Vendredi 28 mai 1875 (B)

De Une correspondance familiale

Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à ses petites-filles Marie et Emilie Mertzdorff (Paris)

original de la lettre 1875-05-28B pages 1-4.jpg original de la lettre 1875-05-28B pages 2-3.jpg


Morschwiller 28 Mai 1875

Mes chères et bien aimées petites-filles,

C’est hier après-midi que votre bon père[1] m’a remis le beau et long travail que toutes deux vous avez entrepris pour moi, combien j’en suis touchée et combien j’attache de prix à cette jolie tapisserie que je me plais à regarder souvent. Chères petites que de choses différentes vous savez faire sous la direction tendre et éclairée de la bonne tante[2] qui est devenue pour vous une troisième jeune mère[3]. Quoique loin de vous, je vous suis en tout par la pensée et je le puis, en ayant vu par moi-même la manière dont se distribue votre temps, que de fois je raconte à votre bon-papa[4] ce qui se passe au cours[5], la façon dont on a répondu aux questions. Quand j’étais là je me sentais un peu agitée lorsqu’arrivait votre tour de répondre, mais bientôt j’étais rassurée et contente. Ai-je besoin de dire la vive part que j’ai prise à la nouvelle de la mort de Madame Charrier[6]. Je désire que sa nièce[7] qu’elle aimait tant, sache combien je m’associe à son chagrin qu’elle supporte, m’a-t-on dit, avec autant de courage que de résignation. Cette pauvre demoiselle est bien à plaindre car son rôle est difficile à présent qu’elle n’a plus la protection d’une tante qui était une mère pour elle.

Ma sœur[8] m’a écrit plusieurs fois de bonnes et pressantes lettres pour me dire en son nom et en celui de ses enfants[9] de ne pas remettre le voyage à Besançon, attendu que d’un moment à l’autre notre neveu Félix Soleil pouvait être appelé comme Directeur dans une localité peut-être éloignée de ce pays-ci. Je tâcherai donc d’aller les voir mais je ne sais pas encore à quel moment. Il faut que je me donne le plaisir de copier le passage de la lettre de ma sœur concernant la petite Louise[10] :

La plus délicate de constitution parmi mes cinq petits-enfants[11], la plus mignonne [de membres], celle qui exige le plus de soins, est la petite Louise : elle est, quant à présent, la mieux partagée sous le rapport des traits. Le petit Auguste a la peau blanche, les yeux bleus, la forme de tête de Léon : de même que ce dernier, il a l’air d’un bon gros, et intelligent pour quatre mois.

Je vous prie, mes chères petites, de dire à Marthe Pavet[12] et à sa bonne mère[13] qu’hier j’ai prié Dieu avec elles et à leur intention. Cette chère petite Marthe aura parfaitement compris l’importance de l’acte qu’elle vient d’accomplir. Elle est heureuse par son cœur et en regardant sa tendre mère à laquelle elle donne des forces et du courage.

Nous avons eu ces jours derniers à la fabrique de grandes émotions, le père Buisson a failli être écrasé par un métier qui a été arraché violemment du sol et qui est retombé sur lui. Le bout d’une pièce s’étant enroulé à la courroie de l’arbre de transmission a causé ce malheur, mais grâce à Dieu ce pauvre homme en est quitte pour des contusions. Le médecin appelé en hâte nous a de suite tranquillisés. Puis voilà qu’avant-hier la grande machine s’est détraquée, mais sans que personne ait couru de danger.

Mille remerciements, ma chère petite Marie, pour ta bonne lettre et pour les violettes qu’elle contenait qui se rattachent à un souvenir précieux. Je pense bien au petit Jean[14] et j’espère que ce cher enfant reprendra des forces à la campagne.

J’embrasse comme je les aime mes chères petites, j’embrasse de même leur tante et leur bonne-maman[15]. Ne nous oubliez pas auprès de votre oncle Alphonse[16], il sait combien nous l’aimons, nous lui disons comme à sa chère femme qu’il ne se laisse pas entraîner à trop de fatigue.

Félicité Duméril

Vous verrez un de ces jours l’oncle Léon[17] qui est dans ce moment au [Havre] où il reçoit l’accueil le plus affectueux de la famille.

Inutile de dire que nous pensons souvent au mois de septembre.

La mort de notre digne Curé M. Moreau[18] m’a bien impressionnée ainsi que celle d’Anna Aronssohn Madame de Chalot décédée dans le Midi à l’âge de 38 ans.


Notes

  1. Charles Mertzdorff.
  2. Aglaé Desnoyers, épouse d’Alphonse Milne-Edwards.
  3. Après Caroline Duméril (†) et Eugénie Desnoyers (†), première et seconde épouses de Charles Mertzdorff.
  4. Louis Daniel Constant Duméril.
  5. Le cours Charrier-Boblet.
  6. Caroline Boblet, veuve d’Edouard Charrier.
  7. Mlle des Essarts-Boblet.
  8. Eugénie Duméril, veuve d’Auguste Duméril.
  9. Adèle Duméril et son époux Félix Soleil.
  10. Louise Soleil.
  11. Marie, Léon, Pierre, Louise et Auguste Soleil.
  12. Marthe Pavet de Courteille, qui a fait sa première communion.
  13. Louise Milne-Edwards, veuve de Daniel Pavet de Courteille.
  14. Jean Dumas.
  15. Jeanne Target, épouse de Jules Desnoyers.
  16. Alphonse Milne-Edwards, époux d’Aglaé Desnoyers.
  17. Léon Duméril.
  18. Jean Charles Moreau, curé de Saint-Médard (Paris).

Notice bibliographique

D’après l’original

Pour citer cette page

« Vendredi 28 mai 1875 (B). Lettre de Félicité Duméril, épouse de Louis Daniel Constant Duméril (Morschwiller) à ses petites-filles Marie et Emilie Mertzdorff (Paris) », Une correspondance familiale (D. Poublan et C. Dauphin eds.), https://lettresfamiliales.ehess.fr/w/index.php?title=Vendredi_28_mai_1875_(B)&oldid=52334 (accédée le 19 mars 2024).

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