Mardi 9 décembre 1879

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)

original de la lettre 1879-12-09 pages 1-2.jpg original de la lettre 1879-12-09 pages 3-4.jpg


9 Xbre 79.

Ma chère Marie

Je reçois assez régulièrement vos chères lettres & je pense que vous êtes en possession de la mienne, mise à la poste lorsque le mouvement perpétuel était un moment arrêté.
La neige se tasse un peu, l'on s'est occupé de déblayer le chemin de fer qui marche assez régulièrement depuis hier.
Dans la cour 6 chevaux sont occupés à la débarrasser des montagnes & peu à peu tout rentre un peu dans l'ordre sauf le thermomètre qui dans le jour marque - 18 & ce matin - 21. Le canal est gelé & jour & nuit il y a des hommes à casser la glace pour que le peu d'eau puisse passer, ce qui ne lui est pas toujours facile.
Les corbeaux, corneilles etc. viennent jusque dans le poulailler par 20aines & même y passent la nuit, ce que je n'ai encore jamais vu d'un oiseau si méfiant & sauvage. ils viennent même y mourir ce qui est fort triste. le jardinier[1] a déjà ramassé quantité de petits oiseaux morts & pour peu que ce froid continue il n'en restera plus beaucoup. Jusqu'à 2 jeunes poules que Th.[2] a trouvé gelées.
Que de souffrances chez le pauvre ! Dans mon cabinet de toilette plus d'Eau, tuyaux robinets etc. gelés & cependant nous sommes au-dessus des bureaux que l'on chauffe tant que le poêle le permet.
le baromètre est très haut, infiniment trop élevé pour espérer un peu d'adoucissement dans cette cruelle température.
Quant à la campagne elle est très belle ainsi, & l'on aurait grand plaisir de la voir si belle, si blanche si cette arrière-pensée de grandes souffrances n'était pas là & vous fit souhaiter la boue la plus sale.
Nos voitures sont allées à Mulhouse ce matin, elles y couchent & rentrent demain seulement, nous pensons que peu à peu ce service indispensable se réorganisera peu à peu.
Nous ne sommes qu'au commencement de Xbre & cela peut durer bien longtemps.

l'état de mon Oncle[3] est à peu près toujours le même, peut-être un léger mieux, je vais le voir tous les jours, mais c'est à peine s'il parle quelques mots & cependant mes visites lui font toujours plaisir. Je n'ai pas pu savoir ce que le DocteurBornèque[4] en pense, Ce Monsieur est peu communicatif ; mais j'espère qu'il n'y a pas péril de vie. Il a encore des nuits où il souffre beaucoup.

Au village il y a beaucoup de fièvres intermittentes qui entre autre se traduisent par des maux de dents névralgiques qui prennent à heures fixes. Thérèse depuis près de 15 jours était du nombre, je l'ai adressée à une de ses amies qui avait même mal, puis au Docteur qui lui a donné je suppose de la quinine & la voilà débarrassée, seulement cela se fait si irrégulièrement que je ne serais pas étonné que le mal ne recommence.

Ce que vous me dites de tante[5] qui se trouve de nouveau arrêtée par sa fièvre me fait beaucoup de peine & je regrette bien de ne pas avoir prolongé mon séjour, car très probablement elle sera sortie trop tôt ce qui a ramené le mal. Vous me direz toujours bien exactement comment vous trouvez votre tante chérie.
De Nancy j'ai des nouvelles bonnes par un tout petit mot de ma sœur[6] qui me demande des détails sur l'état de notre oncle[7].

Je soignerai la commission d'Emilie[8] pour Braesch[9]. je suppose que c'est une petite chaise comme l'une des vôtres. la tienne marquée M. qui a les roses, mais ce ne sont pas des bandes. Si c'est cela il faut que les bandes aient 38 cm de long - mettez 40. Je vais en demander une pareille ; si je me trompe & ne devine pas votre idée vous m'en préviendrez à temps. Il faudra bien 3 semaines au tapissier pour faire venir le meuble.
Vos grandes chaises-bandes ont 45 cm de long de bande.

J'ai dîné Dimanche chez Marie Léon[10] & passé une partie de l'après-midi, elle va bien, sa mère[11] doit rentrer aujourd'hui, bons-papa & maman[12] dînaient avec nous. eux aussi vont tout à fait bien, le froid ne les arrête pas comme tu le vois.

En ce moment nous avons le plus beau soleil du monde & il fait moins froid - 12.

tu voudras bien embrasser Oncle & tante[13] pour moi sans oublier Emilie & Marthe[14].
tout à toi
Ch Mff

Je t'écris du bureau où je n'avais plus de papier que ces 2 petites feuilles.


Notes

  1. Édouard Canus.
  2. Thérèse Neeff, employée par Charles Mertzdorff.
  3. Georges Heuchel.
  4. Pierre Léon Bornèque.
  5. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  6. Emilie Mertzdorff est l’épouse d’Edgar Zaepffel, conseiller de préfecture à Nancy.
  7. Georges Heuchel.
  8. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  9. Le tapissier Jacques Braesch. Voir la lettre du 8 décembre.
  10. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril.
  11. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
  12. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  13. Alphonse Milne-Edwards et son épouse Aglaé Desnoyers.
  14. Marthe Pavet de Courteille.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 9 décembre 1879. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_9_d%C3%A9cembre_1879&oldid=60354 (accédée le 19 avril 2024).

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