Vendredi 29 octobre 1875
Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann)
Paris le 29 Octobre 1875.
Mon cher Papa,
Combien je te remercie pour la si gentille lettre que tu m’as écrite et qui m’a fait un grand plaisir si tu savais comme nous[1] aimons à en recevoir de tes chères et bonnes lettres on se demande toujours pour qui elle va être et alors le propriétaire se jette dessus.
Dans ma dernière lettre, qui du reste était bête comme choux, je te disais que nous allions tous bien à l’exception de Jean[2] qui était couché et enrhumé à ce que l’on croyait ; mais ce n’était pas un vrai rhume car il ne toussait pas il avait énormément de fièvre et très mal à la tête sa maman[3] l’avait mis dans son lit en rentrant de la classe et son malaise a continué toute la nuit et toute la journée d’hier si bien que tout le monde, et même M. Dewulf, était assez inquiet car on craignait que ce ne soit un commencement de maladie, fièvre ou autre, mais ce matin il est tout à fait bien, n’a plus de fièvre ni de mal de tête et a bien dormi toute la nuit aussi M. Dewulf qui y a déjà été aujourd’hui a dit que ce n’était qu’une fièvre de croissance et Emilie vient d’y partir avec oncle[4] afin de jouer avec lui ; et nous irons la reprendre dans une heure avec Hortense[5] qui est avec nous depuis hier au soir.
Je n’ai rien de remarquable à te dire depuis Mercredi matin ; mon cours s’est parfaitement bien passé Mlle je suis toujours ravie de Mlle Kleinhans, nous avons fait les Alpes avec une clarté et une netteté admirables nous commençons aussi à apprendre les chemins de fer avec toutes les villes où ils passent nous ferons ensuite la même chose pour les canaux.
A 4h ½ nous avons eu notre 2e leçon de danse chez Mme Arnould[6]ce qui nous a comme la première extrêmement amusées ; tu ne saurais croire combien M. Fischer est amusant et drôle surtout quand il nous imite en mettant ses pieds en dedans, en se dandinant et en faisant aller ses bras quand il marche, ou bien encore en tirant la langue et ouvrant la bouche comme Marguerite Antoine quand elle s’applique. Nous avons appris la 1re figure du quadrille et ce n’est pas sans peine je t’assure car nous prenons sans cesse notre gauche pour notre droite ce qui excitait de nombreux éclats de rire.
La révérence ne va pas mal cependant nous ne sommes pas encore arrivés au degré de perfection de notre illustre maître qui, lorsque la leçon est finie se met au milieu du salon et fait trois ou quatre saluts dans toutes les directions puis sort majestueusement. De temps en temps aussi il nous dit « oh ! maintenant cela ne s’appelle plus danser en voulez-vous des pas je sais en faire. » D’ailleurs il se met à tourbillonner faire des entrechats qui nous font nous tordre de rire ce que tu comprends.
Hier Jeudi nous avons passé notre journée à travailler et à 4h nous avons été chez Mme Roger[7] ; elle est très contente d’Emilie et trouve qu’elle fait de grands progrès ce qui n’est pas étonnant car elle travaille beaucoup.
Comme tu deviens mondain, mon petit papa, c’est toi qui vas comme ainsi soirée ? mais je ne puis pas le croire quel changement s’est donc opéré dans les mœurs ?
Quand tu reverras Marie Stoecklin je te prierai de lui dire bien des choses de ma part.
A revoir mon bon petit papa nous sommes au dernier moment pour partir. Je t’embrasse de tout mon cœur
Mary
Notes
- ↑ Marie Mertzdorff et sa sœur Émilie.
- ↑ Jean Dumas.
- ↑ Cécile Milne-Edwards, épouse d’Ernest Charles Jean Baptiste Dumas.
- ↑ Alphonse Milne-Edwards.
- ↑ Hortense Duval.
- ↑ Paule Baltard, épouse d’Edmond Arnould.
- ↑ Pauline Roger, veuve de Louis Roger, est professeur de piano.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Vendredi 29 octobre 1875. Lettre de Marie Mertzdorff (Paris) à son père Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_29_octobre_1875&oldid=35998 (accédée le 18 décembre 2024).
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