Vendredi 31 mai et samedi 1er juin 1867
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (à Montmorency, rentrant à Paris)
CHERLES MERTZDRFF
AU VIEUX-THANN
Haut-Rhin[1]
Chère petite amie en vous quittant[2] j’avais le cœur un peu barbouillé, aussi étais-je à la gare du nord que j’étais encore avec vous. Mon bagage n’était pas lourd aussi ai-je fait l’économie d’une voiture & suis allé à pied sans aucune fatigue.
A la gare, j’ai trouvé quelques compagnons de voyage de connaissance entre autre Schlumberger le banquier avec lequel j’ai fait route. Voyage peu agréable car je m’éloignais de tout ce que j’aime, mais une chaleur insupportable dans un wagon de complet < > j’étais du milieu, peu d’air etc. etc.
J’ai passé ma nuit sans sommeil <aussi>, la nuit m’a paru bien longue, cependant mes compagnons ont assez bien dormi & à l’heure voulue nous nous sommes trouvé débarqués à Mulhouse où Léon[3] a eu l’amabilité de m’attendre au buffet où nous avons causé un peu de tout ce qui s’était passé pendant mon absence.
Rien de particulièrement désagréable, en fait d’offre le travail ne manque pas à Morschwiller. Sans excès cependant. Bonnes nouvelles des santés de bon-papa & bonne-Maman Duméril[4]. J’avais une petite heure à Déjeuner & causer avec Léon ; cependant une partie de ce temps s’est passé en causeries d’affaires avec le Sous-Préfet[5] que j’y ai rencontré.
En rentrant j’ai trouvé petit Jean[6] < > mes bagages que je n’avais pas & la voiture.
La voiture s’est arrêté devant bonne-Maman[7] qui ne m’attendait pas encore & qui pour me recevoir se faisait belle dans sa chambre. Elle m’a reçu tout en finissant d’agrafer sa robe & force a été de raconter. Tu comprends que l’on a été avide de tout savoir.
l’oncle[8] est monté, lui aussi m’a fait bien des questions & sur tous & sur tout.
J’étais fatigué. Stern m’avait préparé mon bain à 11 h. Je n’ai eu que le temps de quitter la bonne-maman, rentrer chez moi, prendre le nécessaire & me plonger une bonne ½ h. dans l’onde. C’était bon très bon. l’oncle est venu m’y trouver pendant le temps que j’ai passé dans l’Eau. Il devait dîner avec nous, mais en a été empêché de sorte que Mère & fils ont dîné seuls. La pauvre Mère a eu pour toute distraction un < > & du mauvais temps, aussi trouve-t-elle le temps bien long. Mais ne se plaint pas.
Après un bon petit dîner mère & moi ont passé une petite heure au jardin & le billard. Le jardin est beau, bien fleuri. Cependant les rhododendrons sont déjà passés.
Nous avons toujours causé & causé jusqu’à ce que n’en pouvant plus je me suis laissé allé à m’endormir debout. l’on m’a chassé & succombant à ma paresse j’ai eu le courage de dormir dans mon cabinet – jusqu'à 5 h. soir.
Il était trop tard pour t’écrire, j’en étais fort contrarié. Ne pouvant te causer, j’ai fait un tour à la fabrique. J’y ai trouvé les choses bien moins avancées que je ne supposais. Mais il faut prendre les maux comme ils viennent. Tout mon monde est content de me revoir & si ce n’était tant de regrets divers que j’ai laissé à Montmorency j’en dirais autant.
Deux heures sont bien vite passé, à 7 h. j’ai soupé avec ma mère. J’ai vu Thérèse[9] qui avait le temps long, me paraît assez embarrassée de s’occuper.
Je l’ai tirée d’embarras, ayant invité pour Dimanche Morschwiller & bonne-maman & &[10].
Le soir j’ai fait un petit tour dans la maison ; elle est bien vide, bien sonore & creuse. Inhabitable ! j’y resterai le moins longtemps possible.
A l’instant je reçois ta bonne lettre & suis bien attrapé que tu n’en <dises> autant. A juger du plaisir qu’elle me fait, je ne suis pas content de moi. Je pensai bien me reposer une heure & la bête a pris 3 h. de bon sommeil.
Ma tante[11] <bien mieux> est levée, se trouve faible & ne sort pas encore. Son frère qui est souffrant aussi vient prendre 15 jours de repos chez elle. l’oncle Georges, bonne mine, va bien.
Maman de même prend journellement quelques gouttes <d’amère>, elle se plaint toujours de tiraillements d’estomac & constipation, cependant elle a bonne mine & de l’entrain.
l’Oncle Curé[12] va aussi un peu mieux, ce sont l’estomac & le bas-ventre qui le font souffrir, il lui arrive trop souvent de se trouver mal, perdre connaissance. A mon avis, il est bien plus mal qu’il ne s’en doute. Aujourd’hui il ne peut plus sortir de sa chambre sans être accompagné par la bonne ou une autre personne.
Ce matin j’ai déjà fait un bon tour & au jardin & à la fabrique ; j’ai eu la visite de M. <Paul> & de mon adjoint. Les bruits absurdes du Maréchal Randon[13] etc. font le tour de la france les voilà <passés> déjà à Vieux-Thann. L’adjoint en parlait comme chose certaine.
Ma lettre Marie Henriet[14], me dit on, n’a pas bonne mine, son estomac ne va pas, <c’est un commencement> de grossesse bien pénible, les parents[15] vont bien.
Mairel a fait visite à Marianne[16]. M. Maillard est souffrant sa fille va bien mieux. les Kestner sont toujours à < > && A plus tard d’autres détails. J’adresse ma lettre à Paris. tu ne l’auras donc que Lundi ce qui est tard. Mais je crains qu’elle ne te trouve plus lundi à Montmorency
Je reçois une lettre de bon-papa Duméril qui me dit craindre le dérangement ne viendra pas. m’attend mardi prochain à Morschwiller. Il est trop tard de lui écrire ce soir.
Je t’embrasse bien ma petite amie chérie, te priant de distribuer toutes mes amitiés à ton entourage
tout à toi
Charles Mertzdorff
1er Juin midi
Notes
- ↑ En-tête imprimé. L’allusion à la grossesse de « Marie Henriet » permet de situer la lettre en 1867.
- ↑ Charles Mertzdorff vient de passer quelques jours dans la famille de son épouse.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
- ↑ M. Blanquart de Bailleul est sous-préfet de Mulhouse depuis 1864.
- ↑ Jean, domestique chez les Mertzdorff.
- ↑ Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff et mère de Charles.
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Thérèse Gross, cuisinière chez les Mertzdorff.
- ↑ Les Duméril habitent Morschwiller.
- ↑ Élisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
- ↑ Bernard Heuchel, curé de Neuf-Brisach.
- ↑ Possible allusion à la conversion au catholicisme, en 1867, de Jacques César Randon (1795-1871), ancien ministre de la guerre protestant.
- ↑ Marie Henriet, épouse de Léopold Zurcher, enceinte de Marie Zurcher (qui naît le 3 décembre 1867).
- ↑ Louis Alexandre Henriet et Célestine Billig.
- ↑ Probablement Marie Anne Wallenburger, épouse de Melchior Neeff.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 31 mai et samedi 1er juin 1867. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (à Montmorency, rentrant à Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_31_mai_et_samedi_1er_juin_1867&oldid=60098 (accédée le 21 novembre 2024).
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