Lundi 9 février 1880

De Une correspondance familiale


Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)


original de la lettre 1880-02-09 pages 1-4.jpg original de la lettre 1880-02-09 pages 2-3.jpg


Lundi 9 février 80

Ma chère Marie

Il est probable qu’à l’heure vous êtes en possession de ton cher petit pavillon qui t’a tant séduit. Tu sais très bien, ma toute chérie, que mon plus grand bonheur est celui de mes chères enfants[1], ce sont là mes plus douces jouissances. Comme pour toi surtout, ta maison, ton intérieur sera un plaisir de tous les jours, tu comprends que pouvant y contribuer un peu, je le fais avec le plus grand plaisir & que je me réserve pour l’avenir sans compter que je me réserve de visiter fort souvent ce charmant appartement qui aura plus d’un attrait pour ton père qui y sera souvent. Tu vois donc qu’il a tout intérêt à ce que tu y sois bien.
J’ai au contraire parfaitement compris lettre & surtout plan qui me donne une parfaite idée des lieux[2], & je t’avouerais que j’ai eu un très légitime plaisir à me promener plan en main dans tout l’appartement qui en effet me paraît parfait. Un architecte n’aurait pas mieux fait, sans compliments pour la fille d’un industriel.
Si en parcourant une première fois ta chère lettre je ne me suis pas rendu compte c’est que bon-papa[3] attendait & que je me réservais son étude pour plus tard, lorsque j’en ai été privé 2 jours. Ce n’était donc pas ta faute si je n’étais au courant de ce que tu me disais.
Je lirai avec plaisir que l’affaire est conclue & que vous aurez votre nid dès votre première pérégrination en lune de miel.

Tu remercieras Marcel[4] de ses bons sentiments pour ton père, de lui ils ne m’étonnent pas, car j’ai moi-même la plus entière confiance en lui & je le prouve en lui confiant tout ce que j’aime en ce monde. Mais qu’il sache bien que je compte conserver pour moi une petite partie de l’affection de ma chère fille & que je compte bien, très souvent lui demander ma part, qui très heureusement ne prendra rien à la sienne, qui à mon avis est belle.

Depuis que je suis ici, & il y a déjà huit jours je n’ai pas beaucoup progressé dans dans mon arriéré de travail. j’ai pas mal de visites, car chacun d’ici veut le plus de détails possibles & bonne-maman[5] n’en a jamais assez. Tout naturellement mon absence de 6 semaines m’a mis très en retard des Comptes de détails de la fabrique & de mes livres particuliers de sorte que j’ai peu quitté mon bureau où je séjourne des journées entières sans bouger. Hier cependant j’ai dîné chez les Piquet[6] avec une très ancienne amie que je n’ai plus rencontrée depuis 25 ans ; c’était pour moi un vrai plaisir de passer ainsi 3 heures avec Madame Lehr[7] qui n’est pas heureuse comme tu sais.

Mon Oncle Georges[8] continue à bien aller. je ne l’ai pas vu depuis 3 à 4 jours, mais les nouvelles ne me manquent pas. par
J’ai renouvelé aussi ma visite chez les Henriet[9] qui ont besoin de consolations, je vois que mes visites font grand plaisir. une fois que Mme sera plus valide je me propose de la promener en voiture le grand air lui fera plus de bien que des paroles.
Nous avons un temps délicieux, il fait très agréable à se promener, pour ceux qui en ont le temps & cependant il y a encore pas mal de neige par place en plaine & nos filtres sont encore couverts d’une couche de glace fort épaisse ; nous nous attendons à de la pluie.

De la fabrique rien de bien intéressant. Stéphane qui fait les voyages à Mulhouse a eu un accident en route, heureusement il n’a pas la gravité que l’on pouvait craindre, le genou démis, heureusement immédiatement remis par un Médecin qui se trouvait providentiellement à Lutterbach. l’on a dû envoyer Michel[10] le chercher dans la voiture. Nous avons une assez bonne provision de travail. [Sommes] satisfaits de ce côté.

De la maison – une pensionnaire de moins la femme fresch[11] qui avait [84] ans. Marie Léon[12] ne va pas trop mal. Hélène passe des heures au Jardin.

Les amies Berger[13] sont à Paris depuis Mercredi. tu voudras bien embrasser Émilie[14], tante & Oncle[15], mes affections à Marcel & pour toi ma chérie mes meilleurs baisers
ton père ChsMff

A l’instant je reçois ta lettre qui respire le contentement, tu peux juger du mien. Un seul point noir c’est que je ne suis pas auprès de toi pour recevoir les bons baisers que je mérite à ton avis. Mais tu vas me les réserver pour dans une 10aine de jours.


Notes

  1. Marie Mertzdorff et sa sœur Emilie.
  2. Voir la lettre du 2-3 février.
  3. Louis Daniel Constant Duméril.
  4. Marcel de Fréville, fiancé de Marie Mertzdorff.
  5. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  6. Probablement Adèle et Joséphine Piquet.
  7. Probablement Sophie Zindel, épouse de Jules Lehr.
  8. Georges Heuchel.
  9. Louis Alexandre Henriet et son épouse Célestine Billig, dont la fille Marie HenrietZurcher vient de mourir.
  10. M. Michel, cocher de Charles Mertzdorff.
  11. Catherine Weitz, veuve de Jean Fresch.
  12. Marie Stackler, épouse de Léon Duméril et mère d’Hélène Duméril.
  13. Marie et Hélène Berger.
  14. Emilie Mertzdorff.
  15. Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Lundi 9 février 1880. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_9_f%C3%A9vrier_1880&oldid=40635 (accédée le 3 décembre 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.