Jeudi 23 novembre 1876 (B)
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
Jeudi soir 23 9bre 76.
Ma chère Marie
Avant de lire ma lettre tu embrasseras bien ta bonne tantine[1] pour sa dépêche reçue pendant notre dîner. Après la lettre de ta chère sœurette[2] je n’avais pas grand appétit & j’attendais la bienheureuse dépêche qui a tout remis en ordre.
J’étais bien décidé à me mettre en voiture le soir même & à l’heure qu’il est je roulerais depuis assez longtemps vers ma chère malade.
Enfin je reste encore ici où l’on a besoin de moi. Pour combien de temps, je n’en sais rien ; mais je crois que cela ne sera plus très long.
J’espère que tu m’écris aujourd’hui pour que demain je sois tout à fait rassuré, quoique je le sais déjà suffisamment ce soir.
Que je te dise de suite pourquoi je ne suis déjà auprès de vous.
J’y suis autorisé. Écoute donc. Oncle Léon[3] que l’on tourmente depuis longtemps, comme tu sais, à chercher femme a trouvé une petite Marie qui a 23 ans & qui lui plaît bien. C’est une Demoiselle Marie Stackler fille d’un médecin[4] de Mulhouse mort il y a déjà nombre d’années.
Cette demoiselle habite Mulhouse avec sa mère[5] & ce sont des dames amies qui se prêtent à inviter Léon où il voit quelquefois cette belle Marie. Moi-même j’étais à goûter chez Mme Miquey[6] où j’ai eu le plaisir de voir Mère & fille. Ces dames sont très bien & je crois que la petite demoiselle n’est pas indifférente à ces projets. Seulement comme bonne-maman[7] ne connait aucune de ces dames, elle est impatiente de faire leur connaissance & nous ne sommes pas encore assez avancés dans les négociations pour cela.
Tu comprends que l’on a besoin de moi encore pour quelques jours peut-être même 15 jours, je ne puis pas le savoir & ne voudrais quitter que lorsqu’il y aurait quelque décision de prise. Probablement Dimanche j’irai tout seul faire visite à Madame Stackler & nous causerons déjà un peu de ce grand projet qui s’il réussit sera je l’espère bien heureux pour nous tous.
Cette demoiselle n’est pas jolie, pour cela elle a la bouche un peu trop grand ; mais elle a de bien beaux yeux, le teint frais & clair l’on voit qu’il y a une belle santé. un nez un peu long, mais l’ensemble est gracieux & même très gracieux, très gaie, bien instruite & enfin quantité de belles qualités. avec un peu de fortune (modeste). La Maman est encore assez jeune & est bien aussi.
Hier ces Dames avaient à aller à Strasbourg. M. & MmeMiquey Mme Willmann[8], Mme & Mlle Stackler & l’on a permis à Léon d’être de la partie. il est rentré très satisfait, Tu vois que la chose est déjà assez avancée & j’espère encore l’avancer d’un bon cran par ma visite. Quelques jours plus tard j’espère accompagner M. & Mme Duméril[9] & après sans doute je serai libre.
De plus depuis 2 Mercredi je vais à Mulhouse pour passer quelques heures avec mon Notaire. Encore une affaire que je désire avancer avant la fin de l’année.
Et c’est pour cela que vous ne me voyez pas en ce moment, car je devrais depuis longtemps être avec vous. Demain vous allez donc commencer votre déménagement ! & dimanche vous serez déjà installés dans votre nouvelle demeure qui doit être bien jolie. Quelle affaire !
Nanette[10] nous a quittés hier matin ; il n’était que temps car la maison n’était plus tenable. Depuis 15 jours elle ne faisait plus la cuisine & a fait son possible pour faire quitter Thérèse[11], elle serait resté si cette dernière était sortie de la maison. Depuis 15 jours elle va de maison en maison dire tout le mal possible de ma bonne.
Enfin voilà la paix !
Sur la demande de Thérèse bonne-maman passe une partie de sa journée ici à la maison à faire l’inventaire de toute chose, surtout de la cave puisque l’on voulait faire passer Thérèse comme voleuse. bonne-maman s’y prête bien, elle se dépêche à inscrire des heures entières, je crois que cela l’amuse. Dans tous les cas il y aura un peu de tranquillité dans la demeure s’il n’y a pas autre chose qu’un grand [Onenfeld] !
Si Léon pouvait se marier, cela changerait bien toute chose ici ; & j’en aurais aussi une petite part car ces Dames me plaisent beaucoup.
Suivant ce que je verrai je mettrai de suite des ouvriers à Ma maison d’abord, puis à la future demeure de Léon. Il faut que je déménage d’abord & je pensais faire faire dans l’ancien salon de ma sœur[12] deux pièces pour Georges[13] où il sera mieux que chez moi. Pour les dispositions de la nouvelle demeure je laisserai faire les jeunes.
Mais tout cela nécessitera plus de changements que l’on ne pense, & je ne m’en réjouis pas du tout.
Tu vois qu’en ce moment notre vie est pas mal agitée. Cette pauvre bonne-maman en prend bien sa bonne part, tu dois la deviner, si encore elle pouvait en maigrir ; mais impossible.
Léon comme tu penses est plus à Mulhouse qu’ici ; que sera-ce lorsqu’il y aura un peu plus de certitude.
Si tu ne m’as pas écrit tu vas le faire au reçu de ce petit mot, car si je suis un peu préoccupé ici, je ne cesse d’être avec vous.
Embrasse bien ta chère sœur & toute amitié à Oncle[14] & tout à toi ton père qui t’aime
Chs Mff
Dans ta lettre tu vas bien me parler beaucoup de toi.
Notes
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Emilie Mertzdorff.
- ↑ Léon Duméril.
- ↑ Xavier Stackler.
- ↑ Marie Stéphanie Hertzog, veuve de Xavier Stackler.
- ↑ Joséphine Fillat, épouse d’Etienne Miquey.
- ↑ Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (« bonne-maman »).
- ↑ Clara Kohler, épouse de César Willmann.
- ↑ Louis Daniel Constant et Félicité Duméril.
- ↑ Annette, cuisinière de Charles Mertzdorff.
- ↑ Thérèse Neeff, bonne chez Charles Mertzdorff.
- ↑ Emilie Mertzdorff, épouse d’Edgar Zaepffel.
- ↑ Georges Duméril.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Jeudi 23 novembre 1876 (B). Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Jeudi_23_novembre_1876_(B)&oldid=39986 (accédée le 15 novembre 2024).
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