Samedi 25, dimanche 26 et lundi 27 mai 1872

De Une correspondance familiale


Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)

original de la lettre 1872-05-25 pages 1-4.jpg original de la lettre 1872-05-25 pages 2-3.jpg


Vieux-Thann

25 Mai

Ma chère petite Gla,

Tout en dictant à Marie[1] je vais essayer de causer avec toi. D'abord je veux te remercier de la rapidité avec laquelle tu as fait mes commissions chez Nyon[2]. J'ai reçu hier le Drioux[3] et le tableau,

maintenant je désirerais encore recevoir par la même voie : Une petite histoire de France de Gillet Damitte. Ce sont quelques feuilles Mme Charrier[4] m'avait écrit qu'elle m'enverrait ce petit paquet avec sa lettre, je ne l'ai pas reçu et ne veux pas le lui réclamer, c'est aussi chez Nyon.

(Lundi matin le petit livre d’histoire de France que je te demandais vient de m'arriver.)

Les autres livres dont je t'avais donné la liste sont : Boniface[5] Mosaïque littéraire

Le Brun[6] ouvrages en 4 volumes

Je n'en suis pas pressé.

1h Nous n'avons toujours rien de décidé par rapport à notre voyage à Paris. Le temps est toujours horrible, inquiétant même, la pluie ne cesse de tomber, et la campagne qui était magnifique pourra ne rien donner si cela continue ainsi. La grêle a fait quelques torts dans les champs, mais c'est localisé d'une façon très curieuse. Jeudi nous sommes allés à la Ferme Zurcher[7] et nous avons pu voir les tristes effets de la grêle ; les fleurs, légumes, blés qui se sont trouvés sous le phénomène sont littéralement hachés ; mais c'est peu.

Nous ne savons rien de plus de l'Asile, Charles[8] va récrire à M. Zweifel[9] pour lui demander s'il a eu une réponse. T'ai-je dit que j'avais reçu une bien trop gentille lettre de Louise[10] au sujet des petits objets des enfants que tu lui as portés ; remercie-la pour moi en attendant que je lui écrive. Les lettres de Jeanne et de Marthe[11] ont fait notre admiration, surtout celle de Jeanne.

Je comprends que tu aimes à t'occuper de tes pauvres et de tes vieux puisque tu sais si bien réussir, c'est la plus douce occupation.

Jeudi nous avons repris notre école de couture ; Marie[12] a sous sa surveillance 5 nouvelles petites filles, tu devines si cela l'amuse.

On a repris sérieusement les études, c'est une nouvelle joie ; hier à dîner Emilie[13] nous a bien fait rire ; nous disions qu'elle fait beaucoup de progrès en piano, et aime la musique, alors on a entendu un gros soupir et une petite voix qui disait : « oui je l'aime beaucoup et quand je serai grande j'en ferai beaucoup. Mais, ce qui est malheureux c'est que Jean[14] ne l'aime pas, il s'endort quand je joue ! »

Dimanche 6h ½

Ma lettre n'est pas partie hier, je veux te dire un petit bonsoir avant de la fermer. Aujourd'hui nous avons eu les Duméril[15], on a bien parlé de toi, bonne-maman était toute contente de savoir que ses chaudes pantoufles t'ont servi.

7h ½ Nous avons soupé, je viens de lire mon petit Industriel. Je pense que tu as lu le second Discours de M. le duc d'Audiffret Pasquier[16] il vaut la peine, ça fait plaisir.

La dent d'Emilie ne pousse guère encore et nous attendons pour décider notre venue chez vous. Charles aura peut-être à aller à Nancy. Je doute que les locataires viennent encore, pauvre mère[17], c'est ennuyeux, elle s'est donné tant de peine, et puis elle se reprochera ses sorties cet été si la grande maison n'a pas de locataire.

Remercie-la cette bonne mère pour la lettre que j'ai reçue après le départ de mon griffonnage. Embrasse-la bien pour moi.

Marie et Emilie t'embrassent bien fort.

En lisant toutes ces réclamations des places de défense c'est toujours à notre Julien[18] qu'on pense, pauvre chéri, que je comprends maman. Adieu, mille amitiés.


Notes

  1. Marie Mertzdorff.
  2. Les Nyon, libraires parisiens depuis le XVIIIe siècle.
  3. Claude Joseph Drioux, Cours abrégé d'histoire ancienne.
  4. Caroline Boblet, veuve d’Edouard Charrier.
  5. Alexandre Boniface, Une Lecture par jour. Mosaïque littéraire, historique, morale et religieuse composée de 365 pièces extraites des prosateurs français, anciens et modernes..., 1865 (4e éd.).
  6. Possiblement Philippe-Alexandre Le Brun de Charmettes (1785-1850?), Études françaises de littérature et de morale, extraites des ouvrages en vers et en prose des grands écrivains des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles...
  7. Ferme vendue par Charles Mertzdorff à Alphonse Zurcher.
  8. Charles Mertzdorff.
  9. J. G. Zweifel, directeur de l’asile agricole de Cernay.
  10. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  11. Jeanne et Marthe Pavet de Courteille.
  12. Marie Mertzdorff.
  13. Emilie Mertzdorff.
  14. Le petit Jean Dumas.
  15. Félicité Duméril (« bonne-maman ») et son époux Louis Daniel Constant Duméril.
  16. Edme Armand Gaston d'Audiffret-Pasquier (1823-1905), « Discours prononcé par M. le duc d'Audiffret-Pasquier, président de la Commission des marchés, aux séances des 4 et 22 mai 1872, à l'Assemblée nationale ».
  17. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers, cherche à louer une des maisons à Montmorency.
  18. Julien Desnoyers (†).

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 25, dimanche 26 et lundi 27 mai 1872. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_25,_dimanche_26_et_lundi_27_mai_1872&oldid=35532 (accédée le 28 mars 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.