Lundi 28 septembre 1812
Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son mari André Marie Constant Duméril (Laon)
N° 215 H
Paris 28 Septembre 1812
La matinée d’hier s’est trouvée divisée de manière que me voyant très peu de temps pour écrire j’ai mieux aimé renvoyer à aujourd’hui mon bon ami pour te remercier de ta lettre du 24. Je t’ai écris le matin du jour où je l’ai reçue, mais mon épître sera arrivée quelques heures après ton départ et tu ne l’auras reçue qu’hier à ton arrivée à Laon. J’espère que ton petit voyage d’Amiens dans cette ville se sera fait des plus heureusement ; Tu vas te trouver un peu tristement après avoir été si fort entouré de parents et d’amis, de te trouver vis-à-vis de visages tous nouveaux pour toi. J’espère bien que tes occupations te laisseront bien suivre tes plans et que tu seras ici le 2 ou le 3 au plus tard. Tu trouveras une amie bien joyeuse de te revoir quelques moments, une amie bien tendre, et qui se persuade bien que ton cœur est à l’unisson du sien. Mes Parents[1] se réjouissent aussi beaucoup de te voir ; Maman aimerait que tu pusses coucher rue favart ; d’un autre côté nous pensons qu’il te sera peut-être plus commode de coucher à l’estrapade pour être à portée de recevoir les demandeurs qui te viennent le matin. Ecris-moi ce que tu préféreras, et dans le cas où tu te déciderais à coucher près de nous, je ferais venir un lit de sangle et un matelas de la maison, qui se trouveraient là pour le cas ou je viendrais à accoucher hors de chez moi, mais je n’aime pas penser à cette possibilité d’être accouchée par un autre que par toi, quoique M. Deneux par sa tournure et son ton de décence m’effraya moins il me semble que ne pourrait le faire tout autre. Mes excellents Parents sont remplis d’attentions et de bonté pour moi, et pour notre fils[2]. Moi je cherche autant que je peux à leur en témoigner ma reconnaissance, et notre cher enfant s’en rend bien digne par ses petites manières agréables. Hier son bon Papa se fit un plaisir de lui procurer celui de se trouver avec d’autres enfants, et de faire un petit voyage à la campagne. Il allait dîner à la campagne Conflant chez M. Lemarcis et me proposa de mener Constant avec lui, paraissant se faire assez de plaisir lui-même d’avoir ce petit compagnon. Nous le fîmes donc aussi propre et aussi gentil que nous pûmes. Il était frais comme la rose et partit comme un grand garçon avec son grand bon papa. Il parait que la conversation ne tarit pas en allant, qu’il fut sage et très bien reçu, il s’endormit en revenant et nous a raconté ce matin comment s’est passé son temps et les remarques qu’il a faites.
Je viens de recevoir la visite de M. Deneux, il m’a encore trouvée occupée à t’écrire et avec une lettre de toi auprès de moi, j’ai bien regretté qu’il ne s’y soit pas trouvé un petit mot de remerciements pour l’attention et l’empressement avec lesquels il est venu me voir et que j’aurais pu lui lire. Je lui ai dit que tu aurais certainement le plaisir de l’aller voir à ton arrivée. Il espère beaucoup dans la ceinture que M. Lacroix m’a promis de m’apporter aujourd’hui, pour me permettre de prendre l’exercice que tu me conseilles et qui jusqu’à présent m’a été impossible.
J’ai renvoyé l’autre jour chez Madame Née qui ne s’était point occupée de me faire une réponse, et qui a dit à Henry qu’elle ne pouvait pas même procurer pour le moment les 25 ou 30 kilogrammes que je lui avais fait demander. Je ne sais que faire sur cela, je pense qu’il faudrait peut-être que tu l’écrivisses à ton frère[3] avant que tu sois à portée de faire toi-même quelques démarches pour en trouver ailleurs.
Ayant été interrompue plusieurs fois me voilà encore pressée par le temps, je n’en ai que pour t’embrasser tendrement pour moi et pour ton fils ; Et pour te dire que françois[4] est revenu vendredi fort content de sa course à L’épine, et fort bien portant. Il est en bas occupé à travailler avec M. Bérard.
Je ne sais si tu auras su la non réussite de M. Maunoir à Montpellier qui a pris très courageusement son parti et s’est fait fort estimer par toute sa conduite. Nous avons eu hier au soir la visite des Dames Torras[5], et l’autre jour j’eus celle de Mme De Montbret[6].
Notes
- ↑ Pendant la tournée des jurys de médecine qu’effectue son mari, Alphonsine s’est installée rue Favart, chez ses parents Marie Castanet et Daniel Delaroche ; les Duméril habitent rue de l’Estrapade. Voir les adresses de la famille Duméril.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril.
- ↑ Il s’agit probablement de charpie pour Auguste (l’aîné), agent principal des hôpitaux, frère d’AMC Duméril (lettre du 21 septembre).
- ↑ Etienne François Delaroche, frère d’Alphonsine.
- ↑ Anne Gardelle, épouse de Pierre Torras et sa fille Anne Jeanne Louise.
- ↑ Charlotte Hazon, épouse de Charles Etienne Coquebert de Montbret.
Notice bibliographique
D’après l’original (il existe également une copie dans le livre des Lettres de Monsieur Constant Duméril à sa femme, p. 99-102)
Annexe
A Monsieur
Monsieur C. Duméril
Président des Jurys de Médecine à Laon
Poste restante
Pour citer cette page
« Lundi 28 septembre 1812. Lettre d’Alphonsine Delaroche (Paris) à son mari André Marie Constant Duméril (Laon) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Lundi_28_septembre_1812&oldid=61603 (accédée le 22 décembre 2024).
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