Dimanche 8 avril 1917 (B)
Lettre de Guy de Place (mobilisé) à M. Meng (Fellering)
Scies
Reçu le 12-4-1917
Répondu le 17 Avril 1917
19 Avril 1917
8-4-17
Mon cher Monsieur Meng
Je suis en possession de vos lettres du 31 et du 4. Je réponds d’abord, pour les liquider, à deux questions faciles :
1° Créance Mautter. Puisque M. Meyer a soulevé le remboursement il n’y a plus à hésiter, payez. Seulement je croyais le change beaucoup plus bas que 88[]. En tous cas prenez comme taux de change le taux à la date de la mort de M. Mautter (change officiel à Paris ou Bâle à cette date).
2° Machines de scierie à réquisitionner. Nous ne pouvons pas nous opposer à une réquisition. Vous avez fort bien fait de faire remarquer le Besoin urgent que nous aurons de ce matériel pour nous rebâtir. Mais s’il vient un ordre de réquisition il faudra s’incliner de Bonne grâce. Par contre exiger une réquisition en règles, procès-verbal de l’état du matériel et sa valeur d’achat, reçu du carnet à souche jaune de l’Intendance, etc. D’une manière générale quand il s’agit de réquisitions, quand elles sont en règle, les intérêts ont des chances d’être à peu près sauvegardés. Le cas délicat est la réquisition d’une Machine à moitié « avariée » par le Bombardement auquel cas il faut faire stipuler sur le procès-verbal que la moins value (indiquer sa valeur) est due au feu de l’ennemi.
3° Nordon. Vous me mettez dans un grand embarras, il m’est tout à fait impossible en effet de vous répondre par télégramme, les documents me faisant défaut. De votre lettre et de celle de Nordon je ne puis déduire en effet quelle est la valeur relative des prix proposés par Nordon. Il m’est impossible de conserver avec moi très longtemps notre correspondance. Je me souviens bien que Hochstetter ZWingelstein m’avait proposé de vendre ces machines à un certain prix ; et j’avais je crois répondu que ces prix-là me paraissaient insuffisants, et qu’une machine usagée, mais encore utilisable devait actuellement être vendue à peu près à son prix d’achat avant la guerre, étant donné la hausse générale. Que sont par rapport aux prix d’achat ou par rapport aux anciens prix proposés par ZWingenstein les prix que je trouve dans la lettre Nordon, je n’en sais rien. Il ne m’est donc pas possible d’avoir un avis. Si ces prix se rapprochent des prix d’achat on pourrait accepter l’offre ferme : mais il me paraît difficile d’accepter l’option : avons-nous même encore le droit de vendre, après la visite du contrôleur des forges ? Si les prix sont bons, on pourrait répondre à Nordon que nous voulons bien ne pas les majorer à son égard et laisser notre offre telle quelle étant donné que l’affaire était engagée depuis plusieurs semaine ; mais vous lui direz que nous ferons notre possible nous pourrions même vis-à-vis du contrôleur déclarer que nous avions donné antérieurement priorité à Nordon et que ce matériel ne peut plus être compris dans ce que le service des forges réserve. A Nordon vous écririez par contre que les injonctions de l’administration tout en nous permettant de terminer une affaire engagée ne nous permettraient pas de la recommencer sous une nouvelle forme et de donner une option à échéance. Bien entendu si les prix proposés par Nordon sont mauvais pour l’heure actuelle il n’y a qu’à lui dire que l’administration nous interdit de continuer les pourparlers, mais avant d’en venir là il faut être sûr qu’on arriverait à vendre mieux.
4° Plus délicate encore est la suite à donner à la lettre de M. Poulet[1], je dis la suite pour l’avenir. Mais en somme, aujourd’hui, dans la lettre de M. Poulet il n’est question que d’expertise et d’inventaire. Pour ces deux points la réponse à M. Poulet est donc facile. Nous sommes d’accord pour commencer dès à présent l’inventaire et l’évaluation demandés. Cet inventaire devra tenir compte de la valeur d’achat de l’objet et sa désignation exacte. Si une machine est en bon état encore quoiqu’usagée, pour la remplacer après réquisition il faudra qu’on nous paye la valeur de la neuve : la jurisprudence de la Cour de Cassation est d’ailleurs que les réquisitions soient payées de telle sorte que le propriétaire ne gagne ni ne perde au remplacement de l’objet. Les commissions n’ont donc pas seulement à tenir compte de la valeur d’achat et de l’usure, mais aussi des conditions dans lesquelles il faudra récupérer l’objet.
La commission pourra de même évaluer un lot de ferraille provenant de démolitions de Bâtiments : seulement si nous ne trouvons pas d’amateur au prix des experts, du moment qu’on nous oblige à vendre, il faudra exiger une réquisition car la commission d’expertise [finale] pour les indemnités nous décompterait la valeur des démolitions estimée par les experts et nous répondrait que nous n’avions qu’à nous débrouiller pour vendre à ce prix-là.
Nous ne pouvons pas accepter davantage [d’avoir] à vendre à l’amiable une machine peu abîmée ou encore en bon état, car l’expertise tiendrait compte de l’usure et nous, nous devrons racheter une machine neuve. Dans ce cas encore et à moins qu’on ne nous propose un prix tel que si nous soyons assurés de ne rien perdre, il faudra demander une réquisition avant de répondre ou de soumettre cela à M. Poulet, vous feriez bien d’aller le voir avec M. ZWingenstein pour lui exposer les faits et lui dire que ce que nous cherchons c’est de n’avoir à mériter aucun reproche de nos commettants, étant d’accord sur la nécessité qu’il peut y avoir à ne pas laisser sans emploi ce qui peut être utile à la défense nationale.
Qui proposer comme expert ? M. Zundel est-il encore chez les Scheurer ? Le père Muller-Fichter[2], mais il est mort je crois. N’y a t-t-il personne à Wesserling : voulez-vous me proposer quelques autres noms ? Pour des transmissions, chaudières [Bretchell] à Epinal ? (mais il y en a si peu). Bien entendu Meyer[3] et ZWingenstein devraient assister à toute l’opération.
Je n’ai pas besoin de vous dire que le travail fait avant la guerre par les 2 Boches ne doit en aucun cas être produit et qu’il n’y a pas à y faire allusion. Il faut donc laisser de côté (le terminer, mais ne pas le produire actuellement) le travail commencé sur la demande de [M. Fr.[4]] par Meyer et ZWingenstein : c’est un travail qui est destiné aussi à nous seuls ; ils ces 2 Messieurs profiteront bien entendu des renseignements qu’ils ont pu réunir depuis en le mettant à jour.
Très à la hâte et cordialement à vous.
GP
Notes
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 8 avril 1917 (B). Lettre de Guy de Place (mobilisé) à M. Meng (Fellering) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_8_avril_1917_(B)&oldid=53647 (accédée le 21 novembre 2024).
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