Mardi 7 octobre 1873

De Une correspondance familiale

Lettre de Marie Mertzdorff, complétée par Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) à Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


Paris Mardi 7 8bre 1873[1]

Mon petit papa chéri,

Que tu es bon de m'avoir écrit une si longue et si gentille lettre allemande tu ne saurais croire combien elle m'a fait plaisir je l'ai parfaitement bien comprise et Émilie[2] aussi.

Tu es sans doute dans ce moment à Morschwiller avec bon-papa et bonne-maman[3] où plutôt à cette heure-ci avec la machine à vapeur que tu regardes fonctionner et qui je l'espère marche comme tu le désires.

En même temps que ta lettre d'hier il en arrivait pour Cécile[4] de son frère[5] qui lui apprenait que son père[6] était gravement malade d'une fluxion de poitrine depuis trois jours ; on a immédiatement envoyé un télégramme pour demander des renseignements plus précis et s'il fallait qu'elle parte la réponse a été que oui et ce matin elle a reçu son permis de voyage ainsi qu'un mot qui lui dit que son père est très mal vu son grand âge (82 ans) elle va donc partir à trois heures pour Lyon et nous descendrons dans la petite pièce avant la chambre de tante[7] ce qui ne gêne en rien.

Avant-hier soir Émilie a été reprise de son petit mal de bras que tu lui connais bien et qu'elle a ordinairement en hiver après des coliques dans la journée elle ne l'a plus senti mais tante qui croyait bon de lui mettre des gilets de laine à manches l'a menée chez M. Dewulf qui a dit que ce ne pouvait être que bien mais il n'a rien dit d'autre. Du reste elle va bien.

Hier nous avons été à Bellevue avec oncle et tante[8] faire visite à Mmes Audoin[9] et de Sacy[10] sa fille, nous sommes parties à 2h ½ d'ici arrivées à 3 ½ à la campagne nous avons vu Rachel[11] qui est assez gentille mais un peu garçon, nous nous sommes promenées tout le temps dans le jardin avec elle. Sa mère est toujours souffrante et fort triste.

En rentrant nous avons pris une voiture et sommes passées chez Mlle Poggi que nous avons trouvée et il est décidé que nous recommencerons nos leçons de piano demain matin. Je pense que Mlle Bosvy va aussi revenir un de ces jours.

Jusqu'à présent nous avons eu un temps splendide mais depuis que je suis à t'écrire la pluie tombe ce qui nous ennuie un peu car nous devions sortir pour acheter une table de salle à manger à Mme Pavet[12]. Cette dernière est aujourd'hui à Vincennes avec son ancien propriétaire et comme Marthe et Jeanne[13] sont seules chez leur bonne-maman Trézel[14] (où elles doivent s'ennuyer un peu) nous irons peut-être les chercher.

Aujourd'hui pour la première fois nous ne faisons plus notre ménage car la nouvelle femme de chambre est arrivée mais tante était très contente de ses anciennes petites ménagères qui époussetaient parfaitement tous les meubles.

Emilie prétend qu'elle n'a pas encore eu assez de vacances moi je suis rassasiée et c'est avec bien de la joie que je recommencerai mon cours[15] à la fin de ce mois.

J'ai été bien étonnée en apprenant que tante Z[16] reste encore tout un mois à Colmar mais toi tu t'en doutais bien du reste je comprends que cela lui fasse mal au cœur de quitter sa jolie maison pour un petit appartement à Nancy.

Adieu, mon papa chéri, je crois que si je ne m'arrêtais pas j'écrirais jusqu'à demain car tu ne saurais croire combien j'aime à t'écrire c'est si bon de ne pas être gêné et de penser que sa lettre ne sera pas examinée minutieusement par des personnes difficiles. Je t'embrasse de toutes mes forces

ta petite Marie qui t'aime énormément

Embrasse bien s'il te plaît bon-papa et bonne-maman de ma part et dis à bonne-maman que je pense bien souvent à elle et à nos petites conversations ensemble bien que je ne lui aie pas écrit.

Mon cher Charles  je voulais répondre à votre si affectueuse lettre et vous en remercier sincèrement car elle m'a été au cœur ; mais n'ayant pas pu le faire encore je joins quelques lignes à la lettre de Marie ne voulant plus retarder plus longtemps. Les chères enfants vont bien car la douleur de bras d’Émilie est ennuyeuse mais non inquiétante, Marie a très bonne mine. Ce que je veux surtout vous dire c'est qu'elles sont bien bien gentilles ; elles font tout pour être bonnes et réussissent. Ne nous remerciez pas de les aimer car c'est notre plus doux plaisir. Elles vont, comme Marie vous le marque coucher tout près de nous ; j'en suis toute contente car j'aimerais à les avoir toujours dans ma poche. Je crains bien que cette pauvre Cécile n'ait la douleur de perdre son père aussi ai-je pensé agir comme vous l'auriez fait en lui offrant de l'envoyer de suite chez ses parents. Je n'ai plus que la place de vous répéter, mon cher Charles combien Alphonse et moi aimons vous et les deux chéries.   

AME


Notes

  1. Lettre sur papier deuil.
  2. Émilie Mertzdorff.
  3. Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
  4. Cécile, bonne des demoiselles Mertzdorff.
  5. Probablement François Albert Besançon.
  6. Pierre Joseph Besançon.
  7. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  8. Alphonse Milne-Edwards et Aglaé Desnoyers.
  9. Mathilde Brongniart, veuve de Jean Victor Audoin.
  10. Cécile Audoin, épouse d’Alfred Silvestre de Sacy.
  11. Rachel Silvestre de Sacy.
  12. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  13. Marthe et Jeanne Pavet de Courteille.
  14. Auguste Maxence Lemire, veuve du général Camille Alphonse Trézel.
  15. Le cours des dames Boblet-Charrier.
  16. Émilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 7 octobre 1873. Lettre de Marie Mertzdorff, complétée par Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards (Paris) à Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_7_octobre_1873&oldid=60690 (accédée le 26 avril 2024).

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