Mardi 16 décembre 1873 (B)

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)


original de la lettre 1873-12-16B pages 1-4.jpg original de la lettre 1873-12-16B pages 2-3.jpg


Mardi 16 Décembre 73.

Il n'est pas tard (9h) je viens d'écrire à tante Zaepffel[1] & maintenant je trouve que je ne saurais mieux finir ma soirée qu'en bavardant un peu avec mes chéries[2].

D'abord merci à Marie pour sa lettre & quart. Ce quart représente sa lettre de Vendredi & comme tu trouves lui fait beaucoup d'honneur.

Comme je ne me souviens pas très bien quel jour je vous ai écrit ; je serais fort embarrassé de continuer mon journal si tous les jours ne se ressemblaient pas. Tout ce que je sais c'est que depuis je n'ai pas été à Morschwiller[3], n'ai pas vu Léon[4] non plus depuis quelques jours de sorte que de nouvelles ... point.

Vous saviez que Dimanche devait être pour moi un jour de grande fête ! Je devais dîner chez Madame André mère[5] en compagnie de M. & Mme Heuchel[6] M. & Mme Léonce[7] M. André[8] Mlle André[9] M. Zimmermann[10] & donc la maîtresse de la maison[11].

C'est ce qui a eu lieu & c'est en grande toilette que j'étais auprès de mon aimable voisine qui a été fort gracieuse.

L'on s'est beaucoup informé de vous & l'on avait reçu une lettre de Conflans qui leur a appris que Hélène[12] était souffrante d'un abcès dans la gorge. L'on a télégraphié à la tante[13] qui est immédiatement allée voir la malade & pendant que nous dînions la réponse est déjà arrivée que le mal n'avait rien de grave & que la petite amie allait déjà mieux. Si Jeudi vous avez quelques heures de libres vous feriez peut-être bien d'aller faire une petite visite.

Mais je reviens à mon dîner, qui a été fort brillant, arrosé de quantité de vins différents. Après le dîner l'on s'est retiré dans le salon pour prendre le café, mais il pouvait bien déjà être 3h. Suivant la mode du jour, ces Messieurs se sont retirés dans le fumoir où l'on a causé Industrie, politique, ouvriers, etc. etc… devant un verre de bière. L'on s'est retiré à 5h...

Pour ma tante[14] c'était sa première sortie le matin à la messe & après le dîner, mais elle a encore le côté droit de la figure de toutes couleurs ; cependant plus de grosseur & plus de douleurs.

Si je ne vous ai pas parlé de Julie & de son frère Charles[15], c'est que ces deux petits personnages dînaient à une table a part & si gravement qu'on ne les entendait pas.

Toutes ces dames vont très bien surtout Mme Louis Berger qui a bien bonne mine.

Mme Léonce est toujours fort causante & gracieuse mais je l'ai trouvée un peu changée, Mlle André était fort pâle, mais prétendait aller très bien. Quant à la vieille grand-mère, je lui ai trouvé meilleure mine que d'habitude ; mais enfin, comme les vieux, elle ne rajeunit pas. Monsieur Léonce a fort bonne mine & je crois que les affaires ne le tracassent pas beaucoup. Par contre notre maire vieillit considérablement.

Vous voyez que de choses à raconter lorsqu'on va dans le monde.

Mais que je vous dise de suite le revers de la médaille, c'est que j'ai dû passer bonne partie de la nuit sans pouvoir dormir. Ce n'est que le lendemain que j'ai rattrapé ce précieux temps du sommeil perdu en me couchant de bonne heure & me levant tard. Depuis que je suis ici j'ai supprimé le café à midi & le thé le soir. Des deux plus rien. & ne m'en trouve que mieux le soir. Ou n'est-ce qu'une idée ? Je le laisse au choix de tante[16] & fillettes.

Depuis ce grand jour de débauche je n'ai pas fait beaucoup de choses. J'aide Pétrus à quelques petits essais de teinture, je passe quelques heures avec Legay à dessiner l'emplacement des nouvelles machines qui sont presque toutes ici. Enfin je cherche & depuis bien longtemps à faire faire mieux.

Nous continuons à être arrêtés les Lundi & ne sommes pas riches les autres jours.

Je voulais écrire à tante pour savoir si l'on ne ferait pas mieux d'enlever tous les rideaux soie & velours bleu que de les laisser aux fenêtres ; mais c'est un conseil que vous pouvez bien demander vous-mêmes.

J'étais à Bâle faire l'acquisition de mon manteau & mes bottes, seulement le premier est encore à Bâle & je vais envoyer l'ami Paul me le chercher, ou j'irai encore moi-même car j'aurais à avoir conseil d'un banquier. Mais comme je me connais, je suis paresseux & enverrai Jaeglé.

Si je vous écris ce soir, c'est que demain je vais à Morschwiller où je dois me rencontrer avec M. Flühr. il y a 8 jours que je n'y étais mais là aussi le travail manque & manque beaucoup. M. Tachard[17], m'avait-on dit, est chez lui & va mieux. Cependant ces Messieurs ne sont pas encore allés lui faire visite.

Je ne sais si je vous ai déjà écrit que Mlle Vallée la carmélite l'amie des Bricart est mariée à un paysan de Schweighouse, elle est donc voisine de l'Ochsenfeld. C'était un évènement car le mari est <   > dit-on. Un bon baiser pour toutes & tous

Charles Mertzdorff

Vous n'avez rien qui vous manque & que je dois vous porter ? Je n'oublierai pas le livre que m'a demandé tante, ni la boîte verte.

J'oubliais de te faire compliment sur tes places de Cours[18] ; il me semble que cela va très bien & ne demande qu'à être continué. Mais l'on ne me dit pas les places de ta sœur Emilie. Demain Mercredi j'aurai des deux bulletins des succès.


Notes

  1. Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
  2. Marie et Emilie Mertzdorff (les « fillettes »).
  3. Morschwiller où vivent les grands-parents Duméril.
  4. Léon Duméril.
  5. Marie Barbe Bontemps, veuve de Jacques André (la « vieille grand-mère »).
  6. Georges Heuchel et son épouse Elisabeth Schirmer.
  7. Léonce Berger et son épouse de Julie André.
  8. Jules André.
  9. Marie André.
  10. Thiébaut Zimmermann, maire de Vieux-Thann.
  11. Joséphine André, épouse de Louis Berger.
  12. Hélène Berger, en pension à Conflans avec sa sœur Marie.
  13. Madame Berger ?
  14. Elisabeth Schirmer, épouse de Georges Heuchel.
  15. Charles et Julie Berger.
  16. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  17. Albert Tachard.
  18. Le cours des dames Boblet-Charrier.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Mardi 16 décembre 1873 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Mardi_16_d%C3%A9cembre_1873_(B)&oldid=51591 (accédée le 27 avril 2024).

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