville.
  17. Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.


Notice bibliographique

D’après l’original.

Pour citer cette page

« Jeudi 10 novembre 1881 (B). Lettre d’Émilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_10_novembre_1881_(B)&oldid=42556 (accédée le 18 décembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.