Samedi, été 1865

De Une correspondance familiale


Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris)



Ma chère petite Gla,

Les guipures sont arrivées et tante Georges[1] est enchantée et me charge de te remercier pour ta peine. Maman Mertzdorff[2] continue à admirer son manteau et le trouve toujours parfait de qualité et de forme. Et moi, je suis toujours très satisfaite de ma correspondante parisienne ainsi les pratiques te sont conservées.

Samedi 11 h 1/2 le petit paquet, de gants et ceintures, arrive, merci encore pour ta peine, tout me paraît très bien. Cécile[3] est déjà en possession de la boucle et Mimi[4] a été bien contente de la lui donner[5].

Jeudi en rentrant de Morschwiller, j'ai trouvé ton petit mot et ta lettre à Mme Duméril[6] (que j'ai lue par parenthèse et dans laquelle j'ai appris que j'avais eu tort d'envoyer ma lettre à Montmorency, que mes chers parents[7] étaient rentrés à Paris). J'ai de suite envoyé ta lettre à Morschwiller, elle aura fait bien plaisir. Quelle vie agitée tu mènes ! et tu trouves encore le temps de dessiner, mais c'est admirable ! Et puis tu ne me parles pas du bien que tu fais ; tu sais bien combien je m'intéresse à tout ce que tu fais. Pauvre Rose comme elle a dû souffrir et quel bonheur que tu aies pu obtenir pour elle une place dans la maison de la rue de l'épée de bois[8]. Car pour ses pauvres enfants qu'auraient-ils pu faire !

J'ai reçu hier la bonne lettre de maman. Quelle joie pour nous d'aller au-devant d'elle ! dans un mois, elle m'arrivera. Réellement crois-tu possible que tu nous reviennes aux vacances avec Alphonse[9] ?

Je ne me rappelle pas du tout avoir entendu parler de demoiselles à Lille parentes ou amies des Constant Duméril[10], je crois plutôt que ce doit être une famille amie de Mme Auguste[11], aussi Maman peut être sûre que le premier mouvement de Mme Constant sera d'écrire à sa sœur ; mais si cette demoiselle peut être convenable pour Alfred[12] ce n'est pas un motif pour ne pas en parler, aussi dans le courant de la semaine prochaine je verrai bonne-maman Duméril[13] à ce que je pense, et je m'en entretiendrai avec elle ; si vous savez quelque chose d'ici là écrivez-moi.

Pour ma robe grise que Mme Bourrelier a à faire je crois que j'aimerais bien un petit zouave[14] comme toi, Mme Zaepffel[15] et tout le monde en portent, en faisant un gilet pour mettre avec, c'est commode d'avoir une robe à pouvoir porter sans corset et celle-ci conviendrait très bien pour cela. Car en ce moment je garde ma robe de chambre, les bains m'ont amené des petites rougeurs sous les bras qui me cuisent lorsque mes entournures de robes frottent et puis il faut faire comme tout le monde. Pour les garnitures ne me fais pas mettre de ces galons imitant la broderie cachemire, Emilie a une très jolie robe ainsi garnie que tout le monde a trouvée affreuse, déguisement etc. Tu connais nos goûts, j'aimerais bien qu'Herluison me fît une paire de brodequins tout cuir, non vernis, à talons pour les promenade tu sais. Adieu, ma Gla chérie, je t'embrasse bien fort, maman aussi sans oublier vos chers messieurs. Charles[16] et les founies[17] vous envoient aussi je ne sais combien d'aimables choses.

Sœur <affectionnée>

Eug. M.

Vous devez être aujourd'hui chez < > à Louveciennes, vous avez sans doute mauvais temps, il pleut < > en dépit de notre zouave qui persiste à ne pas remettre son capuchon. Tes petits oiseaux vont bien, il y en a encore 6 et autant de petits serins, mais je comprends que tu n'aies pas pu conserver dans la chambre les oiseaux à cause des odeurs, aussi nous admirons ceux-ci mais nous n'en augmentons pas le nombre. Demain nous dînons avec les Zaepffel chez Mme Mertzdorff[18]. C'est la fête ici, quel temps pour les <danses> mais c'est si bon pour la terre que chacun se réjouit.


Notes

  1. Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
  2. Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff et belle-mère d’Eugénie.
  3. Cécile, bonne des petites Mertzdorff.
  4. Marie (Mimi) Mertzdorff.
  5. Cette allusion à la réception des gants et boucles permet de situer cette lettre après les demandes qui en sont faites : lettres du mercredi et du dimanche.
  6. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  7. Jeanne Target et son époux Jules Desnoyers.
  8. Communauté des Filles de la Charité, dont la supérieure était sœur Rosalie.
  9. Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers.
  10. Félicité et Louis Daniel Constant Duméril.
  11. Eugénie Duméril, épouse d’Auguste Duméril et sœur de Félicité.
  12. Alfred Desnoyers, frère aîné célibataire d’Eugénie et Aglaé.
  13. Félicité Duméril.
  14. Blanche de Sérigny, dans son article « Modes » du Conseiller des Dames et des Demoiselles (novembre 1862) décrit ainsi la veste zouave, vêtement d'intérieur : veste « fort courte, c'est-à-dire à peine plus longue que la taille », « en drap ou en velours, posée simplement sur le corsage de robe, ou sur un gilet, ou mieux encore sur une chemisette plissée, ce qui donne beaucoup d'élégance à la toilette ».
  15. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel, appelée « Emilie » plus bas.
  16. Charles Mertzdorff, époux d’Eugénie.
  17. Marie et Emilie Mertzdorff, filles de Charles.
  18. Marie Anne Heuchel, veuve de Pierre Mertzdorff.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Samedi, été 1865. Lettre d’Eugénie Desnoyers, épouse de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa sœur Aglaé, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi,_%C3%A9t%C3%A9_1865&oldid=51740 (accédée le 22 décembre 2024).

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