Samedi 30 octobre 1875
Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris)
30.8br.75[1]
Ma chère Marie.
J’ai un petit moment & quoiqu’il commence à faire sombre, je t’écris.
Tu sais, vous écrire est une bonne & douce distraction & comme je viens de me morfondre sur un plan, il est juste que j’aie ma récompense. & comme personne ne me donne vacances il faut bien que je la prenne moi-même.
Samedi jour de paye l’on cesse le travail avant l’heure & mon oncle[2] & M. Jeaglé vont avoir à distribuer force thaler, la paie de la 15zaine est forte 15 mille francs & fin du mois 6 000 F, total 21 Mille F en un jour ce qui donne bien de la besogne à ce pauvre Oncle ; heureusement que son grand plaisir est de grouiller dans l’argent aussi sont-ils tous les deux à leur affaire. Souvent je me demande où l’on prend tout cet argent que l’on distribue chaque mois & cependant il vient, s’en va de nouveau & c’est ainsi que l’on a la satisfaction de faire vivre bien du monde, qui aime cela a souvent des satisfactions à côté de quelques soucis, mais l’un ne va pas [sans] l’autre, ce n’est qu’après la pluie que le beau temps nous réjouit.
Demain grande fête au Vieux-Thann (château de la blanchisserie) & vous ne direz plus que je n’aime pas le monde.
Mais je me trompe, c’est moi qui me le fais accroire, & je l’ai cru. cependant voilà lettres sur lettres qui se succèdent toutes pleines de fêtes. Mais revenons à la réunion de demain. Tous les salons ouverts, grand dîner de 8 personnes[3] etc. etc.
C’est Morschwiller qui vient en foule… J’ai fait visite à ces bons parents Jeudi dernier, temps froid & pluie toute la journée mais la voiture m’attendait de sorte que la route toute défoncée & ne m’a pas empêché d’arriver dans tous mes atours.
J’ai trouvé bonne mine à M. l’ingénieur & à Mme Auguste qui cependant se trouvait un peu fatiguée non du voyage, mais d’une quantité de promenades qu’elle a fait faire à son frère pendant son séjour à Besançon.
L’on était très gai. Mme Auguste ne prévoit pas de changement pour son gendre[4] d’ici quelques mois au moins, ils passeront donc tranquillement l’hiver à Besançon. Quant à M. l’Ingénieur après un séjour à Morschwiller il viendra passer quelque temps à Vieux Thann pour rentrer à Rambouillet & cet hiver il pense le passer auprès de son fils[5] dans le midi. Cette vie nomade lui plaît assez & je trouve que sa santé ne s’en trouve que mieux.
l’oncle Georges n’est pas allé à Strasbourg, un télégramme l’a prié de remettre son voyage à Mardi prochain, faute de place convenable à la TousSaint. pourvu que l’opération réussisse bien & que cette pauvre tante[6] ne souffre pas trop. Comme elle y a déjà passé elle ne se fait pas grand souci & montre beaucoup de courage.
Nanette[7] a été souffrante ces derniers jours, mais je n’en sais rien, c’est l’oncle Georges qui me l’a dit. J’espère cependant que l’hiver se passera assez bien pour elle. Il est fâcheux pour elle & ses enfants qu’ils ne s’entendent pas mieux ; mais dans cette classe c’est souvent, trop souvent le cas. l’on ne sait pas faire de concessions.
Lorsque je verrai Marie Stoecklin ta commission sera faite ; du reste elle me demande toujours de vos nouvelles, quant à Jeanne[8], elle ne parle plus dès que je suis là & cependant c’est une petite pie lorsqu’il n’y a personne.
Rien de bien intéressant à t’apprendre de la maison. Thérèse[9] travaille toujours comme quatre & comme je te le disais Nanette fait ce qu’elle peut. les poires qui mollissent dans toute leur splendeur lui donnent beaucoup de soucis. Ce sont des paniers que l’on vend & d’autres que l’on donne à l’Orphelinat du Kattenbach ; c’est toujours là que vont tous nos excès de richesses.
Il y a pas mal de malades en ce moment, mais c’est la saison & il fait si mauvais depuis quelques semaines. M. Pétrus donne de nouveau des inquiétudes le voilà 15 jours retenu chez lui. son beau-père est mort comme tu sais, sa belle-sœur s’en va & sa femme tousse aussi beaucoup.
A la fabrique l’on travaille tous les soirs jusqu’à 9h & ce n’est pas encore suffisant. Aussi allons-nous cet hiver nous préparer à réparer la sottise faite d’avoir transporté une partie du blanchiment à Morschwiller.
J’ai eu beau serrer mes lignes, me voilà déjà au bout de mon papier & il ne me reste qu’à vous embrasser tous de tout cœur.
ton père qui t’aime comme l’on aime une bonne grosse.
Charles Mff
Notes
- ↑ Papier à en-tête professionnel.
- ↑ Georges Heuchel.
- ↑ Louis Daniel Constant Duméril, son épouse Félicité Duméril et son fils Léon ; Charles Auguste Duméril (« l’ingénieur ») et ses fils Paul et Georges ; Eugénie Duméril veuve d’Auguste Duméril (« Mme Auguste ») ; Charles Mertzdorff.
- ↑ Félix Soleil.
- ↑ Paul Duméril.
- ↑ Elisabeth Schirmer épouse de Georges Heuchel.
- ↑ Annette, cuisinière chez Charles Mertzdorff.
- ↑ Jeanne Heuchel, 7 ans.
- ↑ Thérèse Neeff, domestique chez Charles Mertzdorff.
Notice bibliographique
D’après l’original
Pour citer cette page
« Samedi 30 octobre 1875. Lettre de Charles Mertzdorff (Vieux-Thann) à sa fille Marie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Samedi_30_octobre_1875&oldid=51739 (accédée le 18 décembre 2024).
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