Vendredi 3 mars 1876

De Une correspondance familiale


Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)


original de la lettre 1876-03-03 pages 1-4.jpg original de la lettre 1876-03-03 pages 2-3.jpg


ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES
ZOOLOGIE[1]

Mon Père chéri,

Voilà trois jours que nous ne t’avons pas écrit, c’est bien mal aussi t’en demandons-nous bien pardon surtout après les si gentilles lettres que tu nous avais écrites et qui nous ont fait tant de plaisir. Décidément la grippe a élu domicile ici et je ne sais comment on pourra la faire déloger ; aujourd’hui tout le monde est plus ou moins patraque : M. Edwards[2] a passé sa journée d’hier au lit toussant beaucoup et ayant la fièvre ce matin il ne s’est levé qu’à midi aujourd’hui, tante[3] aussi est plus prise que jamais et vient de descendre se mettre au lit ; oncle[4] a passé toute sa journée à la maison avec mal à la tête car lui aussi traîne une grippe depuis quelques jours ; enfin Élise[5] n’en peut plus ce soir il n’y a qu’Émilie[6] et moi qui allions bien et encore ma sœur tousse-t-elle de temps à autre de la fin de son rhume. Tu vois d’ici cette piteuse maisonnée et je t’assure que nous sommes tous bien contents que Jean[7] ne soit plus sous notre vilain climat car il nous écrit avec la fenêtre ouverte et les volets fermés parce qu’il fait trop chaud.

Que je te raconte maintenant l’amusant emploi de nos jours gras : d’abord [ ] que Lundi soir nous avons eu Paulette[8] à dîner et que nous avons passé ensemble, grâce à ce bon oncle qui s’est occupé de nous tout le temps, une ravissante soirée ; puis Mardi[9] nouvelle fête sitôt après le dîner nous sommes partis chez MmeArnould[10] avec oncle et tante et je t’assure que nous t’avons bien regretté car nous nous sommes beaucoup amusées. Il y avait des amies de Paulette (Louise et Jeanne Didier &) toutes aussi simples que nous puisque nous avions nos robes de drap et quelques amis de Pierre Arnould plus ses 2 petits frères[11], nous étions en tout une vingtaine et nous avons dansé jusqu’à 11h du soir. Quelles débauches ! mais aussi c’était le Mardi gras, nous avons dansé en cotillon ce qui nous a beaucoup amusées c’est Paulette qui avait tout arrangé.

Mercredi notre journée a été moins folle mais cependant nous ne nous sommes loin de nous être ennuyées ; nous avons eu le cours : en 1ère elles sont en pleins concours de prix et je pense que la distribution aura lieu [le] Mercredi en huit. Figure-toi qu’avant qu’en ce moment c’est ce coquin de Friquet qui est à la tête de sa division elle a un cachet de plus qu’Henriette Baudrillart maintenant les résultats des concours sont secrets jusqu’au fameux jour !!! tu en connais les émotions. Mon jour d’émotion approche aussi et je pense bien être appelée à passer dans trois semaines environ tu vois qu’il ne me reste plus trop de temps aussi faut-il que je repasse avec rage ! demain Samedi nous avons encore un interrogatoire de ces Messieurs ce dont on me recommande bien de ne pas parler car je ne sais si ce n’est pas un peu en fraude qu’ils le font.

Hier nous avons eu nos amies que nous avons reconduites avec Cécile[12], moi j’ai été prendre ma leçon chez Mlle Bosvy[13] afin qu’elle puisse assister demain à l’examen et pendant ce temps Emilie a été chez Mme Roger[14], pauvre piano voilà bien longtemps que je l’ai abandonné. Je ne m’en plains pas au reste car je ne l’aime guère.

Adieu, mon bon petit papa chéri, quand donc te verrons-nous ? je t’embrasse de toutes mes forces comme je t’aime.
Ta fille légèrement pressée
Marie

La Seine déborde et oncle Alfred[15] s’attend à être inondé.


Notes

  1. Papier à en-tête.
  2. Henri Milne-Edwards.
  3. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  4. Alphonse Milne-Edwards.
  5. Élise, domestique chez les Milne-Edwards.
  6. Emilie Mertzdorff, sœur de Marie (dite aussi « Friquet »).
  7. Le petit Jean Dumas, avec sa mère à Cannes.
  8. Paule Arnould.
  9. Mardi Gras, 29 février.
  10. Paule Baltard, épouse d’Edmond Arnould.
  11. Edmond (fils) et Louis Arnould.
  12. Cécile Besançon, bonne des demoiselles Mertzdorff.
  13. Marguerite Geneviève Bosvy enseigne l’arithmétique.
  14. Pauline Roger, veuve de Louis Roger.
  15. Alfred Desnoyers.

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 3 mars 1876. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_3_mars_1876&oldid=59338 (accédée le 21 novembre 2024).

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