Jeudi 19 décembre 1878
Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Jeudi 19 Décembre 1878
Plus que 58 heures mon papa chéri et tu seras avec nous. Quel bonheur ! je ne fais qu’y penser ; si toutefois tu peux venir samedi, car Thérèse[1] a écrit ce matin à Cécile[2] que M. et Mme Paul[3] étaient auprès de toi ; j’espère qu’ils n’y resteront pas trop longtemps et qu’ils ne retarderont pas ton voyage, car on t’attend ici avec impatience il y a si longtemps que nous ne t’avons vu, mon papa.
Hier nous avons passé la soirée chez Mme P. Target[4] où se trouvait toute la famille. Oncle[5] qui dînait chez M. Marey[6], membre de l’Institut depuis huit jours est venu nous rejoindre quelques instants avant le souper. On a commencé par jouer à de petits jeux que l’on qualifie d’esprit mais à mon avis il n’y a rien de plus bête surtout celui auquel on a joué hier où l’on écrit différentes phrases sur des petits papiers que l’on se passe et lorsqu’on lit tout l’ensemble cela forme inévitablement un amalgame des bêtises les [plus] incohérentes et les plus saugrenues. Ensuite nous avons joué aux homonymes puis on a pris le thé. Mme Festugière[7] m’a prêté beaucoup de livres allemands pour que je voie si quelques-uns d’entre eux pourraient m’intéresser et il y en a une histoire grecque qui, je crois doit être amusante et qui m’amuserait surtout en ce moment où je repasse cette histoire-là. A propos d’histoire, tu n’oublieras pas de m’apporter Lenormant[8], n’est-ce pas mon petit père ?
Hier nous avons pris notre leçon de piano et Mme Roger[9] m’a fortement secouée parce que j’ai joué en dépit du sens commun presque tout le temps de ma leçon, enfin il faut espérer que je travaillerai mieux cette semaine.
Mardi nous avons eu la visite de Mme Paul Clavery[10] avec ses trois plus jeunes enfants[11] ; la petite huitième qu’elle nourrit encore est un gentil bébé, elle a à peu près l’âge d’Hélène[12]. L’aîné, Edouard[13], va faire sa première communion au printemps. Quant à l’aînée des filles[14] qui a dix ans il paraît qu’elle se rend déjà très utile et qu’elle vient en aide à sa maman pour bien des choses. C’est une bien gentille famille mais la pauvre maman doit avoir plus de tourments que de plaisirs avec ses huit bambins, aussi a-t-elle l’air assez fatiguée.
Le dîner de famille qui est réduit à bonne-maman Trézel[15], tante Louise[16] et Marthe[17] a eu lieu Mardi puisque nous devions sortir hier.
Il a neigé ce matin mais en ce moment le ciel est bleu et il fait un temps splendide ; je pense qu’il ne doit pas faire chaud.
Mme Paul Target nous a donné deux billets pour le conservatoire et j’irai avec tante[18] Dimanche prochain. Je suis bien ennuyée que cela tombe juste le lendemain de ton arrivée mais c’est à prendre ou à laisser et l’occasion ne s’en représentera pas ; j’avoue que j’aurais bien préféré que cela tombe un autre Dimanche pour passer au moins toute la journée avec toi et si Marie[19] ne restait pas ici, nous aurions certainement refusé ; mais puisque les choses s’arrangent ainsi et que tu es un papa gâteau le concert en lui-même m’amusera beaucoup.
Adieu mon petit papa, jusqu’à ce que je te dise bonjour et que je t’embrasse pour vrai. Couvre-toi bien pour ne pas avoir froid. Bon voyage et viens le plus tôt que tu pourras. Je t’embrasse de tout mon cœur en attendant, ainsi que bon-papa et bonne-maman[20].
Ta petite Emilie
Notes
- ↑ Thérèse Neeff, au service de Charles Mertzdorff.
- ↑ Cécile Besançon, bonne des demoiselles Mertzdorff.
- ↑ Paul Nicolas et son épouse Stéphanie Duval.
- ↑ Victorine Duvergier de Hauranne, épouse de Paul Louis Target.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Étienne Jules Marey.
- ↑ Cécile Target, veuve de Georges Jean Festugière.
- ↑ François Lenormant.
- ↑ Pauline Roger, veuve de Louis Roger.
- ↑ Marie Philiberte Ferron, épouse de Paul Clavery.
- ↑ Eugénie, Alfred et Henriette (10 mois) Clavery.
- ↑ Hélène Duméril.
- ↑ Edouard Clavery.
- ↑ Pauline Clavery.
- ↑ Auguste Maxence Lemire, veuve de Camille Alphonse Trézel.
- ↑ Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
- ↑ Marthe Pavet de Courteille.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Marie Mertzdorff, sœur d’Emilie.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril et son épouse Félicité Duméril.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 19 décembre 1878. Lettre d’Emilie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_19_d%C3%A9cembre_1878&oldid=42786 (accédée le 15 octobre 2024).
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