Dimanche 31 août 1856

De Une correspondance familiale


Lettre de Caroline Duméril (Paris) à sa cousine Adèle Duméril (Trouville)


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Paris 31 Août 1856

Comme je déteste les excuses (quand c’est moi qui les fais) ma chère Adèle, je m’abstiens de toute explication sur mon long silence envers toi, et je viens tout simplement te dire que ta petite lettre m’a été fort agréable et que je t’en remercie beaucoup.

J’ai reçu ce matin la lettre de ton père[1] et j’ai été refaite en apprenant que mon adresse n’avait pas produit tout l’effet que j’en attendais, c’est égal, j’ai bien fait d’écrire de suite car qui sait si en y réfléchissant j’aurais osé prendre la plume pour m’adresser à un membre de l’Académie[2] etc. etc. etc.

Enfin maintenant que j’ai fait le premier pas, c’est fini, et je crois que je garderai mon courage jusqu’à la fin de mes jours. J’aurais même l’aplomb de l’engager à se calmer à l’article de ce crétin de Saunier. Ce n’est pas lui que l’on a chargé de l’architecture du castel, on l’a tout bonnement et tout simplement prié de rappeler à M. Belœuf[3], qu’on ne trouvait pas, qu’il fallait qu’il renvoyât les ouvriers. Puis on lui a montré qu’on avait tracé la place où doit se trouver la porte ainsi que Champy avait demandé qu’on le fît. Ainsi que ton cher père ne se chiffonne pas ; les bêtises qui n’ont pas eu lieu ne seront pas difficiles à réparer et dans tous les cas papa[4] va chercher à voir Champy.

Voici le beau temps et j’en jouis doublement, pour vous d’abord, puis pour nous, ensuite. Aujourd’hui le soleil est magnifique et je vais revêtir ma livrée rose pour faire quelques visites. Nous commencerons par Félicie[5] qui va bien et qui a Clémence[6] près d’elle, depuis hier ; puis nous irons chez Mme Dunoyer[7] et peut être chez Mme Lebreton.

Rien de nouveau, ici, depuis que je vous ai écrit ; avant-hier soir, nous sommes allés avec bon-papa[8] à Belleville. Hier nous n’avons pas bougé et je suis restée à travailler d’arrache-pied.

Ce matin je suis allée à la messe de 8 heures dite par M. le Curé[9], puis après déjeuner, je viens  d’écrire à Cécile Audouin, à Marie Sauvel et à Mlle Lemoine[10]. A propos de Mlle Lemoine, je lui raconte ta première communion, je crois, que si à ton retour, tu lui écrivais une petite lettre en lui envoyant une image elle y serait fort sensible car tu sais comme elle a gardé de l’affection pour tous ses anciens élèves.

Tous les détails que ton père me donne sur votre vie Trouvillaise nous ont bien intéressés ; je vous plains seulement de rencontrer tant de personnes de connaissance et d’avoir si souvent du Guillon[11].

Je n’ai pas encore reparlé à bon-papa de son voyage à Trouville car il a l’air bien décidé à se trouver encore ici le 8. Ce qu’il a dit Lundi dernier à l’Institut n’a pas été mis dans le compte-rendu. Quant à ce qui est du prince Charles[12] la manière dont il a prié bon-papa de prendre la parole était amicale et il a trouvé lui-même intéressantes les remarques que bon-papa a faites sur son merle.

Si tu n’as pas encore envoyé ta lettre à Antonine[13], je te dirai que tu peux l’adresser chez M. A. de Gérando, directeur (je crois) des contributions à Nancy.

Dis, je te prie, à Léon[14] que je ne pourrai lui écrire que de Montataire car demain et après-demain nous aurons bien des choses à faire mais dès mon arrivée, je m’adresserai à lui. Je crois que si tu écrivais un mot à Julien[15] il en serait bien content, car il a lu avec grand intérêt toutes tes lettres ainsi que celles de Léon. Anna[16] reste pendue dans le gymnase jusqu’au jour de ton arrivée ; il ne lui manque que de tirer la langue pour avoir l’air d’une vraie pendue.

Adieu, ma chère petite Adèle, je t’embrasse bien bien fort, en te priant au nom de nous tous de distribuer autour de toi sans oublier dans le partage, tout ce que nous pensons de plus affectueux.

Encore un bon baiser pour la commissionnaire

Ta vieille cousine

Crol


Notes

  1. Auguste Duméril.
  2. Allusion possible au fait qu’Auguste Duméril vient d’être nommé membre correspondant de l'Académie d'Agriculture de Turin.
  3. M. Belœuf est contrôleur des ateliers du Muséum.
  4. Louis Daniel Constant Duméril.
  5. Félicie Berchère, épouse de Charles Cordier.
  6. Clémence, soit la jeune cousine Clémence Gibassier, soit une domestique.
  7. Clarisse Ghiselain, épouse de Charles Dunoyer.
  8. André Marie Constant Duméril.
  9. Jean Charles Moreau, curé de Saint-Médard.
  10. Mlle Lemoine, institutrice.
  11. La famille Guillon est traitée sur le mode de la plaisanterie par les deux cousines.
  12. Charles Lucien Bonaparte.
  13. Antonine de Gérando Teleki.
  14. Léon Duméril, frère de Caroline.
  15. Julien Desnoyers.
  16. Possiblement Anna Martin, petite-fille de Florimond Duméril (l’aîné).

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 31 août 1856. Lettre de Caroline Duméril (Paris) à sa cousine Adèle Duméril (Trouville) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_31_ao%C3%BBt_1856&oldid=57839 (accédée le 21 novembre 2024).

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