Vendredi 8 et samedi 9 avril 1910
Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Montreuil-sur-Mer), à son fils Louis Froissart (Douai)
Montreuil, 8 Avril
Mon cher petit Louis,
Nous savons par ton petit paquet que tu es arrivé à Douai ; ton papa[1] te remercie de la bonne volonté que tu as mise à lui rendre service. Je crois que c’est un autre cliché qu’il voulait, mais d’après ton petit mot c’est le seul que tu as trouvé.
Je t’envoie une élucubration du cousin Charles[2] qui serait sans doute palpitante d’intérêt si… on pouvait la lire ! je ne sais si tu seras plus habile que moi pour la déchiffrer.
Je me suis endormie hier soir sur cette lettre et je la termine aujourd’hui Samedi à Brunehautpré où l’on m’a déposée ce matin en allant à Sainte Austreberthe, Marconne, Brévillers, Mouriez et après avoir dîné à Bamières. Tortefontaine, Saulchoy, Douriez, Saint-Rémy et Gouy[3]. Il paraît que dans les 2 premiers endroits l’accueil a été froid et les auditeurs très peu nombreux, mais très chaleureux à Brévillers et je pense qu’il l’aura été aussi à Mouriez et surtout à Tortefontaine.
Hier on a été très bien reçu partout, la voiture était pleine de fleurs.
Jeudi Jacques[4] a eu avec Ludo[5] une panne de pneu terrible à l’entrée de Conchil-le-temple. Plus de chambre à air en état, plus de jante amovible garnie. Ludo a déclaré qu’il ne bougerait pas de là. Alors Jacques et Lajoinie, accompagnés de Pierre[6] ont pris le parti de s’en aller à pied à Groffliers puis à Rang-du-Fliers où ils ont pris le train pour rentrer. Environ 17 km à pied.
Hier nous avons envoyé une jante à Ludo qui était toujours à la même place bien décidé à y rester paisiblement jusqu’à ce qu’on vienne à son secours. Il avait couché dans sa voiture ! Quel type !
Demain nous allons à Berck pour la conférence de M. Gayet[7].
J’espère bien que tu m’enverras demain de tes nouvelles. Adresse-les de préférence à Montreuil. Que vas-tu faire pour les promenades ? As-tu acheté de grandes bottines ?
Michel[8] est aujourd’hui à Berck avec Allaud[9] pour préparer les voies et Pierre est allé en bicyclette rattraper les conférenciers à l’heure du dîner à Bamières. Il a pu voir Jules[10] de midi à 3h et vient de rentrer.
Une 3e candidature vient de surgir : le socialiste Devisme[11] de Montreuil. Je crois qu’il faut nous en réjouir car ce n’est pas un ami de M.[12] et il ne lui se désistera pas, je crois, en sa faveur.
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avec la collaboration de M. Gayet avocat à Lille ont très bien marché, 7 ou 800 personnes à Beaurainville. On était content. Nous sommes arrivés à Berck tous vers 11h. A la même heure y arrivait le petit Guy[13] qu’on nous confiait pour la journée ; après le déjeuner nous l’avons emmené promener sur la plage pendant que les Messieurs étaient à la conférence. Madeleine[14] qui s’est spécialement occupée de lui affirme qu’il a été très facile et très gentil. Nous l’avons reconduit au train de 5h.
A propos de Madeleine elle a été très intéressée par l’achat de tes bottines et voit avec plaisir que la discussion sur les mérites respectifs des bottines de chevreau et des bottines de peau de [daim] n’est pas close. Elle a été à même d’étudier la question hier et t’en reparlera.
M. Tréca[15] est arrivé hier soir plein d’ardeur.
Hier soir aussi nous avons terminé notre importante journée par une soirée de charité à Étaples en faveur des Orphelins de la mer où on m’avait demandé de me montrer. Cela t’aurait amusé d’entendre crier : vive Mme Froissart et à notre sortie de voir qu’on entourait notre auto en acclamant ton papa. Autant en emporte le vent, peut-être ! il ne faut pas faire trop de fonds sur les cris.
Madeleine, Michel et Pierre sont venus avec moi pour faire une foule de Froissart.
Aujourd’hui en conférence à Fruges et je ne sais où encore, toujours avec M. Gayet, qui reste jusqu’à Mercredi inclus. Demain on termine la journée par Campagne.
Madeleine et Pierre sont partis à 1h, navrés d’abandonner la lutte au moment où elle devient plus intéressante. Nous tâcherons de vous tenir tous bien au courant.
Je t’embrasse tendrement.
Émilie
Je t’enverrai demain le journal d’aujourd’hui que je n’ai pas ici[16]. Je t’embrasse tendrement, cher enfant, en regrettant de ne plus t’avoir auprès de moi et d’avoir pu, en somme, jouir si peu de ta présence.
Émilie
En rentrant à Montreuil j’y trouve le journal que je t’envoie. Détruis-le aussitôt que tu l’auras lu, car il est inutile de laisser voir ces articles dictés par une véritable méchanceté. Je tiens cependant à ce que tu en aies connaissance.
Notes
- ↑ Damas Froissart, candidat aux élections législatives dans la circonscription de Montreuil-sur-Mer.
- ↑ Charles de Fréville.
- ↑ Saint-Rémy-au-Bois et Gouy-Saint-André.
- ↑ Jacques Froissart.
- ↑ Ludo non identifié.
- ↑ Pierre Froissart.
- ↑ Marcel Gayet.
- ↑ Michel Froissart.
- ↑ Léon Allaud.
- ↑ Jules Froissart.
- ↑ Le républicain radical Paul Devisme.
- ↑ Victor Morel.
- ↑ Guy Tréca.
- ↑ Madeleine Froissart.
- ↑ Albert Tréca.
- ↑ Voir le billet « Campagne électorale – 1910 » sur le carnet Publier une correspondance (https://puc.hypotheses.org/6593).
Notice bibliographique
D’après l’original.
Pour citer cette page
« Vendredi 8 et samedi 9 avril 1910. Lettre d’Émilie Mertzdorff, épouse de Damas Froissart (Montreuil-sur-Mer), à son fils Louis Froissart (Douai) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_8_et_samedi_9_avril_1910&oldid=59263 (accédée le 11 octobre 2024).
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