Dimanche 2 et lundi 3 juin 1867

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Paris)



CHARLES MERTZDOFF 

AU VIEUX-THANN

Haut-Rhin[1]

Je suis sérieusement fâché contre moi-même, <chère> petite amie, en songeant que tu n’as pas encore reçu de nouvelles de moi, que ce ne sera que dans quelques heures que tu auras ma lettre. Il me semble cependant qu’il y a bien bien longtemps que je me trouve seul ici & si je n’avais déjà compté bien des fois, sur mes doigts, je ne croirais jamais, qu’il n’y a que 3 jours que je suis ici.

Samedi Soir & hier matin j’ai fait mon petit compte du mois d’Avril, qui n’était pas prêt à mon départ. Il se trouve être très satisfaisant. Mai le sera un peu moins, mais doit être bon aussi.

La marche de l’usine est régulière je n’ai jusqu’à présent pas eu d’ennuis.

Si tout continue ainsi, je ne serai pas long à me remettre en route. Cependant ma présence n’a pas été tout à fait inutile pour me préparer la possibilité d’une nouvelle absence.

Au reçu de la lettre de bon-papa Duméril[2] j’ai envoyé un Télégramme pour les engager de venir.

J’ai passé ma soirée avec bonne Mère[3] & tout en causant, sans lumières, nous causions encore à 10 ½ h. J’ai passé une petite heure au bureau ; il était Minuit lorsque je me suis couché. Premier excès.

Réveillé d’assez bonne heure, je me suis mis au travail dès 7 h. lorsque la famille Duméril[4] est arrivée, elle m’a trouvé avec M. Legay mesurant la salle à Manger, dont tu auras le plan Mercredi matin.

Nous avons beaucoup causé de vous tous, bonne-Maman[5] nous a quittés pour la cuisine & n’a reparu qu’à Midi. C’est elle qui a fait à ce que l’on m’a dit depuis la femme de chambre.

Les Duméril, ma mère, Georges[6] étaient mes convives. Le dîner était bon & gai. L’on a bu à la santé des absents.

Descendus au billard l’on a pris le café l’on a causé très aimablement & gaiement jusqu’à 4 h. Tout le monde y compris ton Mari sommes allés faire visite à Tante Georges[7] que nous avons trouvée en causette avec Mme Berger[8]. Elle porte toujours un bandeau souffre plus ou moins & se sent très faible pas d’entrain cependant il y a journellement du Mieux.

Chez Mme Berger il y a grande joie d’avoir reçu une lettre de Mimi[9] que l’on ne croit pas être d’elle seule. L’on me dit que Hélène[10] a déjà fait un brouillon, qui attend copie pour y être adressé à son amie Founichon[11].

M. Berger doit quitter cette semaine pour Paris, il ne serait pas impossible que nous fassions le voyage ensemble.

Maman & moi avons fait une petite promenade au Jardin le soir, le temps est délicieux pas de vent & après une chaleur comme il en fait une, l’on jouit davantage le soir. Aussi Catherine[12] est venue nous trouver pour le souper, nous nous étions oubliés il était près de 8 h. J’ai encore passé un petit moment au bureau & sagement me suis couché à 10 h.

Voilà ma chère petite Eugénie tous mes faits & gestes dans leurs plus grands détails.

Maman est ravie des 2 bouquets que les Enfants lui ont adressés. Les petites roses, les roses jaunes, les verveines, etc., etc. elle veut de <tout>

Le jardinier[13] aussi & rien n’est aussi beau ici.

Je ne pense pas possible d’acheter des plantes maintenant, ce sera pour cet automne. Pour cela tu donneras ta procuration illimitée à notre bon François[14] qui se chargera volontiers de cela.

Je comptais écrire à mes petites filles aujourd’hui mais le temps me manquera ; ce sera pour ce soir. Bonne-maman[15] a reçu la petite lettre qui a été de Mimi qui a été lue avec grand plaisir par bonne-Maman Duméril & bon-papa.

Ma mère a eu le plus grand plaisir avec cette lettre & celle de ma petite Nie.

Ma pauvre Mère va bien, très bien ; mais a le temps si, si long après tout ce qui nous manque à tous, qu’elle m’engage très sérieusement à ne pas rester trop longtemps ici pour ramener d’autant plus tôt nos vagabonds. Elle ne comprend pas qu’il n’y a que 3 semaines & que 3 semaines encore < > se priver.

Émilie & Edgar[16] n’iront pas à Paris, c’est décidé, la première se propose de venir passer quelques jours à Vieux-Thann & voudrait bien avoir quelques jours sa mère chez elle.

Thérèse[17] a essayé sa conserve d’asperges ; au dire de ma mère, cela réussit, elle en fait, mais la saison est passée. Elle doit se mettre à faire subir la même opération aux petits pois.

Tu n’auras pas ton < > comme il l’avait promis.

J’ai reçu une lettre de M. Charles Zurcher à propos de Wattwiller ; je me décide me faire conduire à Cernay aujourd’hui à 1 ½ h. Georges vient avec moi, nous irons probablement à Wattwiller où je suis curieux de voir les nouvelles constructions. En voiture découverte.

Depuis mon retour. beau temps. aujourd’hui vent qui doit nous donner de la pluie. Le Baromètre descend. l’on est ici en pleine fenaison. La place nous manque pour rentrer ces récoltes je vais être forcé de faire un hangar provisoire pour cela.

Voila bien du griffonnage & l’on dit que je ne suis pas assez bavard ???

je t’embrasse bien

J’accepte (bien fort) les amitiés de tante Aglaé[18]. Me garde bien de te charger de payer mes dettes, comptant bien le faire moi-même (& en nature).

Tu voudras bien embrasser bien fort les enfants pour moi tous les nôtres & conserver un petit bec pour toi de ton Charles Mertzdorff

Lundi Matin.

Je laisse la lettre ouverte peut-être me restera-t-il un petit moment pour continuer ma petite causerie.

J’ai bien fait d’allonger mon papier, cela me permet de te dire que j’ai reçu ta bonne lettre & celle de ma petite Founichon qui est charmante & je l’embrasse bien.

Pour ce qui est du ménage ici : Petit Jean[19] prépare les bouteilles pour Eau de Bussang[20], que ma mère réclame, Catherine fait de même. Je déjeune chez moi Dîne & soupe avec Maman. Thérèse prend son café le soir chez elle. Je ne vois pas cette dernière, trouve tout en ordre matin & soir, dans la journée ne monte pas.

Pour ce qui est du foyer Georges a été chez le mécanicien à Mulhouse il ne l’a pas rencontré mais rien n’était encore commencé.


Notes

  1. En-tête imprimé.
  2. Louis Daniel Constant Duméril, à Morschwiller.
  3. Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff.
  4. Louis Daniel Constant, son épouse Félicité Duméril et leur fils Léon.
  5. Félicité Duméril.
  6. Georges Heuchel.
  7. Élisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
  8. Joséphine André, épouse de Louis Berger.
  9. Mimi, Marie Mertzdorff, fille de Charles.
  10. Hélène Berger.
  11. Founichon, Émilie Mertzdorff, fille de Charles.
  12. Catherine Ritzenthaller, cuisinière chez Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff.
  13. Probablement Alphonse Payot.
  14. François, domestique chez les Desnoyers.
  15. Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff.
  16. Émilie Mertzdorff, sœur de Charles, et son époux Edgar Zaepffel.
  17. Thérèse Gross, cuisinière chez les Mertzdorff.
  18. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards et sœur d’Eugénie.
  19. Jean, domestique chez les Mertzdorff.
  20. Bussang est une station thermale au sud-est de la Lorraine, aux confins de l'Alsace.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 2 et lundi 3 juin 1867. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à son épouse Eugénie Desnoyers (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_2_et_lundi_3_juin_1867&oldid=60097 (accédée le 25 avril 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.