Dimanche 24 juin 1877
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 24 Juin 1877.
Mon Père chéri,
Je t’écris pendant qu’Emilie[1] et Jeanne[2] me charment par une symphonie et comme je n’ai pas l’oreille très sensible aux fausses notes cela me laisse à peu près indifférente. Tout le monde est en bas,tout le monde c'est-à-dire bonne-maman Desnoyers[3] revenue hier de Launay, tante Cécile[4] et Mme Brongniart[5] ; moi je suis remontée pour venir te raconter de mon mieux tout ce qui nous occupe depuis hier et qui t’intéresse aussi, tu vas voir ce que c’est. Tu sais que voilà bien longtemps qu’oncle[6] tousse et a mauvaise mine ; cette toux qui le fatigue de son cours [ ] sans cesse loin de diminuer augmentait plutôt et avait fini par beaucoup ennuyer M. Edwards[7] et tante[8] qui sollicitaient en vain oncle pour qu’il suspende ses leçons ; ils voulaient qu’il aille voir M. Mandl[9] mais impossible de l’y décider ; hier enfin il a été voir M. Brouardel[10] qui lui a dit qu’il avait beaucoup d’irritation, qu’il devait se soigner, que pour cela les bains de mer où l’air est si vif lui étaient absolument interdits et qu’il l’engageait fortement à aller aux eaux de Cauterets !!!!!
Juge de la déconfiture générale et en particulier de ce pauvre oncle qui voulait ne pas s’éloigner de Paris ! depuis hier ce ne sont donc plus que des conjectures, on forme des projets de toutes sortes ; oncle ne peut pas se décider à aller aux bains aussi va-t-il aller voir M. Mandl, qui n’est pas partisan des eaux, pour lui demander s’il n’y aurait pas un régime à suivre ; dans ce cas il ferait immédiatement ici ce qui lui serait ordonné nous irions peut-être en Août à Vieux-Thann puis le mois de 7bre nous irions le passer à Arcachon au bord de la mer.
Mais sur comme on a mon exemple tout le monde engage beaucoup oncle à essayer des eaux sulfureuses ; Emilie et moi nous serions enchantées de retourner dans nos chères Pyrénées et toi qu’en dis-tu ? Enfin tu vois qu’il n’y a rien de plus incertain que notre sort pendant les vacances, la seule chose positive c’est qu’il ne faut pas aller sur les bords de la Manche. J’espère qu’en voilà des changements mon bon petit père, qu’en penses-tu ? Ecris-nous ton opinion ; bien entendu tu ne nous quitteras pas cette année c’est la chose tout à fait convenue tu sais. Si on allait à Cauterets on tâcherait d’y aller vers le milieu de Juillet afin d’enlever à oncle la fatigue de ses examens et de ses concours mais c’est ce qu’il ne veut pas ; peut-être, peut-être ferait-on après un petit séjour à Saint-Jean de Luz tante tient beaucoup à la mer pour nous mais moi je trouve que nous allons si bien cette année que l’air des montagnes nous suffirait parfaitement.
Je viens de relire mes nombreuses explications et je doute fort que tu comprennes mais enfin comme ce ne sont que des hypothèses cela ne fait rien ; rien ne pourra être décidé avant qu’oncle n’ait été chez M. Mandl il va lui écrire pour lui demander un rendez-vous et alors je t’écrirai le résultat de la visite.
Hier nous avons été au cours de Mlle Viollet mais nous n’avions pas été avant chez Paulette[11] qui était souffrante elle avait la migraine. Aujourd’hui après la messe, nous avons été chez bonne-maman Desnoyers qui va très bien et a bien meilleure mine qu’avant son départ. Puis nous avons été souhaiter la fête aux Jean et aux Jeanne et enfin nous sommes rentrées ici où nous sommes comme je te l’ai dit en commençant en très bonne société.
Au revoir, mon Père chéri, bonne-maman ce matin m’a chargée de 1000 choses pour toi, Mme Brongniart qui est à côté de moi le fait également. Moi je t’embrasse de toutes mes forces comme je t’aime.
Ta fille Marie.
Notes
- ↑ Emilie Mertzdorff, sœur de Marie.
- ↑ Jeanne Brongniart.
- ↑ Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Catherine Simonis, épouse d’Edouard Brongniart.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Henri Milne-Edwards, père d’Alphonse.
- ↑ Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Le docteur Louis Mandl.
- ↑ Le docteur Paul Brouardel, ami d’Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Paule Arnould.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Dimanche 24 juin 1877. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Dimanche_24_juin_1877&oldid=42437 (accédée le 18 décembre 2024).
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