Dimanche 26 novembre 1876

De Une correspondance familiale

Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)

original de la lettre 1876-11-26 pages 1-4.jpg original de la lettre 1876-11-26 pages 2-3.jpg


Dimanche soir 26 novembre 76.

Ma chère Marie.

Puisque tu es si occupée à surveiller toutes les phases du déménagement tu dois aussi avoir le tems de me lire.  

J’étais bien décidé à faire quelques visites aujourd’hui & je m’étais dès le matin costumé en conséquence, mais il pleuvait & je trouvais que j’avais un peu mal au pied, si bien que j’ai re[  ] mes pantoufles que je venais de quitter & ma paresse a décidé que je devais rester à la maison. Je viens de souper & tu me vois au petit salon devant une bonne petite tasse de thé conversant avec ma fille chérie.  

Ma dernièrelettre t’a donné toutes les explications de ma présence encore ici, moi qui devrais depuis longtemps déjà être à Paris ; hier encore j’étais à Mulhouse avec Léon[1]. Pendant que j’étais faire une première visite à Madame Stackler[2], Léon était chez Mme Willmann[3] où était Mlle Marie[4] & ce n’est pas la fin attendu que Mercredi prochain nous devons dîner à 6h chez M. Miquey[5] avec ces mêmes dames. Me voilà mondain malgré moi comme tu le vois.  

J’espérais déjà, lorsque je t’écrivais la dernière fois, pouvoir te dire aujourd’hui que ton Oncle est fiancé ; mais il n’en est rien encore, sauf tout espoir de l’être bientôt. Tant que cet état dure, je n’aimerais pas quitter, pouvant encore est utile ici ; si ces projets ne devaient pas aboutir, ce serait excessivement fâcheux.
La maman St. je crois, aimerait que ces projets prennent une bonne tournure tout dépend de Mlle Marie qui n’a pas encore su prendre son parti.
Quant à Léon il n’est plus à Vieux-Thann, Mulhouse a trop [attraction] pour cela ;

Je n’ai pas assez vu la jeune beauté pour t’en faire son portrait, elle ne me paraissait pas très grande, un peu maigre, une bonne figure animé & gaie.
Il est probable que lorsque j’aurai eu le plaisir de dîner avec elle je saurai déjà t’en dire d’avantage. La maman est maladive, très maigre, & souvent retenue en chambre, ces dames voient beaucoup de monde & je ne sais trop si le village n’effraye pas un peu la petite.
C’est aujourd’hui la préoccupation de Vieux-Thann & du moulin[6] & lorsque l’on est réuni le sujet de la conversation.

Il a fait très chaud aujourd’hui, aussi me suis je longuement promené dans la cour & au jardin. Le jardinier[7] est toujours malade surtout l’hiver, aussi sa serre & son jardin souffrent-ils. Vogt[8] aussi est au lit, depuis qu’il est remplacé par un Michel il a passé à l’état d’ombre.

Dans toute la vallée, jusqu’ici, il y a beaucoup de malades de la rougeole & scarlatine, au point qu’à Willer[9] Bitschwiller. & Thann l’on a fermé toutes les écoles. Sœur Bonaventure me fait encore demander des lits pour pouvoir séparer ses malades d’avec les bien portants. C’est hier déjà qu’elle m’a adressé DocteurMairel[10] & m’absentant, je l’avais oublié, de sorte que ce sera que demain qu’elle aura le reste de l’ambulance, car il n’y a plus que quelques lits des 25 que j’avais.

Vous voilà presque installés dans votre bel hôtel & je me réjouis de te lire pour savoir si l’on y a passé une bonne nuit & si les lits y sont tout aussi bons qu’à l’ancien.
En vous quittant, je ne pensais pas que vous me receviez dans vos nouveaux appartements & je trouve que l’on a été excessivement lestement nous ne sommes pas habitués à tant de prestesse. je croyais bien encore retrouver ma petite chambre où j’étais si bien.  

Mme & Mlles Scheurer[11] sont toujours à Thann. Les Henriet[12] ont depuis une 15 de jours une noble famille anglaise chez eux. L’une des Demoiselles est de l’âge de Jeanne[13] & dit-on très gracieuse & gentille. Autrement il me semble que les distractions ne sont pas nombreuses en ville.

Vous dirai-je dans ma prochaine que j’irai vous voir ? je ne le pense pas il faudra bien encore un peu de patience avant que la lumière ne se fasse.
La fabrique est assez occupée, mais il se passera encore tout l’hiver avant que nous puissions nous servir de nos nouvelles constructions ; tu vois que notre emménagement se fera moins lestement que le vôtre & cependant il est bien modeste, du reste tous les meubles ne sont même pas encore commandés.

Bonne nuit ma chérie. Embrasse la petite fourmi chérie[14] pour moi ainsi que tante & Oncle[15]. ton père qui t’aime bien
Chs Mff

Décidément Thérèse[16] fait très bien la cuisine ; c’est elle qui fait les achats & qui est à tout. Bonne-maman[17] vient presque journellement continuer son inventaire. elle vient de me dire qu’elle a trouvé 8 bouteilles sans étiquettes ! Juge quel événement !

La première chose que l’on me demande lorsque l’on me voit ce sont de vos nouvelles. A Mulhouse je suffis à peine à toutes les questions. Messieurs Heinb.[18] & Knecht[19] de Cauterets ne sont pas les moins galants.

Une personne de moins dans la maison[20] ; il y a la paix ; mais la maison n’est pas plus gaie pour cela & ce Dimanche m’a paru bien long ; je n’étais pas bien disposé au travail de bureau !


Notes

  1. Léon Duméril.
  2. Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
  3. Clara Kohler, épouse de César Willmann.
  4. Marie Stackler.
  5. Etienne Miquey.
  6. Le Moulin où vivent Félicité et Louis Daniel Constant Duméril.
  7. Édouard Canus.
  8. Ignace Vogt, ancien cocher.
  9. Willer-sur-Thur.
  10. Alphonse Eugène Mairel, médecin à Thann.
  11. Céline Kestner, épouse d’Auguste Scheurer et Jeanne et Suzanne Scheurer-Kestner.
  12. La famille de Louis Alexandre Henriet et son épouse Célestine Billig.
  13. Jeanne Henriet.
  14. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
  15. Aglaé Desnoyers et son époux Alphonse Milne-Edwards.
  16. Thérèse Neeff, bonne chez Charles Mertzdorff.
  17. Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril.
  18. M. Heimburger ?
  19. Probablement Louis Knecht.
  20. Annette, cuisinière de Charles Mertzdorff, partie rejoindre son fils en Algérie.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Dimanche 26 novembre 1876. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_26_novembre_1876&oldid=60340 (accédée le 27 avril 2024).

D'autres formats de citation sont disponibles sur la page page dédiée.