Mercredi 28 octobre 1812

De Une correspondance familiale


Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son mari André Marie Constant Duméril (Orléans)


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215 T

Paris 28 Octobre 1812

Si tu as éprouvé quelque plaisir bon ami à recevoir une lettre de moi, écrite la veille j’ai bien éprouvé la même sensation ; je n’en revenais pas d’avoir déjà une réponse à ma lettre, et il me semble presque t’avoir déjà là, en te sentant aussi près de moi ; cependant je trouve bien que lorsque tu y seras réellement, et que je recevrai tes caresses, et que tu bien recevras les miennes, ce sera bien plus doux encore. D’après le bon effet qu’Henry[1] parait compter que fera sur nous la propreté de notre appartement, il parait qu’il s’est bien évertué à le bien nettoyer et ranger de partout, et que la cuisine n’a pas été plus oubliée que tout le reste, ce qui me fait grand plaisir, car la molle fanchette[2] ne l’avait guère laissée plus propre qu’elle ne la tenait ordinairement ; Tu trouveras là, la cuisinière tout établie puisque elle y demeure depuis quinze jours. Puisque tu crois arriver samedi matin, je t’attendrai ici rue favart[3] pensant qu’il sera plus prudent de faire la course avec toi, puisque la secousse du trajet, un peu plus de fatigue que je prendrai nécessairement ce jour-là, pourraient déterminer l’accouchement à mon arrivée chez moi. Ce serait bien joli que tu arrivasses assez tôt pour venir déjeuner avec nous à 10 heures ou 10 heures et demie qui est le moment accoutumé ; Je ferai préparer à dîner à l’Estrapade où nous retournerions dans la matinée. Je compte régler mes comptes avec Papa vendredi dans la matinée journée, et envoyer tous nos paquets par la bonne[4] samedi de bonne heure. Mes Parents veulent que je te dise qu’il faut qu’ils t’aiment autant qu’ils le font pour se réjouir de ton retour, puisque tu viens leur enlever leur enfant, et puis ce petit Constant[5], dont le mouvement et le bruit fatiguent par moments, mais dont l’heureux naturel et les jolies manières leur donnent bien des jouissances. J’ai joui bien vivement d’être ainsi entourée et soignée pendant ton absence, et ce temps de réclusion aussi complète.

Je te remercie cher ami des détails que contiennent tes lettres sur la manière dont tu passes ton temps. Je suis bien aise pour toi que tu n’aies dîné chez aucun de ces Ostrogoths de Tours ; et que tu aies été accueilli d’une manière aussi aimable chez le Préfet[6] de cette ville. M. Bretonneau[7] est bien aimable d’avoir pensé à faire ce joli petit Diable pour Constant ; il se réjouit de le voir mais craint dit-il de ne pas savoir jouer. J’ai bien du regret de n’avoir pas pensé à t’engager dès ton passage ici à mettre un mouchoir entre ta peau et ton gilet, cette éruption aurait peut-être moins duré, et je suis étonnée que tu ne l’aies pas fait plus tôt, car tu t’en étais bien trouvé l’année dernière. J’espère que tu vas revenir avec une bonne mine de santé. Je crois que tu seras content de celle de ton fils.

Si tu étais arrivé un peu plus tôt tu aurais peut-être été invité au dîner de noce de F. Delessert[8] qui aura lieu vendredi, et dont seront Papa et françois[9]. Le mariage se fait chez eux à Passy. Il y a quelques jours que j’eus visite de M. et Mme Dumont[10]. Je crois connaître que le plus d’accord de leur ménage a continué. Adieu bien cher, bien bon ami, j’ai été assez bien tous ces jours. A samedi ; C’est bien joli de penser que dans trois jours je te reverrai et te garderai cette fois ; Je t’embrasse avec la plus vive tendresse.


Notes

  1. Domestique d’André Marie Constant Duméril.
  2. Fanchette, domestique chez les Duméril.
  3. Alphonsine, enceinte, s’est provisoirement installée rue Favart chez ses parents (Daniel Delaroche et Marie Castanet). Elle vit habituellement rue de l’Estrapade. Voir les adresses de la famille Duméril.
  4. Probablement Cécile, domestique chez les Duméril..
  5. Louis Daniel Constant Duméril, leur fils.
  6. Joseph François Pierre de Kergariou, préfet de l’Indre-et-Loire de décembre 1811 à octobre 1814.
  7. Pierre Bretonneau.
  8. François Marie Delessert épouse sa nièce Julie Sophie Gautier.
  9. Etienne François Delaroche, frère d’Alphonsine.
  10. Charles Dumont de Sainte-Croix et son épouse Rosalie Rey.

Notice bibliographique

D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril à sa femme, p. 137-140)

Annexe

 A Monsieur
Monsieur Duméril
Président des Jurys de Médecine
Hôtel du Loiret
à Orléans

Pour citer cette page

« Mercredi 28 octobre 1812. Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son mari André Marie Constant Duméril (Orléans) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mercredi_28_octobre_1812&oldid=61613 (accédée le 9 octobre 2024).

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