Vendredi 30 mai 1873
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
Vieux-thann le 30 Mai 73
Ma chère Marie
Je vous ai écrit très à la hâte de Senones, depuis vous n'avez pas reçu de mes nouvelles & cependant je suis de retour depuis Mercredi soir 10 h. c'est à dire d'avant-hier. hier je me suis occupé de la fabrique & ai laissé passer l'heure du courrier c'est à peine si j'ai pu écrire un petit mot à l'Oncle Alfred[1] qui me demandait un renseignement que je n'étais pas à même de donner.
Par vos lettres que je lis comme vous le savez avec le plus grand plaisir, je vois que vous allez tous bien & que vous avez bien joui de vos vacances grâce à la tante[2] qui vous donne son temps & ne craint pas la peine pour vous faire plaisir. Vous pouvez l'embrasser de bon cœur & remercier Dieu qu'il permette qu'elle puisse ainsi s'occuper de vous. Et l'oncle[3] a bien aussi droit à toutes nos prières.
Comme je vous l'ai dit Léon[4] a fait le voyage avec moi. Tu sais que c'est toujours une bonne corvée & par le fait un voyage très fatiguant & ennuyeux. il faut 11 heures pour aller d'ici à Senones & changer 6 à 7 fois de voitures.
Nous avons quitté ces Messieurs Seillière[5] à temps pour prendre le chemin de fer mais comme le temps nous manquait pour dîner en route, nous avons dîné à midi avec un morceau de pain veau entre du pain c'était notre seul repas jusqu'à 10 h du soir où j'ai trouvé de quoi réparer le jeûne forcé de la journée.
Bonne-maman[6] va bien, je viens de recevoir une lettre d'elle m'invitant à aller passer les deux jours de fête à Morschwiller. L'oncle & tante Georges[7] allant chez les Stoecklin Dimanche je compte les accompagner & passerai ma journée avec vos bons parents[8] mais je rentrerai le soir & passerai bien tranquillement ma journée de Lundi à la maison.
Le temps est toujours froid, couvert & souvent de la pluie, ainsi pendant bonne partie de notre course dans les Vosges nous avions de la pluie. De la plaine l'on voit encore quantité des plus hautes montagnes couvertes de neige comme les glaciers suisses.
Je viens de faire un tour dans le potager que je n'avais pas encore vu. Les soins ne manquent pas, mais la végétation est arrêtée, rien ne pousse & produira peu, il en est de même dans les campagnes.
A l'instant je reçois ta bonne lettre d'hier, je ferai tes petites commissions & dans ma prochaine je te dirai si j'ai trouvé les divers que tu me demandes.
Je crois, comme toi, que vous aurez du plaisir à votre cours d'été[9] & que vous serez bien préparées pour l'hiver prochain, surtout parce que vous êtes peu nombreuses je crois que vous vous amuserez davantage.
Mme Berger[10] est allé hier voir ses filles[11] à Kientzheim à ce que m'a dit l'Oncle[12]. Il paraît cependant que ces dames du Sacré-Cœur seront forcées de quitter l'Alsace & l'Allemagne. Je saurai un peu plus dans 2 jours & vous en informerai.
Thérèse[13] me dit que son père[14] a été appelé devant le Juge de Paix pour s'entendre condamner à 20 F d'amande pour ne pas avoir fait entrer son fils dans l'armée Prussienne. Il est probable que ces Messieurs les Allemands y reviendront à la charge et feront payer ces pauvres gens chaque année un peu plus.
Hier au soir j'ai eu la visite du Kreis director[15] de Thann qui est venu me voir à cause du grand pont qui est à refaire. Le pauvre homme est bien triste aussi, il a une vieille cousine à lui qui élève ses petits enfants.
Je n'ai pas encore vu sœurs Félicité ni Bonaventure mais j'espère avoir le plaisir de leur causer avant mon départ.
Monsieur Conraux[16] ne va toujours pas beaucoup mieux, il est toujours bien souffrant. L'on dit beaucoup de bien du docteur Allemand qui est à Thann ; il est très bon pour les pauvres.
Tu remercieras tante du petit papier[17] que ta lettre contenait, je vais immédiatement m'occuper de la triste mission.
Nanette[18] me demande journellement des nouvelles de toutes & ne veut pas que je l'oublie auprès de vous ainsi que Thérèse. Les deux trouvent le temps bien long à être ainsi seules sans beaucoup d'occupations.
Je te charge spécialement de faire mes meilleures amitiés à M. Edwards[19], d'embrasser Oncle & tante[20], bonne-maman & bon-père[21].
sans oublier Cécile[22] que nous aimons bien.
un bon bec à Emilie[23] & pour toi chérie aimée ton affectionné père
Charles M.
Je trouve que je fais bien peu de chose ici & que j'avance bien peu dans ce que je voulais faire.
Notes
- ↑ Alfred Desnoyers.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Le pluriel désigne probablement Frédéric Seillière et son associé Charles Vincent.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Georges Heuchel et son épouse Elisabeth Schirmer.
- ↑ Louis Daniel Constant et Félicité Duméril, grands-parents de Marie et Emilie Mertzdorff.
- ↑ Cours des dames Boblet-Charrier.
- ↑ Joséphine André, épouse de Louis Berger.
- ↑ Marie et Hélène Berger, pensionnaires au Sacré-Cœur de Kientzheim.
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Thérèse Neeff, domestique chez les Mertzdorff.
- ↑ François Neeff.
- ↑ Kreis director, l’équivalent d’un sous-préfet.
- ↑ François Joseph Conraux, médecin à Thann.
- ↑ Feuillet non conservé.
- ↑ Annette, cuisinière chez les Mertzdorff.
- ↑ Henri Milne-Edwards.
- ↑ Aglaé et Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Jeanne Target et son époux Jules Desnoyers.
- ↑ Cécile, bonne des demoiselles Mertzdorff.
- ↑ Emilie Mertzdorff, petite sœur de Marie.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 30 mai 1873. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_30_mai_1873&oldid=51779 (accédée le 21 novembre 2024).
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