Samedi 25 et dimanche 26 novembre 1876
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 25 Novembre 76.
Mon Père chéri,
Je t’écris du nouvel appartement ! enfin nous y voilà, et moi aussi, et bien que tout soit dans le plus grand désordre puisqu’on apporte à chaque instant de nouveaux objets, comme je ne vois pas grand-chose à faire qui soit dans mes petites capacités je me mets à t’écrire ; tu me pardonneras cette sale et antique feuille de papier dont la couleur fait mal au cœur à voir je n’ai pu trouver que celle-là et comme tu connais mes idées parcimonieuses je te dirai que je ne suis pas fâchée d’utiliser ce vieux fond. Cela ne te choque pas ?
J’ai reçu ce matin ta bonne et gentille lettre ; que de nouvelles elle contient ! au reste elle ne m’a pas complètement surprise car j’avais déjà entendu parler un peu vaguement de la chose[1]. J’espère bien que la cela se fera surtout si la demoiselle en question est gentille comme on le suppose ; je suis comme bonne-maman[2], je voudrais bien la connaître ; le portrait que tu m’en fais est charmant. Est-elle élégante ? est-elle coiffée à la chien ? la trouverai-je à mon goût ?
Dimanche 26. J’ai été interrompue hier dans ma conversation, mon petit père chéri, par la visite de Jeanne Brongniart et il était trop tard pour l’heure de la poste quand j’aurais pu revenir auprès de toi, je continue sur ce vilain papier afin que tu voies que malgré le bouleversement général j’ai pensé à toi à hier.
Tout s’est parfaitement bien passé et la maison n’est vraiment pas par trop en désordre ; depuis ce matin tout le monde range et je viens de me distraire un instant pour manger et terminer cette épître ; je crois que nous serons très bien, mieux même que dans l’ancienne maison ; tout est si propre et si neuf que c’est un vrai plaisir de s’y installer.
Tu me demandes dans ta lettre d’hier de te parler beaucoup de moi, il me semble que je m’en suis bien acquittée jusqu’à présent ; tu as su par Emilie[3] quelle avait été mon indisposition et je t’ai dit depuis que j’allais bien, maintenant on n’y pense même plus ; je n’ai pas encore très bonne mine et tante[4] m’empêche de me fatiguer ; mais je vais et viens dans toute la maison et sors comme d’habitude, ce n’a été qu’une sorte d’indigestion extraordinaire ; il me semble que je devrais me purger mais comme je me figure souvent des choses qui ne sont pas je laisse juger les personnes plus compétentes.
Malgré l’ennui que te donne le départ de Nanette[5] il me semble qu’au fond tu dois mieux aimer manger une cuisine moins bonne et être débarrassé de sa personne car quelqu’un qui ne sait que dire du mal des autres et déprécier tous ceux qui vous rendent service n’est jamais à regretter ; dans quel but voulait-elle faire partir Thérèse[6] ?
Je n’ai pas eu de chance Jeudi ; moi qui allais si bien depuis mon retour je me trouve dans mon lit juste le jour où commence mon cours d’histoire[7] ; heureusement que Marthe Tourasse aura l’obligeance de me prêter ses notes.
Au revoir mon petit Père, on bouscule tout autour de moi je vais reprendre ma part au mouvement général et tâcher d’aider de mon mieux ; je t’embrasse bien fort comme je t’aime
ta fille
Notes
- ↑ Les fiançailles de Léon Duméril avec Marie Stackler.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril, mère de Léon.
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Annette, cuisinière de Charles Mertzdorff.
- ↑ Thérèse Neeff, bonne chez Charles Mertzdorff.
- ↑ Professeur : M. Pasquier.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 25 et dimanche 26 novembre 1876. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_25_et_dimanche_26_novembre_1876&oldid=42535 (accédée le 18 décembre 2024).
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