Samedi 16 février 1878 (A)

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1878-02-16 (A) pages 1-4.jpg original de la lettre 1878-02-16 (A) pages 2-3.jpg


Du cours 16 Février 1878.

Nous avons bien ri hier, mon Père chéri, en voyant d’après ta lettre[1] la manière bizarre dont tu avais appris la naissance de ta nièce[2] et nous te remercions mille fois des nombreux détails que tu nous donnes. Émilie voulait absolument écrire aujourd’hui à tante Marie[3] ou à oncle Léon mais la malheureuse a eu énormément à faire jusqu’au moment de partir au cours et la voilà maintenant en leçons jusqu’à 6h car après le cours de français il y a le cours d’anglais nous ne pourrons même rien faire ce soir car nous avons l’intention d’aller à la Sorbonne entendre M. Boissier[4] ; cela t’étonne sans doute car c’est aujourd’hui que devait avoir lieu le bal de Mme Bureau[5] mais il a été remis à huitaine à cause de l’enterrement de M. Claude Bernard, qui s’est sera donc le 23 et j’ai eu à ce sujet une idée qui me paraît excellente ; si tu venais un peu plus tôt pour y assister, qu’en dis-tu ? Nous avons l’intention de nous y amuser beaucoup mais que serait-ce donc si tu étais avec nous ? Émilie viendra aussi.

Puisque je suis à te parler bal il faut que je te raconte comment s’est passée ma soirée de Jeudi. J’avais toujours ma même robe blanche à laquelle on avait remis un corsage et des franges neuves et au lieu de marguerites j’avais dans les cheveux des fleurs de pommier roses. Émilie, qui s’intitule ces jours-là la petite Cendrillon, m’a servi de femme de chambre. Oncle[6] est venu avec nous et nous a laissées chez Mme Wurtz[7] pour aller voir un M. qui l’avait invité seul ; nous arrivons, on était en train de faire de la musique Mme Wurtz nous reçoit à la porte et nous fait entrer dans un 1er petit salon qui était déjà plein de monde ; le morceau continue et on arrive toujours, plus de place, impossible d’entrer ; enfin le flot pénètre dans le grand salon où il faisait une chaleur étouffante et où il y avait déjà beaucoup de monde au bout d’un instant il ne restait plus de place pour une chaise. On nous fait beaucoup de musique plusieurs personnes ont chanté enfin à minuit moins le quart j’ai senti quelqu’un qui me frappait sur l’épaule c’était oncle qui venait nous chercher ; les jeunes filles ont cherché à nous retenir disant qu’on allait commencer à danser mais je suis sûre qu’au fond elles étaient ravies que nous fassions un peu de place car je ne sais pas où elles comptaient danser. Nous sommes remontés en voiture, ce qui était peu agréable par la pluie et par la boue, et nous sommes allés chez Mme Thénard[8] ; beaucoup de personnes étaient parties déjà aussi était-ce charmant ; j’ai retrouvé Mlles Gosselin[9], Orfila[10] et Riche[11] et je me suis beaucoup amusée car on pouvait danser à son aise et les jeunes gens étaient en nombre suffisant ; nous n’y sommes pas restés longtemps à 1h1/2 on a parlé du cotillon et alors nous nous sommes enfuis. Je crois qu’il sera resté fort peu de monde. La fiancée de M. Thénard[12] est charmante. La concurrence entre lui et les Wurtz continue, les 2 mariages auront lieu le même jour et à la même heure. La nièce de Mme Wurtz, Mlle Oppermann[13] épouse un capitaine d’artillerie.

Comme nous sommes rentrés relativement de bonne heure et que j’ai fait grasse matinée je n’étais pas fatiguée du tout hier, malgré le temps lourd et mou qu’il fait en ce moment.
J’ai apporté avec moi une quantité de devoirs à faire quoique cela ne m’amuse guère de venir travailler ici il me manque généralement la ½ de ce dont j’ai besoin.

Adieu, mon cher Papa, je t’embrasse bien fort.
ta fille qui t’aime beaucoup,
Marie

Emilie t’a dit sans doute que Cécile[14] avait été appelée dans son pays par la maladie de sa mère[15] ; nous avons reçu une lettre d’elle ce matin il paraît que sa mère va beaucoup mieux et Cécile dit qu’elle reviendra la semaine prochaine.


Notes

  1. Lettre adressée à Émilie, sœur de Marie Mertzdorff.
  2. Hélène Duméril, petite-nièce de Charles Mertzdorff.
  3. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  4. Gaston Boissier.
  5. Marie Decroix, épouse d’Édouard Bureau.
  6. Alphonse Milne-Edwards.
  7. Constance Oppermann, épouse de Charles Adolphe Wurtz.
  8. Fanny Derrion Duplan, épouse de Paul Thénard.
  9. Adrienne Gosselin.
  10. Paule Anne Gabrielle Orfila.
  11. Jeanne Marthe Aimée Riche.
  12. Arnould Thénard épouse Marguerite Devrez.
  13. Jeanne Sophie Oppermann épouse Édouard Laffon de Ladebat.
  14. Cécile Besançon, bonne des demoiselles Mertzdorff.
  15. Marguerite Besancenez, veuve de Pierre Joseph Besançon.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi 16 février 1878 (A). Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_16_f%C3%A9vrier_1878_(A)&oldid=60695 (accédée le 21 novembre 2024).

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