Mercredi 11 avril 1917 (A)

De Une correspondance familiale


Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé)

original de la lettre 1917-04-11A pages 1-4.jpg original de la lettre 1917-04-11A pages 2-3.jpg


11 Avril 17[1]

Mon pauvre Lou,

C’est navrant que tu ne reçoives pas nos lettres et peut-être ne reçois-tu pas davantage mes colis ; je t’ai envoyé :
- le 2 Avril saucisson, sardines, beurre et chocolat
- le 4 fromage, une conserve, 1 couteau, des ciseaux
le même jour par colis recommandé, montre, 2e couteau,
- le 6 un morceau de veau cuit ici
- le 7 un saucisson
- le 10 une boîte de beurre
- le 11 (aujourd’hui) fromage, chaussettes autour, et 2 mouchoirs.
J’espère que tu as commencé à recevoir tout cela.

Ta longue et intéressante lettre du 6 nous est arrivée ce matin et Mme Marc[2] qui en avait reçu de la même date, une où le commandant avait la bonté de parler de toi est venue aussi dans la matinée nous apporter de tes nouvelles.

Nous nous attendons à entendre prochainement parler de vos exploits. Les Anglais qui marchent rudement bien faciliteront votre besogne et vous allez à une victoire certaine, éclatante peut-être ! Les Etats-Unis vont faire bien pencher la balance en faveur de l’Entente et le Brésil paraît devoir entraîner les Républiques du Sud. Ce sera bientôt le monde entier qui sera ligué contre les Allemands. Il faut tout de même qu’ils soient ou aient été rudement forts pour soutenir un pareil effort si longtemps. Les Anglais sont à Fampoux[3], c’est bien près de Douai !... voilà Arras complètement dégagé. Malheureusement les contrées que les boches nous rendent sont si dévastées que l’on tremble pour celles où l’on a des affections ou des intérêts. Le pauvre château de Coucy[4] ! Te le rappelles-tu ? l’Illustration en donne les lamentables restes ! Péronne, Bapaume et tous les villages de la région n’existent plus. Quand pourra-t-on présenter la note à payer à ces barbares ? Cagnicourt[5] va sans doute y passer aussi, on en est bien près !

Lucie Butraille est revenue récemment de Douai. Elle dit que les Parenty n’ont pas l’idée de partir, mais que verront-ils là-bas et qu’auront-ils à souffrir ?

La femme d’Albert Deville fils[6] est revenue aussi, Elise[7] est allée la voir et a su que sa maison continue à être en assez bon état et que le portrait de ton père[8] est respecté jusqu’ici.

Nous avons été voir hier Mme Albert Benoist[9] de Reims (que tu as peut-être vue ou dont tu as vu la fille[10] à la Bourboule) elle est à Lutetia tandis que son mari président de la chambre de Commerce est retourné à Reims à cause du bombardement qui a pris depuis quelques jours des proportions terribles. Nous nous sommes trouvés à Lutetia nez à nez avec la famille Daum avec laquelle déjeunait Michel[11], tandis que nous avions reçu leur Michel[12] la veille. Je t’embrasse tendrement, mon cher enfant. Reçois les amitiés de ton papa et de tous.

Emy

Anne Marie[13] a les oreillons, aucun des autres n’est encore pris. Nous avons reçu ce matin une lettre de Pierre[14] qui est en Alsace dans un secteur si calme qu’il couche sous la tente à 600 m des Boches ! Il s’attend à n’y pas rester.


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Marie Marthe Petit, épouse du Commandant Charles Marc.
  3. Fampoux dans le Pas-de-Calais.
  4. Le 27 mars 1917 le château de Coucy, un ancien château fort en Picardie, est détruit à l’explosif par les armées allemandes qui se replient après 3 ans d’occupation.
  5. Péronne dans la Somme, Bapaume et Cagnicourt dans le Pas-de-Calais.
  6. Louise Collette, épouse d’Albert Deville.
  7. Elise Vandame, épouse de Jacques Froissart.
  8. Damas Froissart.
  9. Jeanne Vincent, épouse d’Albert Benoist.
  10. Madeleine Benoist, épouse de Marcel Waldruche de Montrémy.
  11. Michel Froissart, frère de Louis.
  12. Michel Daum.
  13. Anne Marie Degroote.
  14. Pierre Froissart, frère de Louis.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mercredi 11 avril 1917 (A). Lettre d’Emilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Paris) à son fils Louis Froissart (mobilisé) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_11_avril_1917_(A)&oldid=53380 (accédée le 21 novembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.